L’agrivoltaïsme, une solution pour stopper la destruction des terres agricoles
Tribune signée Antoine Nogier, fondateur de Sun’Agri
Les derniers épisodes caniculaires affaiblissent un peu plus notre agriculture, après les pluies torrentielles de cet hiver et la grêle du printemps. A l’urgence climatique nous devons désormais répondre à l’urgence agricole.
Reconnaissons-le, il faut à nos cultivateurs une sacrée dose de courage pour poursuivre leur activité par tant de vents contraires. Montrés du doigt pour leur contribution à la réduction de la biodiversité ou au réchauffement climatique, ils doivent survivre en pleine tempête climatique tout en amorçant leur transition vers des pratiques plus vertueuses.
Beaucoup ont déjà renoncé et beaucoup d’autres encore songent à vendre leur exploitation en l’absence de réponse adaptée à leurs enjeux.
Pourtant, nous n’avons jamais eu autant besoin d’agriculture. Elle apporte une réponse vitale aux deux défis du siècle : participer à la production d’énergie propre, en particulier l’énergie solaire et satisfaire les besoins alimentaires d’une population croissante.
Or, aujourd’hui, ces deux objectifs resteront inconciliables si nous ne changeons pas de logiciel, si nous ne substituons pas à notre raisonnement en silo une approche holistique.
Des signaux récents font en effet peser une lourde menace sur les espaces agricoles qui sont convoités par des développeurs d’énergie solaire en mal d’espace ou d’effet d’aubaine.
L’annonce récente d’un giga projet de près de 2 000 hectares dans le Lot-et-Garonne laisse pantois : situé pour une grande part sur des terres agricoles, il est présenté comme permettant d’économiser 2 milliards de m3 d’eau d’irrigation…
Une autre annonce a de quoi inquiéter elle aussi : un grand énergéticien souhaiterait acquérir plus de 30 000 hectares et lorgnerait sur des terres agricoles en quantité.
Nombreux sont les exemples de développeurs qui tentent de reconvertir des milliers d’hectares de terres agricoles, employant les prétextes les plus fallacieux pour y parvenir : ces terres seraient polluées par l’agriculture, à faible valeur agricole ou, tout simplement, seraient déclassées des zones agricoles.
Le solaire favoriserait la biodiversité au motif que l’agriculture ayant disparu, les traitements (pesticides, fongicides) cesseraient…
Le sacrifice de terres agricoles
Pourquoi une telle effervescence autour des terres agricoles ? Parce que contrairement aux idées judicieusement répandues, les toitures, parkings, friches industrielles ou espaces pollués propices au solaire ne sont de toute évidence pas assez nombreux pour permettre de réaliser 30 à 35 GWc supplémentaires d’ici 2028 pour atteindre nos objectifs nationaux.
Preuve en est : avec seulement 8,5 GWc installés en France au 31 décembre 2018, le sud montre des signes évidents de saturation, au point qu’à l’issue du dernier appel d’offres, la majorité des projets retenus par la Commission de régulation de l’énergie étaient situés au nord de la Loire.
On constate que des centaines de milliers d’hectares agricoles sont sécurisés partout en France via des promesses de bail, espérant déclasser le terrain.
Des gigas projets émergent, tous situés sur des terres agricoles. Et certains terrains dans le sud se négocient à plus de 16 000€/ha pour des revenus inférieurs à 60 000€/ha !!
Alors, comment arriver à une transition énergétique totale en 2050 sans sacrifier des espaces agricoles ou naturels alors que tous les experts tirent la sonnette d’alarme sur les risques réels liés à l’alimentation de la population mondiale dans les prochaines décennies ?
Pour nourrir les 9,7 milliards d’habitants anticipés à la moitié du siècle, nous n’avons pas assez d’espaces agricoles. Le rapport « Créer un avenir alimentaire durable » publié par le World Ressources Institute indique que pour nourrir la population mondiale en 2050, il faudrait augmenter les espaces agricoles de près de 600 millions d’hectares, soit 2 fois la surface de l’Inde ou encore 20 fois la surface cultivée française.
Dans le même temps, les terres agricoles diminuent du fait de l’urbanisation, les rendements stagnent voire diminuent et, enfin, les changements climatiques dérèglent profondément les systèmes agricoles et menacent 10 à 15% de la production en grandes cultures.
Dans ce contexte, sacrifier ne serait-ce que 0,5% ou 1% des surfaces agricoles pour permettre la transition énergétique est une aberration.
L’agrivoltaïsme, une solution innovante
La solution existe pourtant avec l’agrivoltaïsme, une approche innovante qui apporte une solution au conflit d’usage des sols entre l’énergie solaire et l’agriculture.
L’agrivoltaïsme s’appuie sur une technologie de panneaux solaires disposés au-dessus des cultures (vignes, vergers, maraîchages) pour permettre les récoltes et leur entretien.
Piloté par un logiciel conçu à partir de l’intelligence artificielle, le système privilégie toujours le bien-être des plantes à la production d’énergie et est adapté chaque typologie d’environnement.
Les avantages pour l’agriculteur : des plants protégés des excès climatiques été comme hiver, une amélioration des rendements et de la qualité des produits, une diminution de la consommation d’eau (-20% pour les vignes), la production d’une énergie propre toute l’année et in fine la possibilité de conserver et pérenniser des cultures condamnées à disparaître ou à migrer.
Cette approche holistique est encore sous-estimée au profit d’une course au rendement énergétique survalorisée dans les appels d’offres.
L’impulsion pourrait venir de l’OCDE qui, dans son dernier rapport, estime que « Dans beaucoup de pays, les performances environnementales de l’agriculture progressent moins vite, voire régressent, depuis le milieu des années 2000 : les pays devraient investir pour combler leurs déficits de connaissances et s’appuyer sur les technologies numériques pour ce faire ».
COMMENTAIRES
Article smart et d actuel
Site intéressant,pour le développement durable de l’agriculture dans le monde en sensibilisant les hauts responsables des pays cause changement de climat et les besoins en alimentation voir (FAO).
Commissaire enquêteur dirigeant des enquêtes publiques sur le sujet, je suis intéressé par les éléments de réflexion qui peuvent m’être utiles