Coronavirus, cours du pétrole, changement climatique : quel rapport ?

Par Alexandre Joly, manager – Pôle Energie chez Carbone 4

Comme souvent en temps de crise, le cours du baril de pétrole brut sur le marché mondial fluctue très fortement.

La crise du Coronavirus n’échappe pas à la règle. Le cours a été orienté à la baisse depuis le début de la crise en Chine fin 2019 en passant de 70$ à 55$ en 2 mois ; il a ensuite chuté brutalement quasiment à 20$ fin mars, avec l’accélération de la propagation en Europe et aux Etats-Unis.

Qui dit baisse du cours du pétrole, dit baisse du prix à la pompe

Pas instantanément, il faut quelques semaines pour que cela se répercute, le temps pour le baril d’entrer dans la chaîne de raffinage et d’arriver aux stations-services. On observe ainsi une diminution du prix à la pompe à partir de mi-janvier, qui s’accentue jusqu’à atteindre -35% fin mars, soit 20 centimes.

Pourquoi le prix à la pompe ne diminue pas aussi fortement que le cours du baril de pétrole brut ?

Au-delà du temps de répercussion, c’est la structure du prix à la pompe qui explique que le lien entre les deux n’est pas strictement proportionnel. En effet, un baril contient 159 litres.

Partons d’un baril à 70$ soit 44 centimes de $ le litre, cela donne 40 centimes en euros en prenant un taux de conversion $/€ à 1,1. Pour un prix à la pompe de 1,5€ TTC, le coût d’achat du baril ne compte que pour 27% ; le reste étant composé de taxes (60%) et des coûts de raffinage et de distribution (13%).

Zoomons sur ces 40 centimes (27%) qui correspondent à un prix du baril à 70$ comme au début de la crise en janvier. Fin mars, le prix à la pompe a baissé de 20 centimes en raison de la chute des cours du pétrole.

Le coût ainsi payé à la pompe pour l’achat du baril a donc été divisé par 2 pour tomber à 20 centimes (40 – 20), équivalent à un baril à 35$ lui aussi divisé par 2. On retrouve donc bien le cours du baril d’il y a 2 semaines ; ce qui est logique au vu du temps de répercussion.

Quels enseignements avec les crises climatiques en devenir ?

Revenons sur les taxes et concentrons-nous sur la TICPE, la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques. A l’instar des autres énergies qui sont soumises à cette même famille de taxes (TIC), la TICPE s’applique aux produits pétroliers et aux biocarburants.

Elle a pris son importance lors des chocs pétroliers des années 70. En effet, l’objectif était alors de renchérir le prix des carburants pour inciter à réduire leur consommation en rendant d’autres alternatives plus économiques. La France est loin d’être le seul pays à avoir cherché à renforcer son indépendance énergétique de cette manière.

Par ailleurs, cette taxe inclut depuis peu la CCE, la Contribution Climat Energie ou encore appelée « Taxe Carbone ». Elle représente 8% du prix à la pompe soit 10 centimes environ aujourd’hui. Son montant est gelé depuis le mouvement des gilets jaunes et correspond à 45€ par tonne de CO2.

Prenons de la hauteur. La crise du Coronavirus, comme toutes les autres crises, amène des soubresauts rapides et imprévisibles, à la hausse comme à la baisse, de 20 à 30 centimes dans les prix à la pompe payés par chacune et chacun d’entre-nous. Et c’est bien le problème, nous les subissons sans les comprendre ni sans les anticiper.

Pourtant, il y a bien une crise que nous pouvons voir venir : le changement climatique. Nous devrions d’ailleurs parler de crises en chaines, sans commune mesure avec une crise grave mais « unique » de laquelle on ressort quelques années plus tard avec le même système économique qu’avant la crise.

Que ce soit une rupture logistique déclenchée par une inondation record, que ce soit un million de migrants climatiques fuyant des sécheresses inouïes, les soubresauts annoncés seront multiples et fréquents.

Dès lors, sous conditions d’un montage robuste, accepter une taxe carbone prévisible, dont le montant serait comparable à ces soubresauts, ne serait-il pas un moindre mal pour arrêter de subir passivement ces chocs et nourrir activement une politique ambitieuse de résilience climatique ?

Oui pour une taxe carbone mais pas n’importe comment

La taxe carbone n’est pas LA solution mais elle semble être un outil relativement simple à mettre en place et facilement compréhensible par le signal prix que nous connaissons toutes et tous.

Néanmoins, son montage actuel doit être profondément amélioré pour permettre son acceptation sociétale. Quelques pistes sans aucune prétention d’exhaustivité :

  • Justice sociale: c’était l’une des premières critiques des gilets jaunes. La taxe carbone pourrait alimenter un « pot commun » qui serait redistribué en partie aux ménages les plus défavorisés par cette taxe. Elle devrait également contribuer à réduire notre dépendance à l’essence et au diesel par le développement d’infrastructures de mobilité bas-carbone, de circuits logistiques plus courts et d’urbanisation moins étalée.
  • Transparence: le montant total collecté de cette taxe ainsi que son utilisation pourraient être connus de toutes et tous. Rien n’empêcherait d’informer chaque année de la part qui est redistribuée à des fins sociales, de la part qui finance la transition énergétique, etc.
  • Prévisibilité de long-terme: la trajectoire de hausse du prix à la pompe pourrait être prévue par la loi avec une taxe carbone « flottante ». Le montant de la taxe pourrait alors évoluer en fonction notamment de la fluctuation des cours mondiaux du pétrole pour garantir un prix final stable. Par exemple, si le baril passe de 70$ à 105$ en 1 mois, au lieu d’avoir une augmentation de 20 centimes au prix à la pompe, on pourrait réduire la taxe carbone de 20 centimes pour que le prix à la pompe reste stable ; et inversement.

Espérons que les plans de relance, post Coronavirus, annoncés par les différents gouvernements seront de réels « Green New Deals », répondant aussi aux derniers manquements évoqués.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Faire baisser le prix du pétrole par une surabondance de production pousse à utiliser beaucoup plus cet hydrocarbure et donc à émettre plus de CO2. Ce n’est pas très judicieux.
    Et cela fait en outre baisser plus rapidement les réserves alors que le peak-oil des pétroles conventionnels a déjà été dépassé. Ce n’est pas non plus très judicieux.

    Répondre
commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

on en parle !
Partenaires
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective