Le modèle énergétique allemand, une source d’inspiration pour la France ?
L’Allemagne a marqué une grande première : les énergies renouvelables ont détrôné le charbon dans son mix énergétique et sont devenues sa principale source d’énergie avec environ 40% de la production nationale.[1]
La France qui a pour objectif de réduire à 50% la part du nucléaire dans sa consommation d’énergie, contre 70% aujourd’hui, a tout intérêt à s’inspirer de cette expérience réussie outre-Rhin.
Kilian Dubost, Directeur des opérations France de l’agrégateur et fournisseur d’énergie natGAS, analyse le modèle allemand et interroge le marché français.
Le marché français a 10 ans de retard
Voilà maintenant plus de 10 ans que l’Allemagne ne cesse d’investir dans les énergies renouvelables et de diversifier son mix énergétique : photovoltaïques, hydrauliques, thermiques, biogaz…
Dix années pendant lesquelles la France a pris du retard en se reposant principalement sur ses centrales nucléaires. Aujourd’hui, la société civile est à l’origine d’un grand nombre de recours juridiques qui retardent les entreprises dans la mise en place de parcs éoliens ou de panneaux solaires.
Dernier exemple en date : le projet éolien à Guern en Bretagne qui peine à voir le jour.
Très attachés à leur patrimoine, les français sont plus réticents à l’idée de voir leur territoire recouvert de parcs éoliens ou de panneaux photovoltaïques et plus vindicatifs face à leur installation que les allemands qui se sont de longue date habitués à la vue de ces infrastructures.
Pour preuve : l’éolien terrestre représentait en 2018 en Allemagne une production annuelle de 52 931 MW presque quatre fois supérieure à la production française de 15 075 MW[2] . Au cours de la même année, l’Allemagne a augmenté sa production de 2 402 MW tandis que la France n’ajoutait que 1 474 MW à la sienne[3] .
Autre exemple : l’Allemagne a développé l’année dernière, un parc éolien offshore de 6 382 MW alors que la France n’a que très peu investi dans ce modèle. Saint-Nazaire est la première concrétisation du développement éolien offshore en France, et celui-ci a été fortement critiqué et malmené par des associations de défense de l’environnement.
Pourtant, les éoliennes promettent de couvrir la consommation de 400 000 ménages, ou 20% de la consommation électrique de Loire-Atlantique.
Les installations de panneaux photovoltaïques ne font pas exception et s’implantent difficilement sur l’hexagone. Alors que l’Allemagne a installé 2 947 MWp en 2018, la production française n’a crû que de 862 MWp… Ce qui peut sembler paradoxal puisque le potentiel d’ensoleillement est nettement supérieur en France.
Un retard qui a notamment pour conséquence un important sous-développement des acteurs et agrégateurs français. Des entreprises allemandes – plus mûres en termes de gestion et de solutions technologiques automatisées – s’implantent donc sur le marché des renouvelables français, en y créant une filiale ou en rachetant de petites entreprises locales.
Subventionner et diversifier la production verte
Aujourd’hui, la France prend exemple sur le système de subvention allemand : pour toute nouvelle installation d’énergies renouvelables dites « vertes » le prix de revente est garanti et supérieur au prix du marché.
Ce modèle n’est pour autant pas encore rentable et reste subventionné par des taxes sur la consommation d’énergie des industries et des particuliers. Néanmoins, cette étape parait indispensable pour espérer atteindre un jour la masse critique nécessaire au passage à un modèle plus écologique.
Plus il y aura d’investissements, plus la rentabilité et la diversité des technologies de production augmenteront et permettront d’aboutir à un parc offrant une alternative crédible aux polluants comme le charbon et le pétrole par exemple.
Dans ce contexte, le gouvernement français a, via son programme pluriannuel de l’énergie (PPE), prévu de renforcer le développement de l’éolien et projette une production de 24 600 MW en 2023 et entre 34 100 et 35 600 MW en 2026 sur l’hexagone.
Comme en Allemagne, l’ensemble des projets d’installation d’éoliennes en France seront désormais soumis à des appels d’offres faisant jouer la concurrence pour obtenir le meilleur prix. Une façon d’élever la compétitivité des parc français face à des éoliennes allemandes en moyenne plus hautes et plus puissantes qu’en France.
