La combustion du charbon, talon d’Achille de la Chine
Après un épisode de forte pollution atmosphérique à la mi-décembre, le Nord-Est de la Chine vient à nouveau d’être recouvert d’une dense brume grisâtre, signe d’une importante concentration de particules fines dans l’atmosphère. Aéroports paralysés, circulation coupée, fermetures d’usines… Les mesures prises par le Président Xi Jinping pour dissiper ce « smog » ne paraissent efficaces que sur le court terme, ce qui rappelle à l’Empire du Milieu que la forte pollution de son atmosphère reste un problème sociétal majeur pour les années à venir.
Une nouvelle année qui débute sous un épais nuage de pollution
C’est sous un épais nuage gris à l’odeur âcre que les chinois ont célébré le passage à la nouvelle année. Tout au long du weekend du 1er janvier, pour faire face à un nouvel épisode de forte pollution, 62 villes du Nord de la Chine ont décrété des alertes à la pollution. Plusieurs centaines de vols ont été annulés (126 à l’aéroport de Pékin, 300 à celui de Tianjin), la circulation des bus dans la capitale a été coupée et la production industrielle a été temporairement mise à l’arrêt.
Dans la journée du 1er janvier, des mesures effectuées à Pékin ont démontré que la concentration moyenne de particules fines dans l’atmosphère atteignait 500 microgrammes par mètre cube. Soit un chiffre 50 fois supérieur au seuil maximal d’exposition préconisé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En raison notamment d’un mix énergétique fortement carboné et d’un secteur automobile devenu le premier marché mondial, la Chine fait face depuis de nombreuses années à un grave problème environnemental : la pollution de son atmosphère. L’hiver, saison caractérisée par des températures rigoureuses, est une période particulièrement propice aux alertes à la pollution en raison des quantités astronomiques de charbon que brûle l’Empire du Milieu pour produire de la chaleur et de l’électricité.
Une économie trop dépendante des énergies fossiles
La Chine est aujourd’hui le premier consommateur de charbon au monde. Indispensable carburant pour sa croissance économique, cette ressource fossile polluante fournit par exemple plus de 60% de l’électricité consommée dans le pays. On estime que la consommation d’or noir de l’Empire du Milieu a doublé sur la décennie 2004-2014, jusqu’à dépasser les 4 milliards de tonnes par an.
La pollution atmosphérique étant intimement liée à la combustion d’énergie fossile, l’atmosphère chinoise se chargeait dangereusement de particules fines en même temps que la combustion du charbon s’intensifiait. Selon les données officielles du gouvernement, les émissions chinoises de CO2 ont augmenté en moyenne de 7,5% chaque année entre 1997 et 2010. La Chine est même devenue en 2006 le plus gros pollueur de la planète : au cours de cette année, les émissions de dioxyde de carbone relâché dans l’atmosphère ont atteint 8,3 milliards de tonnes.
Face à une population de plus en plus exaspérée par ce bilan environnemental désastreux, et par les importants problèmes de santé publique qui en découlent, le gouvernement chinois décide en 2014 de partir en croisade contre la pollution. « La pollution environnementale est un fléau qui pèse sur la qualité de vie des citoyens chinois et un trouble qui pèse sur leurs cœurs. Nous nous devons de le combattre de toutes nos forces », estime en mars 2015 Li Keqiang, Premier ministre chinois, au moment d’annoncer la volonté du gouvernement de verdir son mix énergétique.
Après avoir ratifié l’accord de Paris sur le climat en septembre 2016, Pékin décide de prendre le problème à bras le corps en se lançant dans un ambitieux programme de réduction de sa production de charbon. Selon le plan de développement de l’industrie du charbon 2016-2020, présenté par la presse étatique chinoise le 31 décembre dernier, la Chine ambitionne de réduire de 800 millions de tonnes par an les volumes de charbon qui sortiront de ses mines.
La Chine, futur leader mondial des énergies renouvelables ?
Poussé par l’impératif environnemental, le gouvernement chinois ambitionne également de minorer la part des énergies fossiles dans son mix énergétique. Entre 2016 et 2020, l’Empire du Milieu s’est fixé comme objectif de couvrir plus de 60% de la demande énergétique avec des énergies non fossiles et du gaz naturel. Le plan quinquennal présenté le 5 janvier par l’Agence nationale de l’énergie chinoise prévoit également de réduire la part du charbon à moins de 58% des énergies primaires d’ici l’horizon 2020 (contre 64% en 2015).
Non content de vouloir se détourner durablement des énergies fossiles, la Chine se rêve en leader mondial des énergies propres. Pour y parvenir, Pékin compte investir quelques 361 milliards de dollars dans l’électricité à base d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Il s’agira de porter à 15% du mix énergétique la part des énergies non fossiles (contre 12% en 2015). La puissance du parc éolien chinois devrait notamment passer de 129 à 210 GW (+56%) et la capacité du parc photovoltaïque de 43 à 110 GW.
En 2015, la demande mondiale de charbon a pour la première fois chuté au 21ème siècle. Cette tendance est à mettre sur le compte de la baisse de consommation conjointe de ses deux principaux utilisateurs, la Chine et les États-Unis. Les experts estiment à ce titre que l’état du marché du charbon sera influencé dans les prochaines années par la dynamique de la Chine. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme que malgré une baisse de sa demande jusqu’en 2018, l’Empire du Milieu restera le géant mondial de l’industrie charbonnière.
De manière général, l’AIE prévoit une baisse de la part du charbon dans la production mondiale d’électricité : le charbon devrait être à l’origine de 36% de l’électricité en 2021 contre 41% en 2014. Malheureusement, en raison de son coût relativement peu élevé et d’une répartition géographique assez homogène, l’or noir restera la principale source d’électricité en 2021.
Alors que de nombreux États affichent une réelle volonté de lutte contre le réchauffement climatique, la projection de l’AIE peut paraitre surprenante. Mais elle rappelle cependant que la réduction de la part du charbon dans le mix énergétique mondial est l’une des conditions sine qua none pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (maintenir le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2010 par rapport à l’ère pré-industrielle). Qui plus est à l’heure où la combustion de l’or noir est responsable de 45% des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie.