Remettre la centrale (nucléaire) au milieu du village (énergétique)
Tribune signée Gérard Petit, Ingénieur retraité du secteur de l’énergie
Même si préparer l’avenir en connaissance de cause (au sens fort des mots) ne peut se faire en regardant seulement dans le rétroviseur, y jeter régulièrement un coup d’œil ne peut pas nuire.
A cet égard, s’agissant de nos choix énergétiques nationaux, et plus spécialement de ceux relatifs à la production électrique, une rétrospective est riche d’enseignements.
Pour ceux qui ne feraient pas l’exercice de se retourner régulièrement (par crainte d’un torticolis idéologique peut-être ?), un flash back sur les cheminements qui ont conduit à la situation actuelle, révèle sans conteste et sans surprise, les linéaments et les clés d’une machination anti-nucléaire.
Il était une fois…
En des temps, pas si lointains, notre parc de production, riche de 58 réacteurs nucléaires (60 même, un moment donné en comptant Phénix et Super Phénix) couvrait l’essentiel des besoins du système électrique national et assurait « en même temps » un volume important d’exportations, limité par les capacités d’interconnexion d’alors, pourtant déjà conséquentes.
Contrairement aux idées reçues, la flotte nucléaire, dont la contribution dépassait alors 80% de l’énergie produite, restait bien adaptée à la couverture des différents besoins du système électrique (suivi de charge, suivi de réseau, contrôle de la tension et de la fréquence) et comment d’ailleurs, avec ce poids léonin du nucléaire, aurait-il pu en être autrement ?
Le réseau n’a rencontré alors, de ce fait, aucune difficulté majeure telle qu’écarts de production récurrents, en excès, ou en défaut, instabilité dynamique du système,…
Certes, si le nucléaire suivait globalement bien les montagnes russes des besoins (journaliers et infra-journaliers, hebdomadaires et saisonniers), l’appui de l’hydraulique de chute restait indispensable, permettant de lisser efficacement les transitions et de répondre plus dynamiquement à des sollicitations non programmables, voire impromptues.
Aux pointes de consommation d’hiver, même en mobilisant toute la puissance nucléaire disponible et l’hydraulique « fil de l’eau » disponible la demande pouvant être nettement supérieure, l’hydraulique « de chute » jouait alors un rôle d’appoint essentiel aux côtés de centrales thermiques (charbon et fuel), beaucoup moins sollicitées en moyenne, et d’unités de pointe (turbines à combustion), encore plus rarement convoquées.
L’équilibre sur un fil électrique
L’électricité ne se stockant pas dynamiquement, devoir toujours vérifier l’équation « offre = demande » est impératif pour l’équilibre du système électrique, la fréquence du courant, paramètre commun à tous les acteurs du réseau, est l’indicateur matérialisant cet équilibre et la référence à partir de laquelle on agit pour le maintenir.
A cet égard, la grande inertie électromagnétique et mécanique des groupes turboalternateurs des centrales nucléaires, ainsi que la possibilité de pilotage en temps réel de l’admission de la vapeur aux turbines (qui permet d’ajuster constamment la puissance des machines), sont les principaux leviers du maintien « on line » de l’équilibre précité (1).
S’agissant, par ailleurs, du respect des échanges contractuels d’électricité aux frontières, lequel peut être perturbé par des défaillances d’unités de production ou de lignes (à l’intérieur ou à l’extérieur), des réacteurs nucléaires, fonctionnant avec une réserve mobilisable, sont spécifiquement dévolus à cette mission, faisant varier leur puissance, pilotés par un signal national.
Alors, pourquoi changer ?
Fallait-il donc abandonner cette configuration gagnante pour s’orienter vers un autre schéma ?
Celui que nous connaissons aujourd’hui, ne présente, en effet, aucun avantage différentiel, et pire, rend le système plus difficilement exploitable, sans parler des nouvelles conditions économiques qui ont accompagné cette mutation, rétribuant grassement les nouveaux entrants « renouvelables » mais ruinant littéralement les acteurs historiques, lesquels ont à leur tour investi dans le soleil et le vent, souvent au détriment de leurs flottes pilotables.
Les évolutions, programmées dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, vont encore forcer ces traits et pousser davantage le système vers l’instabilité technique et les risques de black-out, ainsi qu’accroître grandement une irrationalité économique, qui appellera toujours plus de soutiens de l’Etat, donc, in fine, du contribuable.
