Quel avenir pour les énergies renouvelables aux États-Unis ?
Jamais l’arrivée d’un nouveau Président à la tête d’une nation n’aura autant fait redouter un tel risque de retour en arrière en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Connu pour être un climato-sceptique aguerri, Donald Trump a en effet mené sa campagne en clamant haut et fort que le réchauffement climatique était « un canular inventé par les chinois« . Un argument que beaucoup jugeront douteux mais qui a, semble-t-il, porté ses fruits. Et pourtant, à quelques jours de l’investiture de l’homme d’affaire américain, le pessimisme n’est pas forcément de rigueur. Car en ces temps de défiance envers la véracité du réchauffement climatique, l’Annual Energy Outlook 2017 apportent des conclusions plus que rassurantes.
Les États-Unis, exportateurs net d’énergie jusqu’en 2050
C’est probablement pour rassurer les personnes qui redoutent que l’arrivée de Trump ne signe l’avènement d’une période difficile pour la politique énergétique américaine que l’Energy Information Administration (EIA) a décidé de rendre public son traditionnel Energy Outlook… à quelques jours de l’investiture de ce futur Président déjà tant décrié. Comme chaque année, cette publication permet au département de l’Énergie de révéler ses dernières projections quant aux évolutions probables du mix énergétique américain.
Le rapport de l’EIA présente huit scénarios différents pour tenter d’appréhender les évolutions du marché énergétique des États-Unis à l’horizon 2050. Dans la plupart de ces scénarios, et malgré les différentes hypothèses de croissance économique et d’évolution des prix du pétrole, les États-Unis devraient rester exportateurs net d’énergie jusqu’en 2050.
« Les projections de l’EIA montrent de quelle manière les progrès technologiques stimulent la production de pétrole et de gaz naturel ainsi que la pénétration des énergies renouvelables », estime Adam Sieminski, l’un des auteurs de l’étude.
Selon le scénario de référence retenu par l’EIA, la production d’énergie primaire américaine devrait augmenter de plus de 20 % entre 2016 et 2040. La raison principale de cette croissance constante selon le département de l’Énergie américain : l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. La production gazière et pétrolière des États-Unis devrait en effet continuer à augmenter d’ici 2040. À cette date, la production gazière pourrait même compter pour 40% de la production nationale d’énergie.
La croissance des énergies renouvelables malgré Trump
Mais les énergies propres ne devraient pas être en reste : l’EIA estime en effet que le gaz naturel et les énergies renouvelables demeureront des ressources énergétiques essentielles dans le mix américain. Et ce, même si l’application du Clean Power Plan était compromise par l’administration Trump. Les énergies renouvelables éolienne et solaire devraient notamment bénéficier des politiques de soutien actuelles pour continuer à croître de 70 GW jusqu’à 2021.
Si les proportions varient en fonction du scénario, l’EIA estime que l’évolution du mix électrique américain devrait s’articuler autour du gaz naturel et de l’énergie solaire. Après 2030, selon le scénario de référence, l’énergie solaire pourrait même représenter plus de 50 % des nouvelles capacités de production d’électricité. Le Président sortant, Barack Obama, n’est pas si loin de la vérité en annonçant que « la tendance à l’énergie renouvelables est irréversible ».
Cette tendance devrait être accompagnée de la chute de la production américaine de charbon et, par conséquent, de la diminution de la part de cette ressource fossile polluante dans le mix énergétique. Du côté de l’énergie nucléaire, l’EIA estime que la production devrait également légèrement baisser d’ici 2040. Les arrêts planifiés de centrales seront compensés par la mise en service de nouvelles capacités de production électronucléaire.
Les investisseurs toujours confiants
Donald Trump a décidé de placer Rick Perry, fervent défenseur des hydrocarbures, à la tête du département de l’énergie. L’objectif du nouveau Président est notamment de relancer la production des mines de charbon pour stimuler la création d’emplois et de supprimer les avantages fiscaux accordés aux énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque). Les résultats de l’étude prospective de l’EIA semblent cependant indiquer qu’il sera difficile d’enrayer le déclin du charbon et la croissance des ressources énergétiques respectueuses de l’environnement.
Ce sentiment semble d’ailleurs partagé par de nombreux acteurs du secteur, mais également par les multinationales des quatre coins de la planète. Début janvier, les patrons de plus de 640 sociétés américaines (Intel, Nike, Hewlett-Packard, Levi Strauss…) et de filiales de groupes européens (Ikea, Danone, Adidas…) ont uni leurs voix pour rappeler leur soutien à l’accord de Paris. « Échouer à construire une économie bas carbone mettrait en danger la prospérité américaine[alors que] mettre en œuvre les bonnes actions dès maintenant permettra de créer des emplois et de doper la compétitivité », ont-ils expliqué dans une lettre ouverte au nouvel occupant de la Maison Blanche.
L’élection de Trump et sa politique énergétique ne semblent pas effrayer l’électricien français EDF, dont la filiale renouvelable EDF Énergie Nouvelle (EDF EN) compte même renforcer son engagement Outre-Atlantique. « Aux États-Unis, personne ne nous a dit “J’arrête tout à cause de M.Trump”. La quasi-totalité de nos partenaires n’ont pas changé leurs plans », explique Antoine Cahuzac, directeur exécutif d’EDF et patron d’EDF EN.
Le groupe tricolore a en effet annoncé son objectif d’implanter 3.000 MW de nouvelles capacités éoliennes aux États-Unis à l’horizon 2020. Un chiffre qui vient s’ajouter aux 707 MW qu’EDF EN a mis en service ces deux derniers mois au Texas (deux parcs éoliens à Tyler Bluff et Salt Fork), dans l’Illinois (à Kelly Creek) et dans l’Oklahoma (à Great Western). Et M. Cahuzac de rappeler que ces installations s’inscrivent dans une politique d’engagement fort de la part de grandes entreprises soucieuses de réduire leur empreinte carbone (les turbines de Great Western fourniront l’énergie électrique nécessaire au bon fonctionnement d’un data-center de Google).
Si les États-Unis sont de gros consommateurs d’énergie électrique, il s’agit également d’un important producteur : un cinquième de l’électricité mondiale est en effet produite Outre-Atlantique. Le renouvelable tient une place importante dans ces volumes d’électricité grâce, notamment, à des filières déjà bien implantées (éolien, biomasse, géothermie…). Malgré les inquiétudes suscitées par l’élection de Donal Trump à la présidence, la tendance à la « verdification » du mix énergétique américain ne devrait donc pas s’inverser.