Débat public « EolMer Normandie » : « il faut restaurer la confiance »
Une interview de notre partenaire Les Energies de la mer.
Francis Beaucire, géographe, président de la commission particulière de débat public « EolMer Normandie » (CPDP Normandie), livre à energiesdelamer.eu ses premières impressions de chercheur, d’enseignant et de professeur des Universités.
La restitution en présence du grand public était prévue au Havre le 29 octobre. La pandémie n’a pas permis d’organiser la manifestation, et c’est donc le 12 novembre de 10h à 12h par webinaire que celle-ci sera faite, avec la participation de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, Annick Girardin, ministre de la Mer (s/r), Edouard Philippe, maire du Havre, ancien premier ministre, et Chantal Jouanno présidente de la CNDP et des membres de la CPDP Normandie.
« Les usagers de la mer, du littoral, de l’énergie, ont acquis une expertise qui transforme la fonction d’information dévolue au maître d’ouvrage, sommé désormais de se justifier par une argumentation d’un plus grand niveau de finesse. En d’autres termes, l’argument d’autorité du chercheur, quand il est utilisé (c’est loin d’être toujours le cas), a perdu de sa valeur, celle du maître d’ouvrage aussi ». Il convient de les restaurer.
EDM : Le débat public est clos. Le 19 janvier, la commission particulière a remis son compte rendu au maître d’ouvrage et Chantal Jouanno, la présidente de la CNDP son bilan. Leur diffusion auprès du public a été faite par voie numérique (eolmernormandie.debatpublic.fr) et par notre site energiesdelamer.eu. Aujourd’hui, energiesdelamer.eu s’adresse aussi au chercheur et enseignant dans le domaine de l’aménagement des territoires.
Que vous a révélé ce débat public, hormis son objet, qui était de localiser des emplacements possibles pour de nouveaux parcs éoliens en Manche ?
Francis Beaucire – Ce que je retiens, entre autres leçons de ce débat, c’est que la connaissance, je parle de connaissance scientifique, est partagée, mais qu’elle est dans le même temps lacunaire, controversée, et qu’elle fait l‘objet d’une aspiration généralisée qui devrait ravir les chercheurs professionnels. Que je m’explique.
Partagée, car les publics rencontrés à l’occasion de ce débat ne sont pas ignorants, et quand ils ne sont pas directement au fait des recherches, ils sont en mesure de tenir des propos qui cernent bien les inconnues, qui ne manquent pas de pointer les contradictions non de la recherche mais de la mise en réseau de résultats obtenus dans des contextes différents et selon des méthodes éventuellement différentes.
Là est précisément le nœud de toute recherche pour les chercheurs eux-mêmes. D’où un ensemble d’interrogations qui appellent la poursuite jamais interrompue de la recherche et qui sont fondées sur des questions bien connues de la recherche, y compris (et même surtout) dans le domaine des sciences sociales : la question de la reproductibilité, qui s’est posée sous la forme du crédit que l’on peut accorder au transfert de connaissances issues d’écosystèmes certes marins mais différents, issues notamment de la Mer du Nord et de la Baltique dans le cadre de ce débat.
La pertinence de l’apport du public en termes d’interrogations est un fait qu’il ne faudra pas oublier. Les usagers de la mer, du littoral, de l’énergie, ont acquis une expertise qui transforme la fonction d’information dévolue au maître d’ouvrage, sommé désormais de se justifier par une argumentation d’un plus grand niveau de finesse.
En d’autres termes, l’argument d’autorité du chercheur, quand il est utilisé (c’est loin d’être toujours le cas), a perdu de sa valeur, celle du maître d’ouvrage aussi.
Quelles conséquences cela entraîne-t-il dans la relation entre l’expertise scientifique et, selon l’expression consacrée, l’expertise d’usage ?
FB – La réponse peut être tranchée : « laissez les chercheurs chercher ! » Toutefois, la suspicion qui entoure la parole politique et plus largement toute parole publique s’est étendue à la recherche elle-même. Les chercheurs, pour une partie de l’opinion publique, sont passés du statut respecté d’experts au sens premier du terme (ex pars : qui n’a pas de part à…), au statut moins enviable de partisans, c’est-à-dire au service des parties.
Plus exactement, ce sont les argumentations des parties prenantes dérivées des recherches scientifiques qui sont mises au service d’intérêts partisans et qui ont produit cette défiance envers les apports de la recherche.
De ce fait, les débats publics impliquant la recherche notamment dans la détermination des impacts des projets d’équipement sont un lieu privilégié de la remise en question de la recherche.
Dans ce contexte, j’en viens donc à votre question : oui, il y a un enjeu majeur pour la recherche scientifique, qui passe certainement, malgré l’inconfort que cela entraîne pour les chercheurs, par l’association de l’expertise des usagers, non seulement dans la diffusion de résultats mais surtout, en amont, dans la conception des projets de recherche.
