2050 : quelles énergies pour nos enfants ?
Après plusieurs ouvrages sur les énergies, destinés au grand public, le physicien Pierre Papon, ancien directeur général du CNRS et ex-Pdg de l’IFREMER, vient de publier (au Pommier) un nouvel essai : « 2050 : quelles énergies pour nos enfants ? ». Interview.
Quels sont les principaux enjeux énergétiques qui sont devant nous ?
J’identifie trois défis. Le premier est l’accès équitable à l’énergie pour tous les habitants de la planète. Il y a environ un 1,3 milliard personnes qui n’ont pas l’électricité, 2,5 milliards qui ont une énergie frustre et polluante pour leurs moyens domestiques. Ne pas répondre aux besoins de tous les habitants est un facteur, à terme, déstabilisant pour l’équilibre du monde, en particulier en Afrique et en Asie avec des perspectives de développement démographique importantes qui peuvent aboutir à des crises sociales, économiques et internationales et à des mouvements de migration.
Le deuxième enjeu, qui est assez évident même s’il reste des climato sceptiques, est le réchauffement climatique. Le troisième défi est plus modéré : la disponibilité des ressources énergétiques.
Quelles sont les clés pour faire face à ces défis ?
J’ai identifié quatre clés ou variables en faisant de la rétrospective et des scénarios de science fiction. Le premier moyen est l’efficacité énergétique, à savoir consommer moins d’énergie pour aboutir à des résultats équivalents, du transport au chauffage dans les bâtiments. La deuxième clé est l’urbanisation au sens large du terme avec les aménagements urbains dans les villes des pays développés et en voie de développement où l’on constate, par exemple, des pertes colossales d’énergie dans les bidonvilles.
Le troisième moyen est la variable sociale avec le mode de financement des investissements énergétiques et la modification des conditions de travail (qui est en cours avec le développement du tertiaire moins consommateur d’énergie).
La dernière clé passe par la science et la technologie de façon à faire sauter les verrous techniques qui sont des obstacles à la transition énergétique. Je pense qu’il faut rallumer les Lumières et que les citoyens s’approprient les nouveaux modes de consommation et de production d’énergie.
La France est-elle moteur dans l’utilisation de ces quatre variables ?
Globalement oui. La France utilise ces quatre variables, notamment dans les défis techniques, dans une certaine mesure dans l’efficacité énergétique avec une électricité produite parmi les moins chères d’Europe. La question de l’urbanisme français de ces 30 dernières années, a été, en revanche, d’un certain côté désastreuse avec un périurbain qui s’est étendu un peu partout et très consommateur d’énergie. L’exemple des transports est révélateur : faute de transport public, vous êtes souvent obligé d’aller dans des zones commerciales en voiture pour aller faire vos courses…
Le Grand Paris corrigera peut-être le tir ?
Effectivement. Le Grand Paris peut être un moyen pour la région Île-de-France d’améliorer les choses. Mais dans beaucoup villes moyennes de province, ce ne sera pas encore le cas…
Vous dites dans votre livre que les pays commencent à peine à réaliser l’ampleur des défis. L’accord de Paris (COP 21) n’a-t-il pas donné une impulsion suffisante ?
L’accord de Paris, même s’il n’est pas juridiquement liant pour des objectifs chiffrés, est incontestablement positif. C’est une étape. Problème : même en signant le document, de nombreux pays n’ont sans doute pas réalisé totalement les moyens financiers qu’il va falloir engager, année après année, pour faire la transition énergétique et pour monter en puissance dans le domaine des énergies renouvelables. En ce qui concerne la Chine ou l’Inde qui misent sur le nucléaire pour participer à l’électrification, je ne suis pas sûr qu’ils aient pensé aux efforts financiers qu’ils vont devoir mettre sur la table. Par ailleurs, l’opinion publique n’est pas complètement consciente qu’il va falloir changer nos modes de vie et nos de modes de travail pour économiser l’énergie, y compris en France.
De nombreux scénarios prévoient un fort développement de l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale. Quel est, selon-vous, l’avenir de la filière ?
Après les évènements type Fukushima, l’avenir passe avant tout par les moyens de sûreté des réacteurs actuels et ceux à construire.
Ensuite, je pars d’un constat : l’énergie nucléaire est incontestablement un moyen pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et, pour la plupart des pays, dont la France, un moyen d’assurer l’indépendance énergétique du pays même si nous devons importer l’uranium. Problème : c’est une énergie très capitalistique et les arbitrages à venir sur la production d’électricité sur les différentes filières seront à faire sur le coût du kilowattheure. Je pense que le nucléaire, du coup, peut rebondir avec d’autres filières qui seraient moins chères et plus sûres comme celle supposée au thorium qui produirait moins de déchets.
Ma position sur le cas de la France est pragmatique. Il faut faire feu de tout bois. Un pays comme la France, qui a les capacités techniques et industrielles de faire du nucléaire, aurait tort de s’en priver, bien entendu en vérifiant que les conditions de sûreté des réacteurs soient très claires.
Vous écrivez : en 2050, nos enfants rouleront en voitures électriques, ou avec des biocarburants, les campagnes seront parsemées d’éoliennes… Est-ce un doux rêve ou une réalité en marche ?
C’est une utopie dans le bon sens du terme ! L’Agence internationale de l’énergie prévoit que 500 millions de voitures électriques rouleront sur la planète en 2050. Je pense que cela est possible si nous arrivons à faire sauter le verrou du stockage de l’électricité. Il faut trouver des moyens techniques pour stocker massivement l’électricité produite sur des sites solaires ou dans des fermes éoliennes.
Concernant l’éolien terrestre, on est proche de la rentabilité en France. Ce n’est pas le cas de l’éolien offshore. Mais les choses vont nécessairement évoluer et la filière, comme celle du solaire, compte tenu de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, va se développer en mer comme sur terre. Inévitablement, la transition énergétique va prendre du temps. Il faut donner du temps au temps.
Crédit photo : Olivier Durin
COMMENTAIRES
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