Décarboner le bâtiment, « une solution pertinente pour atteindre la neutralité carbone »
RTE et l’ADEME ont réalisé en décembre une étude sur les scénarios possibles pour décarboner le chauffage dans le secteur du bâtiment à l’horizon 2035. Ils confirment que la rénovation des bâtiments couplée au développement des solutions de chauffage électrique efficaces est une solution pertinente pour réduire les émissions.
Nous avons voulu en savoir plus en interrogeant Thomas Veyrenc, Directeur Exécutif en charge du Pôle Stratégie, Prospective et Evaluation chez RTE.
Quels objectifs ont motivé la réalisation de cette étude, fruit de deux ans de travaux communs ?
Cette étude vise à préparer l’atteinte de la neutralité carbone en examinant de manière détaillée les enjeux qui se posent sur un secteur important comme le bâtiment, qui constitue le second poste d’émissions en France après les transports.
Dans le cadre des règlementations à mettre en place dans le secteur du bâtiment pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, elle évalue l’efficacité de différents scénarios (combinant différents paramètres d’isolation du bâti, choix et performance des systèmes de chauffage) sur le plan climatique, économique et celui du risque sur la sécurité d’alimentation électrique.
Les résultats sont présentés à l’horizon 2035, à mi-chemin de l’objectif de neutralité carbone.
En ce qui concerne RTE, il ne s’agit pas d’un travail isolé, mais le dernier volet d’une trilogie d’études prospectives qui visent à approfondir de manière spécifique les enjeux de décarbonation via le recours à des solutions électriques : la première étude a porté sur les transports (véhicule électrique), la deuxième sur l’industrie (via l’hydrogène bas carbone) et la troisième, donc, sur le secteur du bâtiment. Elle a été réalisée avec l’ADEME notamment pour étudier finalement l’interaction entre solutions électriques et isolation des logements.
Ce travail s’inscrit enfin dans un cadre plus général : celui de la préparation des nouveaux scénarios de neutralité carbone à horizon 2050, qui seront finalisés au second semestre 2021.
En quoi ces travaux viennent éclairer le débat autour de la future réglementation des bâtiments neufs qui a été dévoilée récemment par le gouvernement ?
L’étude a été réalisée en amont de la publication de la RE2020. Mais son scénario central repose déjà majoritairement sur les solutions de chauffage utilisant des vecteurs bas-carbone (l’électricité, mais pas uniquement : le bois/biomasse, le raccordement à des réseaux de chaleur urbains utilisant des énergies renouvelables sont présents dans tous les scénarios).
Par ailleurs, un scénario de l’étude teste spécifiquement le cas d’une disparition du gaz dans l’habitat neuf et d’un développement encore plus fort de l’électricité : ce scénario est celui qui affiche les émissions les plus faibles, avec un effet différenciant qui croît avec le temps et doit s’analyser par rapport à l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Dans ce scénario, les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) sont donc largement atteints et les transferts vers des secteurs électriques n’engendrent pas, à moyen terme, de hausse de consommation d’électricité ou des pointes substantielles.
Votre étude bat en brèche plusieurs idées reçues contre le chauffage électrique, en termes d’émission de CO2 et de génération de pointe électrique.
Quelles solutions de chauffage électrique apparaissent les plus efficaces dans l’optique de la neutralité carbone et d’équilibre du système électrique ?
Ce sont les pompes à chaleur, et c’est sur ce type de solutions que pointe le rapport. En effet, en récupérant les calories contenues dans l’air extérieur et en les restituant au milieu intérieur, celles-ci limitent considérablement leur consommation énergétique par rapport à des radiateurs électriques à effet Joule, pour une même quantité de chaleur produite.
Pour autant, si le choix de la solution de chauffage est important, d’autres facteurs conditionnent également l’atteinte des objectifs de la SNBC.
L’étude montre qu’une action combinée de la rénovation, du recours à des systèmes de chauffage efficaces et une bascule vers des vecteurs bas-carbone (comme l’électricité mais également la biomasse, le biométhane ou les réseaux de chaleurs alimentés par des énergies renouvelables) est indispensable pour mettre les émissions du secteur du bâtiment sur une trajectoire compatible avec les engagements climatiques de la France.
Qu’est-ce qui fait de l’électricité une source d’énergie décarbonée essentielle pour respecter notre trajectoire climatique ?
L’électricité produite en France est décarbonée à 93% grâce à son mix électrique composé principalement de nucléaire (70%) et d’EnR (23%). L’étude vérifie que l’utilisation de l’électricité permet de faire baisser les émissions, même en intégrant l’effet sur la production d’électricité dans les pays voisins.