Des évidences questionnables
Le premier argument avancé, qui imposerait une évolution du système, est que la part léonine faite au nucléaire (qui plus est, reposant sur la même technologie REP, réacteur à eau pressurisée) rendrait le système vulnérable aux défauts de modes communs : un vice majeur détecté sur un réacteur pouvant également exister sur d’autres.
L’ASN, et donc les gouvernants, se trouveraient alors devoir choisir entre mettre la France dans le noir et autoriser l’exploitation d’installations dangereuses, un vrai dilemme.
A l’appui de la thèse, l’imparable sagesse populaire qui avertit « qu’on ne doit pas mettre tous ses œufs dans le même panier », et qu’ainsi, une diversification des sources devrait s’imposer, que le péril évoqué ait, ou non, une réalité.
Il faudrait alors remplacer une partie de la puissance nucléaire par des technologies capables de rendre le même service électrique (pilotabilité, contrôle de la fréquence et de la tension).
Ainsi, vu du réseau, les centrales Cycle Combiné Gaz (CCG) cochent-elles toutes les cases du cahier des charges, sauf qu’elles utilisent massivement le gaz, générateur de gaz à effet de serre, et qu’on doit l’importer.
Le biogaz, bien légèrement annoncé comme la relève, ne pouvant, loin s’en faut, satisfaire une telle demande (au passage, et pour poursuivre la métaphore fermière, c’est une formidable poule aux œufs d’or pour ses producteurs).
Mais qu’en est-il vraiment de cet écueil du défaut de mode commun, présenté par les opposants comme inhérent au degré de standardisation du parc nucléaire français ?
Déjà, un étalement sur 20 années de la mise en service des réacteurs et leur appartenance à plusieurs sous-familles, rend cette homogénéité moins concrète. Ensuite, le retour d’expérience national et international, très nourri et partagé (un point fort de l’électronucléaire mondial), accroit très largement la base de l’échantillonnage, réduisant d’autant le risque de voir les réacteurs du parc français, simultanément affectés par un vice caché, obligeant à devoir les arrêter, séance tenante.
Dans le passé, il est arrivé que des défauts aient été constatés sur une partie des réacteurs, avec le potentiel d’en toucher davantage, à terme.
Ainsi, il y a 25 ans, une fissuration progressive, (crée par la corrosion sous contrainte), a affecté les manchons des traversées des couvercles de cuve des réacteurs (permettant le passage des tiges de commande des grappes de contrôle) a été identifiée.
Ce problème avait alors conduit à remplacer progressivement, et en anticipation de possibles dégradations, l’ensemble des couvercles des cuves des réacteurs affectés ou potentiellement concernés. Le niveau de sûreté nucléaire n’a jamais été diminué durant cette longue séquence.
Plus récemment (2016), sur les fonds primaires des générateurs de vapeur d’une dizaine de centrales en service, il a été suspecté des zones de surconcentration en carbone de l’acier, générées lors de la fabrication de ces équipements. Ces dépassements, à condition d’être conséquents, peuvent affecter les propriétés mécaniques du matériau.
Lever ce doute a donné lieu à des investigations spécifiques, obligeant à la mise à l’arrêt des réacteurs concernés, le temps de réaliser ces contrôles (2), lesquels ont permis, in fine, le redémarrage des installations.
Des substituts qui n’en sont pas
Dans l’intervalle, munie de ce faux « pass » de diversification, et dotée d’un très important appui financier de l’Etat, la montée en puissance (ou plutôt en puissance installée….) des EnRs électriques a été spectaculaire. Sans surprise, leur caractère aléatoire et intermittent a été amplement constaté, les autres sources connectées au réseau ayant la charge (mais pas la rémunération spécifique afférente), d’agir en miroir ; un cahier des charges technique et économique qui n’était pas le leurs, lorsqu’elles ont été mises en lice.
Dans l’opinion, littéralement endoctrinée, il est acquis que les EnRs sont là pour remplacer le nucléaire (3), alors qu’elles n’en ont pas la capacité physique. Syndrome de Stockholm ?…EDF, l’exploitant du nucléaire, vante, à son préjudice, les qualités intrinsèques de sa flotte (hydraulique + nucléaire), qui permettent l’essor des renouvelables sporadiques, sans risque pour la stabilité du réseau ni accroissement des émissions de CO2.
