Aluminium chinois : quand Pékin inonde le marché européen de produits conçus à l’aide de charbon
Alors que la Chine fait d’ores et déjà face à une sérieuse crise de surcapacité industrielle, Pékin vient d’annoncer une baisse de la TVA sur les produits manufacturés.
Un coup de pouce destiné à relancer son marché intérieur atone, mais qui menace directement les producteurs européens d’acier et d’aluminium, et alourdit l’empreinte carbone de l’Europe, la fabrication de la plupart de ces produits en provenance de Chine ayant nécessité du charbon.
Baisser les taxes pour relancer une économie anémique : c’est la recette, somme toute classique, que vient d’adopter Pékin, la Chine faisant face depuis plusieurs mois à un net ralentissement économique intérieur, ainsi qu’aux pressions commerciales infligées par l’administration américaine.
Début mars, le premier ministre chinois, Li Keqiang, a donc annoncé une diminution du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée au secteur de l’industrie de 16% à 13%. Un coup de pouce qui devrait se traduire, pour le secteur, par une croissance supplémentaire de quelque 600 milliards de yuans (soit l’équivalent de 90 milliards de dollars), ou 0,6% de produit intérieur brut (PIB), selon la banque Morgan Stanley.
Des exportations de métaux en hausse
La baisse de la TVA sur les produits manufacturés chinois aura également d’importantes conséquences sur les exportations de métaux de l’Empire du Milieu. Celles-ci devraient, logiquement, poursuivre leur progression et continuer d’inonder le marché mondial.
Dès l’annonce de la réduction de 3% de la TVA, les ports chinois ont ainsi été le théâtre d’une nouvelle vague d’expéditions de produits semi-finis, particulièrement dans le secteur de l’aluminium. En août 2018 déjà, 517 000 tonnes d’aluminium avaient quitté les côtes chinoises, soit une augmentation de plus de 26%.
La tendance s’est poursuivie en décembre (520 000 tonnes) et janvier (552 000 tonnes) derniers, dépassant le précédent record mensuel de 542 700 tonnes, établi en décembre 2014.
Lancinante crise de surcapacité
Depuis quelques années, la Chine doit faire face à une véritable crise de surcapacité et à des excédents systématiques dans de nombreux domaines de production.
Le pays produit, en effet, presque la moitié de l’acier mondial (49,2% en 2017, selon la World Steel Association soit la Fédération internationale du secteur), une production en hausse de 5,7% en 2017.
Les usines chinoises produisent également plus de la moitié de l’offre mondiale d’aluminium, un métal utilisé par de nombreuses industries, de l’automobile à l’aéronautique, en passant par les canettes de soda. En janvier et février 2018, les exportations chinoises d’aluminium avaient déjà bondi de 26% par rapport à l’année précédente.
Cette surproduction d’aluminium a un impact non négligeable sur l’environnement car l’industrie chinoise recourt massivement au charbon. 90% de l’aluminium primaire utilise du charbon et entraine par voie de conséquence une hausse des émissions de dioxyde de carbone.
Les autorités chinoises se sont pourtant engagées en 2015, dans le cadre de la COP21, à réduire la production de gaz à effet de serre.
Las, les statistiques nationales chinoises sur le développement économique et social du pays font état d’une augmentation d’environ 3 % des émissions de CO2 en 2018, soit la plus grosse augmentation depuis 2013 au moins. Pire, en vendant son aluminium au reste du monde et notamment aux pays européens, la Chine alourdit l’empreinte carbone de l’Europe et ralentit sa transition énergique.
Cette surcapacité chinoise reste donc problématique et est devenu un enjeu mondial. D’ailleurs elle ne concerne pas seulement le seul secteur industriel : l’agriculture chinoise souffre également d’une sérieuse crise de surproduction de certaines matières premières, tout en générant des pénuries sur d’autres.
La politique de soutien des prix et d’achats publics engendre de faramineux excédents de production, qui se traduisent par des stocks gigantesques, écoulés à perte par l’Etat à cause de la dégradation des prix des grains.
Numéro deux mondial de la production de maïs, la Chine dispose ainsi de stocks évalués à 250 millions de tonnes, soit davantage que sa propre production.
La situation du blé n’est pas plus reluisante : si le pays s’impose comme le premier producteur mondial, il ne dispose paradoxalement pas des variétés riches en protéines indispensables à l’industrie de la boulangerie.
Les producteurs européens menacés
Si elle représente une bonne nouvelle pour les industriels chinois, la baisse de la TVA ne va pas améliorer les relations entre Pékin et les pays occidentaux. L’année dernière, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait déjà fustigé le premier pays producteur d’acier et d’aluminium, accusant la Chine, qui inonde le marché mondial avec des prix cassés de « concurrence déloyale ».
De fait, les producteurs nord-américains, mais aussi européens, sont directement menacés par le gonflement ininterrompu de l’offre chinoise. En dépit des efforts entrepris par les autorités chinoises pour baisser la production de métaux, l’OCDE a explicitement pointé du doigt, en janvier dernier, le gouvernement chinois, qui se rend responsable de « distorsions de marché » en continuant à subventionner le secteur de l’aluminium.
Ces subventions exacerbent en effet les déséquilibres entre l’offre et la demande et menacent à terme la pérennité de la production européenne et nord-américaine.