Le problème majeur des renouvelables est qu’elles ne fonctionnent que si la source d’énergie est active — l’éolienne ne tourne pas sans vent — et qu’en l’absence de moyen économiquement viable pour stocker l’électricité, des périodes de surproduction comme de pénurie peuvent survenir avec les conséquences sur les prix que l’on peut imaginer.
Le basculement vers ces énergies risque donc d’aboutir à un modèle tributaire des éléments rendant indispensable la diversification des sources d’énergie.
Le biogaz qui capitalise sur une ressource plus constante, maîtrisable et surtout déjà existante en partie – les déchets – constitue à ce titre un complément particulièrement intéressant.
Reste à savoir si la réelle problématique du renouvelable en France n’est pas le changement du comportement des consommateurs. A l’heure où la consommation bio et locale est bien ancrée dans les paniers des français, la consommation d’énergies vertes n’est pas encore un réflexe.
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[1] https://www.ise.fraunhofer.de/de/presse-und-medien/news/2018/nettostromerzeugung-2018.html
[2] Service de la donnée et des études statistiques
[3] Les données de 2018 ne sont pas définitives et peuvent encore varier
COMMENTAIRES
Dans ce cercle « vers tueux », il faut se méfier des apparences …
Rappelez vous, le biométhane, c’est l’appauvrissement des terres, et la pollution des eaux, terres et airs.
La seule solution est la décroissance.
Lisez les fiches pédagogiques des scientifiques:
Le CSNM
https://twitter.com/CSNM9 ou https://www.facebook.com/groups/CSNMraison/
Signez et partagez, quelques politiques conscients nous suivent:
http://chng.it/XGKyGFrJdJ
Il s’agit d’un point de vue…et le point d’interrogation qui ponctue le titre de l’article est en effet conservatoire, compte tenu de la teneur de l’article laquelle en effet interroge.
Une fois de plus, on présente le schéma électrique allemand comme exemplaire alors qu’on devrait surtout le qualifier de singulier.
Quant au propos lui-même, est gênant et même disqualifiant, le fait qu’on y confonde en permanence puissance installée des installations (leur capacité) et production des différents moyens (leur contribution), le tout étant exprimé en MW. Cet amalgame rend inopérants nombre des raisonnements qui s’appuient sur ces valeurs ou sur ces ratios et qui ne concernent de fait que les puissances installées.
Par exemple parlant : en France la puissance du parc nucléaire est de 60 000 MW et celle des renouvelables électriques (hors hydraulique) de 25 000 MW soit en gros 40%. Au niveau de la production (durant 2018) le nucléaire a fourni 390 TWh et l’ensemble éolien + solaire PV 38 TWh soit moins de 10%. Tout raisonnement qui ne considère que des puissances installées ne marche donc que sur une jambe.
Comment par ailleurs accorder crédit à l’affirmation (une antienne !) que la France est en retard…mais par rapport à quel référentiel, ou plutôt par rapport à quels paramètres qualifiants ?
S’agissant des émissions de GES, la France n’a aucun intérêt à sortir du nucléaire ni même à chercher à remplacer les réacteurs par des éoliennes ou des panneaux solaires.
S’agissant des performances économiques, le coût complet du nucléaire (hors hydraulique) reste le moins élevé, les renouvelables électriques n’étant viables que grâce à des conditions de rémunérations et d’accès au réseau hors marché.
S’agissant du risque nucléaire, tout est affaire d’appréciation, mais la qualité de la conception et de l’exploitation des réacteurs et l’indépendance et la compétence des instances de contrôle, placent la France en position très favorable.
S’agissant de la diversification du mix, elle ne se justifierait que par le risque de devoir arrêter simultanément tous les réacteurs sur un constat de mode commun de sûreté, situation que l’expérience acquise en France et ailleurs rend hautement improbable.
Dans un contexte de désamour du nucléaire, largement nourri par les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima et exacerbé encore par les choix radicaux opérés Outre-Rhin, le développement des renouvelables électriques en France apparaît surtout comme un effet d’aubaine qui s’appuie sur les perceptions sociétales et nullement sur des raisonnements économiques.
D’aucuns diront que toute production renouvelable économise en fait du combustible nucléaire, ce qui est juste, sauf que la valorisation économique de ce gain est négligeable alors qu’une moindre production nucléaire pénalise la rentabilité de moyens dont les coûts de production (amortissement, fonctionnement,) sont largement fixes.
