Climat: les agriculteurs français invités à augmenter le volume de « biomasse »
Les agriculteurs français sont invités par France Stratégie, l’organisme qui conseille le Premier ministre, à augmenter leur production de biogaz et de biocarburants, et à produire plus de « biomasse », afin que la France puisse atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 découlant de l’accord de Paris contre le réchauffement climatique.
Dans une note diffusée fin juillet, France Stratégie souligne « l’ambition de la France de mobiliser la biomasse » pour décarboner son économie, car elle « peut représenter une alternative renouvelable aux énergies fossiles ».
La biomasse recouvre aussi bien les déchets verts urbains, les ordures ménagères, les déchets de transformation de l’industrie du bois, les forêts, les co-produits de l’industrie agroalimentaire (drèche des malteries..), que l’ensemble de la biomasse dite « agricole ».
Dans cette dernière catégorie, on trouve des cultures végétales dédiées à l’alimentation (maïs, blé, betteraves, soja), au textile (lin, chanvre), des résidus de culture (fanes de betterave, cannes de maïs, pailles, sarments..), des cultures dédiées à la production d’énergie (comme le miscanthus), des excédents d’herbe issue de prairies ou tailles de haies, ou des ressources organiques comme les effluents d’élevage (lisier, fumier).
Cette biomasse est doublement utile pour lutter contre le réchauffement climatique: elle sert à produire de l’énergie non fossile (biogaz par méthanisation, ou biocarburant par distillation ou extraction d’huile). Et elle « possède un rôle majeur dans le cycle du carbone » en contribuant à son stockage via la photosynthèse lors de la phase de croissance des plantes. La biomasse vivante absorbe le CO2 atmosphérique sous forme de matière organique.
Les « gisements en biomasse français » comme les forêts et les sols agricoles représentent ainsi « d’importants puits de carbone » relève France Stratégie.
Néanmoins, la biomasse agricole mobilisée pour des usages énergétiques (combustion, méthanisation ou bio-carburants) ne représente actuellement que 40 terawattheures alors que la stratégie gouvernementale table sur 250 TWh pour pouvoir respecter les engagements de la COP21, note France Stratégie.
L’organisme estime que pour remplir l’objectif, il « serait nécessaire d’augmenter significativement les prélèvements en résidus de cultures et de recourir massivement à certaines cultures dédiées ». Il met néanmoins en garde contre les risques de dérive et de « concurrence » avec l’alimentation qui doit rester l’objectif prioritaire de l’agriculture, et celle de la défense de la biodiversité.
COMMENTAIRES
Ce recours à la biomasse me semble d’une grande absurdité! Dans les faits c’est essentiellement du bois, et brûler en une seconde ce qui met 50 ans à pousser ne fait pas tendre vers la neutralité carbone ,en 2050 mais aggrave la quantité de CO2 dans l’atmosphère. Pour la méthanisation c’est pareil, brûler du méthane issu de méthaniseur pollue autant que le fossile, les déchets végétaux et déjections animales ont vocation à servir de fertilisants naturels à la place des engrais de synthèse polluants (protoxyde d’azote émis dans l’atmosphère, destruction de l’humus). En encourageant à méthaniser les déjections animales on encourage et rentabilise l’élevage hors sol industriel qu’il faudrait supprimer petit à petit, on oblige à faire des cultures intermédiaires en complément qui viennent concurrencer l’espace dédié à l’alimentation. On ne produit plus que 40% de notre alimentation en France! Faire des agrocarburants en France est une sottise, l’Europe a mis un frein, il n’y a pas en Europe de place pour faire de l’éthanol au lieu de nourriture, quant au biodiesel c’est de l’huile de palme ou du soja issus des déforestations de l’Indonésie ou de l’Amazonie.Il faudrait que notre administration et nos politiques comprennent tout cela! Quand on s’est programmé des objectifs erronés il faut savoir le reconnaître et rectifier, ce n’est pas le cas. L’ADEME semble fonctionner à l’idéologie et non à la science!
Jean Pierre Moulard, vous dites tout haut, ce qu’il m’arrive moi aussi de dire tout haut tellement je suis en colère.
Il est certain que tout ce que vous dites est constatable dans les forêts et vous soulignez à juste titre des projets particulièrement « bizarres » pour ne pas dire révoltants comme Gardanne qui est une insulte pour l’ensemble de la biomasse, mais que rien, absolument rien, ne justifie si ce n’est des petites arrangements entre gens du même monde. On parle de circuits courts, et on crache « en même temps » au visage des défenseurs des circuits courts.