Outrer le trait
Vient au même niveau que l’argument de diversification, celui de la nécessaire réduction du risque nucléaire que ferait planer 56 réacteurs (avec rappel constant aux accidents majeurs de la filière, la trilogie TMI, Tchernobyl, Fukushima), à laquelle s’ajoute la dangereuse impasse des déchets. À propos, la solution du stockage géologique profond est rejetée d’office par les opposants, parce qu’elle les priverait d’un atout maitre de leur argumentation sur « l’impasse nucléaire », assumant sans vergogne le fait que, par ailleurs, ils dénoncent le legs empoisonné !!
Même l’EPR, machine dotée d’attributs de sûreté offrant une parade aux risques notablement augmentée et devenu, de ce fait, un standard de référence, est présenté par ses contempteurs comme plus dangereux encore, au vu de son seul niveau de puissance.
Pourquoi, en effet, poursuivre avec l’atome et son cortège de menaces, alors que des substituts existent, « écolos » qui plus est !
Seul le pouvoir d’un lobby pourrait donc encore réussir, mais qu’on se rassure, plus pour très longtemps, à entraver le plein essor des renouvelables, plébiscité par l’opinion, les sondages le montrant sans conteste.
Fausser le bilan
On trouve ensuite la raison économique : le nucléaire, c’est le tonneau des danaïdes, entre autres, les travaux nécessaires au maintien du navire à flot, le grand carénage (vocable passé dans le domaine public) le disqualifiant en regard des nouveaux entrants, dont les coûts de production ne cesseraient de baisser, surtout quand les puissances unitaires augmentent.
Rien n’est dit, bien sûr, sur la multiplication à l’envi des raccordements dispendieux de ces sources diffuses, le plus souvent, au réseau, dit « de distribution », dont le rôle n’était pas de faire « remonter » la production vers la plus haute tension, et qui doit s’accommoder de cette nouvelle charge. Maints renforcements locaux deviennent nécessaires, dimensionnés aux (rares) pics de production des sources connectées (éoliennes ou solaire PV).
Présentées comme rationnelles, évidentes même, pourquoi ces sources continuent-elles à être lourdement subventionnées (près de 7Mds€/an), même si la généralisation des procédures d’appels d’offres, rend la situation moins irrationnelle, sauf tricheries dénoncées par la CRE.
La parité avec les coûts du nucléaire amorti est régulièrement annoncée (mais que met-on exactement dans ce calcul, qui devrait inclure la compensation de l’intermittence et le coût des raccordements ?). Quant au nouveau nucléaire (l’EPR Fla 3 étant opportunément choisi), il serait depuis longtemps, anti-économique, comparé à la modernité renouvelable, d’où les appels constants des opposants à mettre un terme à la gabegie.
Paradoxes et contraires
Alors qu’on souligne partout, et sans répit, l’impérieuse obligation de « chasser le fossile » de nos activités, de toutes natures, et que l’électricité, qui souvent offre une alternative, peut être produite sans émissions de CO2, l’opinion réserve ses flèches au nucléaire, avec l’hydraulique, pourtant le moyen pilotable le plus efficace pour le faire.
Le réquisitoire est très largement idéologique et si les EnRs sont poussées, en France, avec tant de pugnacité, la lutte pour le climat n’y est pas pour grand-chose. Le vrai mobile est l’éviction du nucléaire, appuyée sur l’argumentation fallacieuse que les EnRs peuvent le remplacer à profit.
L’intermittence est enjambée grâce au stockage, dont l’avènement est annoncé chaque jour pour demain, surtout depuis que l’hydrogène est entré en lice, nonobstant les ordres de grandeur et les rendements, et sans qu’il faille reconnaître que le nucléaire pourrait bien être le moyen le plus rationnel de le produire… un comble, mais surtout un épouvantail pour la mouvance Verte qui le voit bleu et pire, gris !
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(1) : Partant d’une situation nominale, où demande et fourniture s’équilibrent, la fréquence réseau étant de 50hz, tout accroissement de la demande, matérialisée par l’augmentation du couple résistant, fait ralentir les turboalternateurs, ce qui induit une baisse de la fréquence. Les régulations de ces machines, réagissant à cet écart de fréquence, augmentent alors leur puissance, et donc, via d’autres régulations, celle des réacteurs ou des chaudières, ce qui permet de recréer un équilibre demande-fourniture, à la fréquence de 50 Hz.
Le raisonnement symétrique vaut quand il s’agit d’une diminution de la demande.
(2) : Opérations qui aurait pu attendre les prochains arrêts pour rechargement, mais l’ASN avait souhaité que les contrôles soient effectués sans délais.