Sollicités comme en Allemagne, bien que dans une moindre proportion, les clients et les contribuables français ont peu réagi à l’accroissement vertigineux des taxes énergétiques et même les gilets jaunes semblent n’avoir pas compris que l’augmentation des prix des carburants servait presque -euro pour euro- (via l’accroissement de la taxe carbone portée par la TICPE) à financer l’appui gouvernemental aux renouvelables…la CSPE (20% des factures d’électricité !), n’ayant pas été supprimée pour autant.
L’Allemagne a d’abord choisi de sortir du nucléaire, c’est le linéament de sa politique et elle va effectivement y parvenir puisque le dernier réacteur devrait s’arrêter en 2022, c’est demain.
Cette préoccupation l’a emporté devant toutes les autres considérations, y compris les inquiétudes climatiques puisque le pays ne peut pas sortir du charbon et de la lignite, malgré ses gigantesques parcs éoliens et solaires, les rejets de GES quasi stables à un niveau très élevé depuis 2012 en attestent et l’accroissement constant desdits parcs ne montre que des effets du second ordre. Traduisant bien cette impasse, l’annonce récente du gouvernement d’une sortie du charbon en 2038 (en gros dans vingt ans !), sans plan crédible de mise en œuvre de cette décision.
L’effort consenti en matière de renouvelables électriques est sans égal, puisque la puissance installée de ces parcs intermittents est égale à celle de des flottes dites programmables (charbon, lignite, gaz, nucléaire). Au passage, ceci montre bien le nécessaire maintien d’une puissance programmable du niveau de la pointe d’appel du réseau, éolien et solaire, même massivement installés ne pouvant garantir leur fourniture. A cet égard, l’effet de foisonnement (il y a toujours du vent quelque part) largement avancé par les tenants des renouvelables est largement démenti par l’expérience.
Mais ces choix allemands ne sont pas sans conséquences, d’abord les émissions de GES, ensuite une valeur élevée du prix du courant pour les consommateurs lambda (en gros deux fois le prix français) enfin une large déstabilisation physique et économique du système électrique européen. Si chacun de ses pays adjacents à l’Allemagne avait suivi la même politique, le système électrique, qui peine déjà à absorber les surplus transitoires d’électricité issus des moyens renouvelables, serait totalement ingérable.
Comme d’usage, les allemands ont joué « perso » et les autres ont dû s’adapter.
Finalement, hors tout jugement de valeur, cet article aura été l’occasion de rappeler quelques évidences, mais il y avait encore beaucoup à dire/
« L’Allemagne a marqué une grande première : les énergies renouvelables ont détrôné le charbon »
Mais quelle grande première? Depuis longtemps, la France a détrôné le charbon par des énergies bas-carbone!
électricité en France : 53g CO2/kWh, contre 490g CO2/kWh en Allemagne !(2017)
« La France a pour objectif de réduire à 50% la part du nucléaire »
Que se passerait-il si, hélas, l’objectif était atteint?
• Le nombre de réacteurs en activité resterait le même. Il faut en effet continuer à assurer la production même lorsque les énergies renouvelables ne produisent rien.
• Mais ces centrales nucléaires seront globalement moins utilisées. Elles produiront moins d’électricité, mais pour un même coût d’exploitation (le coût d’exploitation d’un réacteur est pratiquement inchangé qu’il produise peu ou beaucoup). Les kWh produits seront donc plus coûteux.
• Résultat de cette magnifique (!) opération : nous aurons dépensé des milliards pour construire éoliennes et fermes photovoltaïques, phagocyté des terres agricoles, pollué des paysages, pour avoir… une électricité plus chère, autant d’émissions de CO2… avec toujours autant de centrales nucléaires ! et exactement autant de risques.
On n’a pas encore trouvé de plus mauvaise solution.
« La transition énergétique : sortir du réchauffement climatique, ou sortir du nucléaire ?
Cas de l’Allemagne et de la France. »
http://ecologie-illusion.fr/transition-energetique-Allemagne-France-sortir-nucleaire-renouvelables-lignite.htm
Remarquable synthèse, remarquable réquisitoire, tout est dit.
Reste hélas à nous désoler que ce message fort rebondisse sur la carapace des idées reçues, constamment entretenues par une désinformation implacable, le message étant depuis longtemps politiquement incorrect.
Très emblématique, la communication d’EDF, incroyablement servile, entretien l’illusion d’un optimum alors que l’entreprise est littéralement pillée et qu’on s’apprête à la démanteler.