« Au rythme des projets déclarés, l’objectif de la Stratégie nationale Hydrogène pourrait être atteint »
Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Emmanuel Bensadoum, responsable du pôle expertise-études chez France Hydrogène, pour détailler avec lui la place de l’hydrogène, en particulier décarboné, dans la stratégique énergétique française, dans un entretien en deux parties. Rendez-vous demain pour la seconde partie.
Le Monde de l’Énergie —Pouvez-vous nous faire un état des lieux de la filière de production d’hydrogène en France ?
Emmanuel Bensadoum —Depuis des décennies, l’hydrogène est couramment utilisé en tant que matière première dans l’industrie pour raffiner le pétrole par exemple ou pour produire des engrais. La consommation française totale d’hydrogène par le secteur industriel s’élève à environ 900 000 tonnes par an. Il s’agit en grande majorité d’hydrogène carboné produit à partir d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole…) via des procédés comme le vaporeformage, fortement émetteurs de gaz à effet de serre qui engendre des émissions de CO2 de l’ordre de 9 millions de tonnes par an.
Un des objectifs majeurs de la Stratégie nationale hydrogène publiée en septembre 2020 est de déployer d’ici 2030, 6,5 GW de capacité d’électrolyse correspondant à la production de 680 000 tonnes d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone pour venir décarboner l’industrie mais également la mobilité lourde ou intensive professionnelle.
Si l’électrolyse est une voie privilégiée pour produire de l’hydrogène décarboné, on peut obtenir de l’hydrogène bas-carbone en captant le CO2 émis lors du processus de vaporeformage et en le stockant dans des couches souterraines profondes ou, dans une phase transitoire, le réutiliser (c’est ce qu’on appelle le CCUS – Carbon Capture and Utilisation or Storage). L’hydrogène peut aussi être produit à partir de la biomasse en réalisant une thermolyse ou une pyrolyse. La molécule de méthane peut également être « cassée » à l’aide de plasma produit par l’électricité. On obtient ainsi de l’hydrogène bas carbone (si l’électricité est elle-même bas carbone !) et du carbone black (noir de carbone) qui répond à de nombreux usages. Et il existe aussi des gisements d’hydrogène naturel que l’on a découvert récemment et qui sont en phase exploratoire. De nombreux procédés qui permettent donc de produire de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone et dont il ne faut pas se priver pour décarboner l’industrie ou les transports.
Les premiers déploiements de capacité de production d’hydrogène renouvelable et bas-carbone en France sont des projets de production par électrolyse. Cette capacité de production était de 13 MW lors du dernier recensement effectué par France Hydrogène fin 2022. Pour illustrer ces premiers déploiements, on peut citer l’usine de Lhyfe, à Bouin, en Vendée, qui produit depuis septembre 2021 de l’hydrogène à partir de l’eau de mer et de l’électricité d’un champ éolien. Cet hydrogène alimente plusieurs stations de recharge en Vendée, à la Roche-sur-Yon ou à Challans. D’autres capacités de production sont déployées directement sur les sites des stations de recharge. C’est le cas de la station hydrogène de la Porte de Saint-Cloud à Paris, la plus grande station hydrogène d’Europe, qui produit 1 tonne d’hydrogène par jour pour alimenter la flotte de plus de 400 taxis parisiens qui circulent quotidiennement. Ces stations avec production sur site sont également déployées à Auxerre, Pau ou encore à Houdain dans le Nord.
Si la production d’hydrogène renouvelable et bas-carbone représente en 2023 une part très faible de la production d’hydrogène en France, l’ambition est bien de développer cette filière d’ici la fin de la décennie pour répondre à de nombreux besoins de décarbonation de l’industrie, de la mobilité et de l’énergie. S’agissant d’une filière industrielle nouvelle et lancée il y a 3 ans, il est important de rappeler que l’indicateur de performance de l’action menée n’est pas tant dans le ratio d’installations fossiles (non décarboné) versus décarbonées en opération, que celui des installations en projet et en construction. Et ce dernier est lui au vert compte tenu du fait que seuls des projets de production d’hydrogène décarbonés, en grand nombre, sont développés en France par nos industriels à notre connaissance.