En est résulté un chamboulement des plannings d’arrêts pour rechargement des réacteurs, désorganisant toute la structure industrielle de maintenance des réacteurs, pour des années.
(3) : Lors du récent mouvement de contestation des éoliennes, une émission radio (FI « Le téléphone sonne ») ne présentait pas autrement la problématique ; oubliée la lutte contre le changement climatique d’ordinaire avancée comme « la raison sociale » de l’affaire, sans raison d’ailleurs, en France où des sources non carbonées se substituent à d’autres sources non carbonées..
COMMENTAIRES
Pour la « grasse rétribution », le nucléaire EPR à Hinkley Point (Angleterre) est bien placé, avec un taux de retour sur investissement (TRI) de 9% prévu au lancement du chantier.
Mais, comme le disait en mars 2014 un site nucléaire qu’il est inutile de citer, EDF Energy (filiale britannique d’EDF) indiquait que le retour sur investissement prévu était de 10% et qu’il était proche de 15% pour les investisseurs qui prêtaient de l’argent à EDF.
« As reported last October, target project returns are 10 percent and, with borrowing, equity investors may achieve closer to 15 percent »
Ce TRI est bien supérieur à celui analysé par la CRE (Commission de régulation de l’énergie) en avril 2014 pour les énergies renouvelables. La CRE compare le TRI au coût moyen pondéré du capital (CMPC), qu’elle estime à 5% après impôts.
Dans les conditions d’avant 2014, le TRI de l’éolien analysé allait de 2,3% à 11,8% (cas exceptionnel), avec une moyenne autour de 5%. Environ la moitié des sites avaient un TRI inférieur à 5% et n’arrivaient pas à couvrir leurs frais au bout de quinze ans.
Pour le photovoltaïque, le TRI des projets résultant des appels d’offres était de l’ordre de 6%, conduisant la CRE à estimer que les producteurs demandaient un prix proche de leur coût réel de production.
Cependant, une « bulle » a eu lieu en 2010, avec un TRI autour de 11%, car les tarifs d’achat d’alors n’ont pas suivi la baisse rapide du coût des panneaux photovoltaïques.
On se demande d’ailleurs, à juste titre, si cette absence de réaction du pouvoir politique de l’époque était due à l’incompétence ou à la volonté de faire apparaître le solaire beaucoup trop coûteux par rapport au nucléaire, d’autant plus que les coûts de production estimés pour l’EPR commençaient à sérieusement dériver des annonces faites en 2007.
Aujourd’hui, avec les appels d’offres, le taux de retour sur investissement est voisin de 5%, aussi bien pour l’éolien que pour le photovoltaïque. Pour les petites installations (particuliers) les tarifs d’achat ont très fortement baissé en dix ans, à tel point qu’ils sont devenus inférieurs au prix du kWh au « tarif bleu ».
Pour finir, là aussi, le biogaz n’est pas une « poule aux œufs d’or » pour ses producteurs. Les coûts de production sont analysés par la CRE qui détermine en conséquence le tarif d’achat approprié pour n’entraîner que des bénéfices raisonnables aux producteurs.
L’Angleterre, dont le parc nucléaire est vieillissant et qui a bien compris que l’éolien n’est pas la panacée en raison de son caractère intermittent, n’a pas d’autre solution que de reconstruire du nucléaire.
EdF étant là-bas reconnu comme l’un des meilleurs dans le domaine, a donc « fait du business » en proposant un EPR au prix auquel le gouvernement était prêt à payer : est-ce condamnable ?
Les bénéfices prévus permettront de compenser les pertes subies en France où une stupide loi dite « NOME » oblige l’électricien national à céder à perte ses kWh nucléaires à des prédateurs qui ne connaissent rien à l’électricité (TOTAL, Leclerc…) mais qui sont trop heureux de revendre ces kWh avec une marge confortable, privant EdF de la possibilité d’être justement rémunéré en France..
D’où la nécessité d’aller faire du business au RU.
Le raccordement des installations éoliennes terrestres et du photovoltaïque est payé par les producteurs éoliens et PV.
Dans les coûts annuels consacrés par RTE et Enedis au renouvellement et/ou renforcement du réseau, l’influence des énergies renouvelables est faible. Les réseaux ont été dimensionnés pour la pointe de consommation électrique hivernale et la marge est grande pour un ajout de puissance renouvelable.
