Quels choix technologiques opérer pour faire progresser l’électrification en Afrique ?

Un article signé Think smartgrids, site partenaire.

Les pays d’Afrique de l’Ouest se sont fixés des objectifs ambitieux pour étendre l’accès à l’énergie à l’ensemble de leur territoire, alors que 75% des foyers non connectés à l’électricité dans le monde sont situés en Afrique. Mais dans les zones éloignées du réseau central, où les populations sont souvent dispersées sur de grandes distances, le défi est de taille pour mener des projets d’électrification à des coûts acceptables.

530 millions de personnes seraient concernées sur le continent.

Quels choix technologiques opérer pour améliorer l’accès à l’électricité, et sur la base de quels critères ? C’était l’objet du webinaire organisé mercredi 19 mai par Think Smartgrids, en partenariat avec la Commission de Régulation de l’énergie et le réseau des régulateurs francophones RegulaE.Fr.

Des solutions d’électrification individuelles à l’extension du réseau central, une diversité de solutions

L’extension des réseaux nationaux s’est longtemps imposée comme modèle de référence pour l’électrification en Afrique subsaharienne. Ce processus long et couteux n’est pourtant pas toujours le plus approprié dans des régions éloignées du réseau central avec de faibles densités de population.

Agences de développement, régulateurs et gouvernements africains se tournent de plus en plus vers les solutions de micro-réseaux pour garantir l’accès à l’électricité aux villages isolés. Les micro-réseaux présentent en effet l’avantage de pouvoir être installés et mis en service rapidement, pour un coût de plus en plus accessible.

RegulaE.Fr, réseau d’échange de bonnes pratiques et de coopération mutuelle entre régulateurs francophones, s’intéresse de près au sujet. Ce réseau ambitionne d’une part de relever les défis liés au développement économique grâce à l’amélioration de l’accès à l’énergie, et d’autre part de mieux diffuser les principes de la régulation énergétique dans les pays francophones, ainsi que les technologies qui accompagneront leur transition énergétique.

Les micro-réseaux en sont un bon exemple : développés en France notamment dans les territoires insulaires, ils peuvent aussi apporter des solutions concrètes aux besoins d’électrification dans les territoires isolés d’Afrique.

Au Burkina Faso comme au Bénin, plusieurs solutions de micro-réseaux sont ainsi étudiées en fonction de la taille de la population, de leur lieu d’implantation et de la distance qui le sépare du réseau principal. En fonction de ces critères pourront être mis en place une connexion au réseau principal, des solutions d’électrification individuelles ou encore différentes solutions mixtes de microréseaux : mini réseau solaire avec gazogène, hybridation solaire et moteur diesel, ou encore micro-centrale solaire et batterie, avec ou sans moteur diesel.

Chaque solution est étudiée en fonction de son coût. Mariam Nikiema, présidente de l’autorité de régulation du Burkina, précise qu’il est encore souvent difficile de se passer d’un groupe électrogène pour offrir une alimentation continue en électricité.

Pour optimiser la prise de décision entre ces différentes solutions, EDF R&D propose un outil technique, baptisé LENI, pour déterminer la meilleure stratégie d’électrification, avec une combinaison de solutions articulées dans le temps et dans l’espace, en fonction des objectifs de développement (politiques, sociaux, économiques, environnementaux), de la géographie, de l’évolution des besoins en électricité et de la densité de population.

L’outil combine cartographie digitale, algorithmes pour un design optimal des solutions d’électrification, et intelligence artificielle pour de la reconnaissance de formes et une estimation de la demande. Les solutions peuvent aller de systèmes solaires individuels, type panneau solaire sur le toit, pour les densités de population très faibles, à l’extension du réseau central pour les villages les plus proches, en passant par le micro-réseau. Bruno Prestat, directeur des affaires internationales d’EDF R&D, ajoute qu’il est possible de combiner ces solutions, en prévoyant une extension très progressive du réseau.

Les projets de microgrids se multiplient

Pour parvenir à combiner différentes solutions technologiques, Sagemcom développe une solution globale d’électrification destinée aux zones rurales hors réseau. Le fabricant de matériel est en effet parti du constat que lors de la mise en œuvre d’un micro-réseau, une part importante de la population cible, trop dispersée, restait non connectée à l’issue du projet.

D’après Yann Chauvelin, directeur du développement de l’électrification rurale chez Sagemcom, cet écueil est notamment dû à la pluralité et à l’incompatibilité des solutions technologiques utilisées pour s’adapter aux différents cas d’usage.

Sagemcom a donc développé une solution technologique permettant à l’opérateur de combiner plusieurs technologies (mini-réseau, solutions d’électrification individuelles…) sur un même projet, afin de répondre aux différentes contraintes techniques et d’alimenter une part plus importante de la population, tout en optimisant les coûts de maintenance.