Côté emplois, les enquêtes réalisées par France Hydrogène estiment le nombre d’emplois directs dans la filière à 3500 en 2021 et 5800 en 2022. Une augmentation sensible qui traduit une forte dynamique. A l’horizon 2030, la filière représentera 100 000 emplois directs et indirects. Le développement de l’hydrogène est donc également un enjeu important en termes de réindustrialisation du territoire et d’emploi.
Le Monde de l’Énergie —Le gouvernement a déclenché d’importants financements pour développer l’hydrogène vert, et a récemment obtenu de l’Union européenne la reconnaissance de la place du nucléaire dans la production d’hydrogène décarboné. Quels sont les perspectives de développements réalistes dans la production d’hydrogène bas carbone, à court, moyen et long terme ?
Emmanuel Bensadoum —Force est de constater que les projets sont au rendez-vous. En effet, dans le cadre de l’étude « Trajectoire pour une grande ambition hydrogène à 2030 – volet 2 »1, nous avons pu collecter 250 projets et écosystèmes territoriaux dans les 12 régions métropolitaines. Le potentiel de production estimé se situe, en termes de tonnages, à environ 1 070 000 tonnes d’hydrogène à 2030. Au rythme des projets déclarés, l’objectif de la Stratégie nationale Hydrogène établi à 6,5 GW de production en France à l’horizon 2030 pourrait donc être atteint, et même dépassé. L’horizon de temps pourrait s’allonger un peu au-delà de la décennie car on peut craindre un retard lié à des délais de déploiement principalement dus à l’inertie règlementaire et financière, et aux problématiques de développements technologique et industriel. Les fortes perspectives de déploiement sont identifiées sur l’ensemble du territoire français, avec entre 15 et 25 projets de production d’hydrogène recensés par région. Ainsi à court terme la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone devrait se développer conformément aux objectifs de la stratégie française. A moyen et long terme l’augmentation rapide et intense des besoins d’hydrogène sera de nature à stimuler encore très fortement le développement de la production, tandis que les problématiques de disponibilité d’énergie primaire et les opportunités d’importation tendront à atténuer cette tendance au profit d’une diversification bienvenue des sources d’approvisionnement.
Le Monde de l’Énergie —La France dispose-t-elle des compétences nécessaires pour déployer une filière industrielle de l’hydrogène décarboné ? Quelles sont les problématiques de formations qui se posent pour tenir les objectifs ?
Emmanuel Bensadoum —Avec 5 partenaires de l’emploi et la formation, nous venons de publier l’étude DEF’Hy2, un diagnostic et une analyse réalisés sur les compétences, métiers et formations de la filière hydrogène. Les 80 métiers que nous avons recensé dans un référentiel ne sont pas des nouveaux métiers mais des métiers existants auxquels il est nécessaire d’ajouter des compétences ou des connaissances spécifiques à l’hydrogène. En qualifiant ces métiers, nous avons pu relever que plusieurs compétences techniques sont particulièrement demandées au sein de la filière : le génie électrique et l’informatique industrielle, le génie mécanique, la mécanique des fluides, le domaine QSE (Qualité-Sécurité-Environnement) et la métrologie. Pour certains métiers, il est également nécessaire d’approfondir ses connaissances des domaines des matériaux et des hautes pressions. Connaître les risques et la sécurité liés à l’environnement hydrogène est important car d’une part, le personnel technique doit être en mesure d’anticiper et de tester les risques lors de la conception, la qualification, l’installation, l’exploitation et la maintenance de systèmes hydrogène. D’autre part, il est également essentiel de se conformer aux cadres réglementaire, certificatif et normatif lors de la commercialisation des équipements et de la construction des installations. La filière étant en phase d’industrialisation, elle fait aujourd’hui beaucoup appel à des profils d’ingénieurs aux niveaux de qualifications élevés (bac+5) avec des compétences spécifiques à l’hydrogène, mais aussi beaucoup de compétences communes à l’industrie, ce qui – combiné à la dynamique très forte des recrutements – crée une tension sur la plupart des métiers.