De nombreuses situations conduisent à investir dans les réseaux. Certains réseaux sont vétustes (plus de 40 ans), de nombreux réseaux de distribution doivent être enterrés pour éviter les coupures récurrentes qui se produisent en hiver (tempêtes), la population s’est déplacée vers les villes et surtout vers les littoraux …
Par exemple, une ligne THT de 225 kV, enterrée en partie (76 km) a été construite pour relier le nord et le sud de la Bretagne, afin de sécuriser l’alimentation électrique de la région.
Même situation avec le « filet de sécurité » en PACA, constitué de trois ligne THT 225 kV, pour 107 km et enterrées. La région avait subi un black-out après qu’un pylône de la ligne 400 kV ait été frappé par la foudre.
Il est faux de dire que les producteurs éolien se payent leur raccordement au réseau : la loi oblige d’ailleurs la collectivité (RTE) à prendre à sa charge le raccordement des parcs éoliens les plus importants, ceux installés en mer. Et ce sont des câbles sous-marins ainsi que des stations de conversion qui coûtent un bras ! L’évaluation du coût de ces raccordements pris en charge par la collectivité est de 20 €/MWh : quand on sait que le marché du MWh est de l’ordre de 50 €/MWh on comprend que ce n’est pas marginal !!
Précision : la « collectivité » qui paye ces raccordements via RTE, ce sont en fait les consommateurs, c’est à dire chacun d’entre nous. Car RTE répercute intégralement ces coûts sur la taxe TURPE (environ le 1/3 de nos factures EDF !)
Parue ce jour, sur ce site, une intéressante étude prospective sur l’obligation de repenser le rôle et le dimensionnement des réseaux, compte tenu de la dispersion des sources et de leur éloignement des centres de consommation, est de nature à nuancer votre appréciation optimiste de la situation quand aux coûts induits par cette nouvelle donne.
ACTUALITÉS | DÉCRYPTAGE | ÉLECTRICITÉ | POLITIQUES ÉNERGÉTIQUES23 AOÛT 2021
La grande mue des réseaux électriques : de la distribution à la collecte et à la répartition de l’énergie
Les débats sur l’énergie dérivent toujours vers les moyens de production, avant même de poser la question des besoins à pourvoir présents et à venir.
En 2020, on estimait la population mondiale à environ 7,8 milliards d’habitants.
Chacun de ces humains est sensé (selon nos critères universalistes) aspirer à:
-disposer statutairement d’un emploi à 35h par semaine
-disposer de l’école gratuite
-disposer d’une sécurité sociale gratuite
-disposer d’une retraite confortable
-manger bio à sa faim
etc:
La question subsidiaire est:
Quelles sont les implications de ces aspirations au niveau:
-des ressources matérielles
-des ressources énergétiques
-des moyens de production d’énergie, de biens d’équipement, de biens de consommation
etc…
La prise en charge du raccordement de l’éolien par RTE ne concerne que l’éolien en mer, comme c’est le cas dans d’autres pays. Pour ce qui est terrestre, tous les raccordements sont à la charge de l’installation, en éolien comme en solaire, sur le réseau de transport comme sur celui de distribution.
Cela concerne aussi un simple particulier avec une installation de 3 kWc et c’était à un prix prohibitif avant l’arrivée de Linky, le simple ajout d’un compteur de production, sans d’autres travaux, étant facturé à un montant très excessif.
D’après les données du ministère, de RTE et de la CRE, l’incidence complète du raccordement des parcs éoliens en mer est de 8 à 10 €/MWh.
L’idée « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » a beaucoup vieilli pour une raison essentielle: l’argument voulait conduire à ne pas augmenter le nombre de réacteurs identiques alors qu’on a cherché à l’utiliser pour ne pas maintenir en service des réacteurs qui ailleurs seraient autorisés à fonctionner 60 voire 80 ans … Je ne vois pas à quoi correspond l’idée que les réacteurs français auraient été conçus sur la base d’une durée de 40 ans : c’était d’ailleurs sans doute moins avant qu’on apprenne à changer des composants comme les générateurs de vapeur! Certes le réinvestissement pour maintenir en fonctionnement (y compris actions « post Fukushima ») est-il lourd mais le « coût cash » du MWh ainsi accessible est très inférieur aux prix de revient complets des projets de photovoltaïque et d’éolien – même si ceux-ci ont beaucoup baissé ces dernières années.
Bref, vouloir diversifier est une démarche coûteuse qui sera en revanche naturelle si la consommation (y compris exportations) augmente rapidement. Mais l’électrification de beaucoup d’usages ne va-t-il pas être une voie essentielle pour réduire les rejets de CO2?