La suite logicielle Siconia Power Grid, plate-forme Smart Grid unifiée, combine ainsi comptage intelligent multi-énergie, solution de mini réseau, supervision du réseau de distribution et tarification.

Dans le cadre du programme de transition énergétique Poles2020 de la Senelec, la utility du Sénégal, Omexom a de son côté mis en place de 7 centrales hybrides solaire-diesel destinées à l’électrification de la banlieue de Dakar et au développement d’un microgrid sur les Iles Saloum.

Cet intégrateur de solutions énergétiques a réalisé le projet de bout en bout, depuis les études de conception jusqu’à l’assistance technique à l’exploitation et la formation des opérateurs. Les centrales autonomes combinent modules PV, onduleurs, groupes diesel et batteries de stockage, afin d’offrir un accès continu à l’électricité aux populations locales, jusqu’ici alimentées seulement 6 heures par jour, tout en réduisant la consommation de fioul.

Un des enjeux majeurs des microgrids développés est en effet de réussir à minimiser le recours aux sources carbonées tout en garantissant la fiabilité et la pérennité des solutions proposées. C’est l’ambition portée par Schneider electric, qui propose un panel varié de solutions pour l’électrification en zone rurale, des mini-panneaux solaires pour recharger un téléphone portable au raccordement au réseau principal, en passant par les minigrids et panneaux solaires dédiés à une consommation domestique.

afrique-solaire-electricite

Pour François Borghese, directeur marketing Microgrid de Schneider electric, un microgrid indépendant nécessite de mutualiser et d’optimiser les ressources, de prévoir le bon dimensionnement et l’évolutivité de la solution pour garantir sa pérennité, mais aussi une solution de pilotage et de diagnostic à distance pour une exploitation optimale, avec pour corollaire une prise en compte des aspects de cybersécurité.

Schneider a déployé plusieurs projets au Nigéria et au Sénégal couplant solaire, batteries et générateur diesel, avec à long terme l’ambition de développer des solutions basées à 100% sur les énergies renouvelables.

Le financement des micro-réseaux reste un défi

Une autre question cruciale est enfin le financement des projets d’électrification hors réseau.

L’Agence Française de Développement (AFD), qui finance de nombreux projets de transition énergétique dans le monde, a historiquement soutenu très majoritairement des projets d’extension et d’intensification des réseaux.

Cependant, les efforts se portent de manière croissante sur le développement des mini-réseaux et des kits solaires, notamment grâce à la baisse du coût des panneaux solaires et des batteries, ainsi qu’aux évolutions technologiques favorables, comme le développement des solutions de contrôle à distance, de smartphones et des solutions pay as you go, qui ont permis la fiabilisation des systèmes et une meilleure rentabilité.

L’AFD accompagne les politiques favorables à l’électrification, finance des études et programmes d’électrification, via la subvention ARE scale up Facility, mais aussi les solutions innovantes émergentes, via le programme « Digital energy facility », qui propose de l’assistance technique et le soutien à l’innovation. Un concours à l’innovation est ainsi ouvert jusqu’au mois de juin.

Les marchés mini-réseaux et offgrid se développent rapidement, mais Anne-Sophie Rakoutz, de la division Énergie de l’AFD, souligne que les financements se sont concentrés sur les gros acteurs et l’Afrique de l’Est.

En outre, les investissements sont encore jugés risqués sur les mini-réseaux, avec des coûts de raccordement et d’exploitation élevés, ainsi qu’un risque à la fois sur la demande, parfois en-dessous des attentes, et les capacités à payer des clients, notamment les particuliers et petites entreprises.

Dans le contexte sanitaire et économique actuel, l’AFD constate une forte baisse de la demande et une augmentation importante des impayés, qui s’accompagnent d’une chute des investissements privés, le marché étant encore très dépendant des dons et du crowdfunding.

Pour faire émerger un contexte plus favorable au développement des microréseaux en Afrique de l’Ouest, Anne Sophie Rakoutz souligne l’importance du leadership politique, d’un  contexte institutionnel et réglementaire stable, ainsi que d’une planification qui intègre les différentes solutions d’électrification pour opérer les arbitrages adéquats dès l’origine.

L’électrification doit être pensée comme un « service intégré ». Reste aussi un besoin fort sur les études à mener en amont des projets pour concevoir des ouvrages correctement dimensionnés et pérennes, ainsi que la nécessaire mise en œuvre d’un mode de gouvernance qui intègre les spécificités locales et les communautés. Mais la question du coût des projets et de leur maintenance reste l’enjeu central, afin de garantir un tarif acceptable de l’électricité.

 

 

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COMMENTAIRES

  • Ce n’est pas un choix : le renouvelable, la seule solution eternelle, toutes autres solutions ne pouvant être que ponctuelles, opportuniste, et provisoire

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  • Solutions coûteuses pour un développement optimal industriel et économique de l’Afrique. Pas de décollage économique possible dans ces conditions !

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