Côté formation, l’offre existe et se structure. Dans le cadre de l’étude, nous avons pu recenser 216 offres de formation allant du module de sensibilisation à des formations plus spécialisées sur l’hydrogène. Seules 35% de ces formations sont certifiantes ce qui témoigne d’une offre en cours de construction et qui doit encore se développer. Nous devons engager des actions pour donner de la visibilité à cette filière en plein développement et renforcer l’attractivité de ses métiers qui participent à l’effort de décarbonation de l’économie. L’offre de formation en plein développement doit se structurer et être rendue plus lisible pour les bénéficiaires et les industriels. La filière doit également saisir l’opportunité de transférabilité des compétences en créant des passerelles avec des secteurs industriels en décroissance. L’ensemble des leviers doit être mis en œuvre rapidement pour permettre à la filière hydrogène de tenir ses promesses en termes de création et conversion d’emplois dans les années à venir et ainsi réduire les risques identifiés.
2 : Etude DEF’Hy (Développons l’Emploi et la Formation pour la filière Hydrogène) de France Hydrogène, l’AFPA, EIT Innoenergy, Pôle emploi, RCO-le Réseau des Carif-Oref et Adecco Digital France, septembre 2023
COMMENTAIRES
Bonjour à tous.
Avec un prix d’achat garanti et livraison prioritaire de 82 €/MW.h pendant 10 ans
Avec un rendement de 59% pour les meilleurs électrolyseurs
Avec une perte dans les compresseurs de 10%
Avec un amortissement de 1000 €/kW pour les électrolyseurs sur 15 ans
Avec des charges de fonctionnement/entretien de 67 €/kW/an (hors salaires)
Sans fuites, sans taxes, sans marges, sans arrêts techniques, le prix de revient de cet hydrogène est de: 0.082 €/kW.h / 0,59 / 0,9 + 1000 €/kW / (15 ans*8760h/an) + 67 €/kW/an / 8760 h/an = 0,17 €/kW.h (ou 5,66 €/kg) si l’on ajoute salaires, marges, taxes et arrêts techniques…??? disons 10 €/kg en cout complet pour faire un compte rond.
Ceci est cohérent avec les prix à la pompe de 10 à 15 € /kg.
Pour ceux qui ont besoin d’hydrogène, chacun voit midi à sa porte.
Si c’est pour refaire de l’électricité avec une pile à combustible avec un rendement de 59% (plus une batterie si besoin de puissance variable avec un rendement de 90%),
l’hydrogène ayant un pouvoir calorifique de 120 MJ/kg (33,3 kW.h/kg),
Avec un amortissement de 1000 €/kW pour les PAC sur 15 ans
Avec des charges de fonctionnement/entretien de 67 €/kW/an (hors salaires),
Sans fuites, sans taxes, sans marges, sans arrêts techniques, le prix de revient de ce kW.h devient: 10 à 15 €/kg / 0,59 + 1000 €/kW / (15 ans*8760h/an) + 67 €/kW/an / 8760 h/an = 0,51 à 0,76 €/kW.h soit 3 à 4 fois le prix de détail actuel, disons 6 fois avec fuites, taxes, marges, arrêts techniques ce qui le rend totalement « invendable ».
Mes calculs précédents sont basés sur un prix d’achat d’électricité éolienne par EDF de 82 €/MW.h.
Les parcs en mer prévus tout autour de la France ont des contrats entre 131 et plus de 150 €/MW.h
mes résultats de calculs sont donc à majorer de plus de 50% si l’électricité provient de ces parcs.
Guerin calculez avec le surplus de toutes les ENR ..PV compris car qui dit hydrogene décarboné = à base d’ENR