Vous soulignez l’enjeu majeur représenté par la rénovation énergétique pour être au rendez-vous des enjeux climatiques. En quoi votre étude peut-être nourrir la stratégie gouvernementale en la matière ?
Les bâtiments existants présentent des caractéristiques très hétérogènes. Certains (les fameuses «passoires thermiques») sont notamment très mal isolés. Procéder à une rénovation ciblée sur les maisons les moins bien isolées – par exemple celles construites avant 1975, antérieurement aux chocs pétroliers et aux premières normes de construction thermique, a fait l’objet d’une analyse spécifique, avec des résultats très intéressants : les objectifs de réduction des émissions peuvent être atteints, mais un coût environ 25% inférieur.
Cibler constitue donc l’une des mesures les plus pertinentes sur le plan de la performance de l’action climatique et présente un intérêt économique marqué.
Alors que la RE2020 est axée sur le bâti neuf, ne serait-il pas plus utile d’élargir ces mesures, notamment sur l’isolation, au bâti existant ?
Dans le secteur du bâtiment, les évolutions se traduisent, par nature, sur le long-terme. Pour décarboner le secteur, il faut donc à la fois des normes très strictes sur les nouveaux bâtiments (chauffage bas-carbone uniquement, isolation renforcée) et traiter les logements existants en renforçant leur isolation (la loi vise à atteindre un niveau moyen équivalent BBC à horizon 2050) ainsi qu’en basculant vers des solutions de chauffage efficaces et bas-carbone.
Néanmoins, l’atteinte des objectifs climatiques repose sur une action combinée sur les performances énergétiques et environnementales des bâtiments neufs et existants. Or, sur la période 2015-2018, le rythme et la qualité des rénovations sur l’existant n’ont pas augmenté au niveau attendu malgré les ambitions affichées et les moyens mis en place et le premier budget carbone de la SNBC a été dépassé sur la période.
Au cours des derniers mois, une inflexion dans le rythme des gestes de rénovation a néanmoins été observée (dispositif des certificats d’économies d’énergie – CEE – et aides à la rénovation énergétique), qui devra être confirmé à l’avenir.
COMMENTAIRES
Quand un rural a hérité ou acheté à très bas prix au fond de la campagne une maison dite « passoire à calories » qu’il chauffe avec le bois qu’il coupe dans son propre taillis, sa motivation à faire des travaux d’isolation est nulle puisque non seulement il n’y gagnera rien, mais encore devra-t-il trouver une somme d’argent qu’il ne possède souvent pas, ou, s’il la possède, qu’il réservait pour compléter le mince niveau de vie prévisible de ses vieux jours (c’est équivalent à le contraindre à virer directement de son vivant son petit capital à ses héritiers. C’est inédit…).
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Deviendra-t-il alors piéton et ne lui restera-t-il que la télévision pour seuls loisir accessible ? Alors qu’il avait sagement épargné pour sa vieillesse ? On est en droit de se le demander.
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Sans doute aura-t-il des aides publiques, mais de quel droit au fond ? Jusqu’où est-il légitime de faire payer l’amélioration de son bien par les impôts de celui qui ne peut financièrement que rester en HLM ? L’état prendra-t-il cyniquement une part de propriété ? Le « propriétaire » aura-t-il alors un loyer partiel à payer à l’état, lui qui avait acheté pour échapper sur une petite retraite aux griffes des bailleurs ?
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La maison sera-t-elle plutôt rachetée par des requins, comme on peut s’y attendre pour nombre de commerçants après deux ou trois confinements, et le propriétaire occupant par conséquent expédié dans quelque colocation en immeuble avec un autre pauvre de son espèce ?
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A titre personnel je suis dans une situation intermédiaire : seul dans une maison de quatre pièce acquise très peu cher (je ne pouvais faire mieux) dans la campagne creusoise, je n’ai isolé moi-même qu’une pièce sur quatre, mais très bien, qui seule est chauffée, sans autres frais qu’un convecteur de 800 watts suffisant pour 25 m². Plus écolo on meurt…!… mais pas dans les règles de l’écologie officielle.
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Contrairement à ce qui est dit dans l’article, l’étude Ademe RTE ne bat en brèche aucune idée reçue et surtout pas l’impact du chauffage électrique sur la pointe. Les conclusions de cette étude ne sont valables que dans un scénario « de référence » qu’il faudrait plutôt qualifier d »idyllique » où les rénovations thermiques et la pénétration des solutions électriques performantes se feraient à un rythme faramineux . Mais dans les autres scenarii, dès lors qu’une des deux hypothèses ne serait pas réalisée, l’effet sur les émissions ou sur la charge de pointe du parc électrique serait délétère. En particulier le scénarion D qui conduirait à des interruptions de fourniture massives. Or ces scénarii dégradés apparaissent bien plus probables que le scénario idyllique