Vous soulignez à juste titre l’hypertrophie des centrales de chauffe de grosses dimensions propres à déstabiliser toute le filière bois, et l’équilbre fragiles de la production de pellets et pourtant, on continue. Quelle imagination ! J’aimerais beaucoup qu’une enquête sérieuse donc indépendante, soit réalisée sur les temps de fonctionnement annuel de ces grosses chaufferies ou cogénération, je pense que les résultats ne seraient pas brillants, mais volià, quand un fonctionnaire zèlé veut remplir ses objectifs, réchauffement climatique ou pas, ça conduit à une catastrophe économique et à la surexploitation des forêts, ce qui au passage, nous agace enormément. Biomasse et cathédrale industrielle ne peuvent pas mener à l’optimum en raison de l’hétérogénéîté des formes sous lesquelles se présentent LES biomasses. Le message est-il bien clair ?
Le bois utilisé en biomasse énergie ne concerne pas bêtement des arbres entiers qui ont mis « 50 ans à pousser », mais des résidus de scierie ou de l’industrie du bois : bois d’œuvre et bois d’industrie, ou des arbres morts qui n’ont pas d’autre utilisation.
Dans d’autres cas, il peut s’agir du produit de coupes d’éclaircies, car dans l’exploitation d’une forêt, après quelques années de croissance d’un peuplement très dense, il faut éliminer les éléments mal formés pour permettre aux meilleurs arbres de se développer. Dans ce cas aussi, la principale utilisation est l’industrie (pâte à papier, panneaux de particules).
https://www.onf.fr/onf/+/7f0::coupe-damelioration-eclaircir-la-foret-permettre-aux-plus-beaux-arbres-de-pousser.html
Dans une « belle » forêt, on ne trouve pas des chênes ou des châtaigniers de 50 ans tous les 2 ou 3 mètres.
Lire :
https://www.onf.fr/onf/+/7f0
Coupe d’amélioration : éclaircir la forêt, permettre aux plus beaux arbres de pousser
Le document de l’ONF que vous citez est juste de la théorie, du pipeau! En fait on ne fait pratiquement que des coupes rases dans les forêts privées, tout y passe. Cela soulève à tel point l’indignation que les projets de passer en biomasse, en fait des plaquettes de bois, les centrales à charbon de Gardanne et de Cordemais ont été bloqués. On a vu à la télé que même pour faire les pellets des chauffages individuels on utilisait de beaux troncs d’arbres de chêne ou de hêtre! Les vrais déchets de bois, industriels comme les palettes ou naturels comme les branches élaguées représentent une quantité dérisoire. L’ONF se vante de bien gérer les forêts domaniales mais ce service est en cours de destruction et privatisation par Macron. Les pouvoirs publics mentent.
On en connaît quelques uns qui fonctionnent à l’idéologie anti-renouvelables, à la différence de l’ADEME et de l’ONF.
Les cultures intermédiaires ne viennent pas concurrencer les cultures alimentaires puisqu’elles s’intercalent entre deux cultures principales (alimentaires). En plus de l’usage énergétique de certaines (les CIVE), elles protègent les sols de l’érosion et certaines enrichissent le sol en azote, ce qui limite l’utilisation d’engrais chimiques. D’autres, les CIPAN, sont des pièges à nitrates.
Le digestat provenant de la méthanisation est un excellent engrais naturel.
Quant aux beaux troncs de chênes ou hêtres utilisés pour faire du bois de chauffage, quel forestier serait assez stupide pour vendre un produit de qualité à un prix dix fois inférieur à ce qu’il vaut.
Ce serait comme utiliser du filet de bœuf ou de l’entrecôte pour faire du Canigou Ronron.
Le fait qu’une coupe soit rase, ce qui n’est pas recommandé, n’a rien à voir avec son usage. Dans un tronc, la partie « noble » est utilisée en bois d’œuvre, les autres parties sont utilisées en bois d’industrie. Les déchets (connexes de scierie) et le « petit bois », de faible diamètre, le sont pour l’énergie.
Evidemment, les agrocarburants ne présentent aucun intérêt. Sur une même surface d’un hectare, le solaire photovoltaïque produit une centaine de fois plus d’énergie que le colza par exemple.