La transparence dans la façon d’obtenir des résultats est devenue indispensable pour garantir l’indépendance de la recherche scientifique aux yeux des publics. Cela passe peut-être par des comités scientifiques intégrant des représentants de la société civile lorsque les recherches sont appelées dans le cadre de débats publics et de concertations.
Comment voyez-vous l’organisation de ces comités scientifiques ?
FB – Une chose est de proposer le principe d’une instance favorisant la transparence de la recherche et des études d’impact ; une autre est de concevoir la bonne façon de s’y prendre.
C’est à un collectif de réflexion qu’il reviendrait de proposer des modalités de mise en œuvre, si l’idée d’une telle instance faisait son chemin dans le cadre de nouveaux projets impliquant le public.
Au-delà de cette intégration en amont des projets de recherche, la façon dont les apports de la recherche sont diffusés auprès du public vous paraît-elle satisfaisante ?
FB – La recherche elle-même est riche d’une grande abondance de travaux dans des domaines voisins mais distincts. D’où la difficulté de transmettre une image synthétique.
Tout le monde a bien saisi depuis longtemps que la mer est un écosystème, et même un écosystème « anthropisé », mais la présentation des acquis de la recherche tout comme les questions en suspens souffrent d’un déficit de mise en relation, de mise en système.
Cela conduit certains participants à soulever la question précise des cumuls d’impacts, une question que les chercheurs n’ignorent pas mais qui requiert, au moment où des travaux de longue durée vont commencer dans la Manche, une attention toute particulière.
Au cours du débat public, quelles actions avez-vous conduites pour que la recherche scientifique y tienne sa place au bon niveau ? Par-delà les contraintes inhérentes au débat public, est-ce suffisant à vos yeux (et à ceux des membres de votre commission particulière ?
FB – Tout d’abord, nous avons utilisé les données produites par le CEREMA, nous les avons soumises au public pour lui permettre de travailler sur une base commune considérée comme incontestable sur le plan scientifique.
Nous avons invité des chercheurs à certaines réunions et organisé deux auditions scientifiques réunissant des chercheurs et des parties prenantes.
Confrontés à l’évocation de travaux scientifiques par les participants au débat public, nous avons mis en ligne sur le site du débat plusieurs articles et lorsqu’ils étaient rédigés en anglais, nous les avons traduits. Une dizaine de podcasts a été produite, abordant de nombreux aspects scientifiques.
Alors, est-ce suffisant ? Au-delà de ces actions diverses tout au long du débat public, en effet, la question qui se pose, c’est la capitalisation de ces apports au profit des débats à venir sur le thème de l’éolien en mer, afin de poursuivre un travail qui n’a été qu’inauguré et dont les réactions du public au cours du débat montre qu’il est attendu et apprécié, y compris lorsque les résultats de la recherche soulève des réactions contrastées.
Pour contrarier le caractère quelque peu éphémère de tout débat public dans la durée, c’est du côté d’un observatoire et de formules d’échange entre chercheurs et ouvertes au public sous une forme ou sous une autre qu’il faut probablement se diriger, afin de permettre de capitaliser, comme déjà dit, mais aussi de développer une démarche d’incrémentation et de mise en système, notamment en reliant les dimensions écologique et technologique de la recherche.
COMMENTAIRES
Mais qu’est que sait que ce charabia qui n’a vocation qu’a faire accepter des projets pourris et inutiles. L’éolien est le scandale de ce siècle et nous n’en n’avons pas les moyens, trop de ressources, trop de renouvellement, trop de dégâts environnementaux, trop cher, trop dépendant de l’étranger, trop de corruption, et peu de production face aux moyens mis en œuvre.Pour rappel un éolien terrestre alimente 420 foyers. A supposer que le taux de charges soit de 35% en mer (à confirmer?), c’est 670 foyers qui seront alimenter en moyenne annuelle. Soit 332 320 foyers, ce qui est loin de ce qu’annonce le promoteur Aigues marines! Toujours les mensonges de l’éolien et rappelez-vous pas de vent pas de production, compensé par qui?
Tout le discours qui se veut épistémologique n’est qu’une manière de dissimuler le fait que les programmes sont implicitement examinés comme obligatoires .La discussion se ramène à définir la recette à laquelle le manant sera mangé .
la vraie question est celle de la définition de l’utilité publique , et ce concept n’est pas innocent .Il recouvre le plus souvent l’intention de l’aménageur .
un des problèmes posés est la transparence et la diffusion des données scientifiques elle doit être ouverte au plus grand nombre et non à diffusion restreinte à un petit cercle de » spécialistes «