Démarchages abusifs : ces fournisseurs d’énergie qui risquent gros
Certains fournisseurs d’énergie, pour ne pas contrôler suffisamment les commerciaux auxquels ils font appel, peuvent se retrouver accusés de « pratiques commerciales déloyales ou trompeuses ». C’est notamment le cas d’Engie, qui a été condamnée en mars dernier à verser 1 million d’euros à EDF pour « démarchages mettant en œuvre des actes de concurrence déloyale ».
Un grand nombre de Français ont déjà été victimes de « démarchage abusif », par téléphone ou sur le pas de leur porte, pour les inciter à changer de fournisseur d’énergie.
Cela s’explique très simplement : en 2007, le marché de l’électricité et du gaz a été libéralisé à l’ensemble des consommateurs, sous l’impulsion de la Commission européenne, et la concurrence entre acteurs ainsi décuplée. De nombreuses entreprises, flairant alors le « bon coup », sont apparues pour tenter d’arracher au fournisseur traditionnel (EDF) ses parts de marché.
Sauf que cette ruée vers l’ « eldorado » de l’énergie s’est souvent accompagnée de pratiques plus ou moins éthiques de la part des nouveaux fournisseurs.
Des commerciaux prêts à tout
Ainsi, depuis plusieurs années, dans son rapport annuel, le Médiateur national de l’énergie pointe du doigt le « démarchage abusif » auquel n’hésitent pas à avoir recours ces arrivants. « C’est devenu la guerre pour gagner de nouveaux clients. [Le démarchage] est un vrai sujet de préoccupation [pour les consommateurs] », affirmait en mars dernier Jean Gaubert, dont la critique s’abat autant sur les fournisseurs d’énergie que sur les commerciaux qu’ils emploient.
D’après le journaliste au « Particulier » (Le Figaro) Pascal Frasnetti, qui a signé une enquête sur le sujet en août 2019, ces agents seraient ainsi « prêts à tout » pour obtenir gain de cause.
« Rappelons l’enjeu : pousser la porte de votre domicile pour obtenir votre signature afin de changer de fournisseur d’énergie. Or, les démarcheurs sont payés à la commission, donc ils ont tout intérêt à vous convaincre », explique-t-il. Et pour ce faire, « tous les arguments sont bons ». Certains « stratagèmes » peuvent même « prêter à sourire » selon lui : « Comme ce témoignage d’un particulier qui raconte que le démarcheur s’est présenté pour soi-disant installer un boitier sur toutes les prises électriques du domicile pour lui éviter la hausse des tarifs de l’électricité ».
Le démarchage abusif n’en demeure pas moins une pratique sérieuse, où l’une des parties (l’habitant) se retrouve totalement flouée par l’autre (le commercial), qui ment sur ses attributions, « parfois en se faisant passer pour un agent du réseau, en prétextant par exemple venir relever le compteur, ajoute Pascal Frasnetti. En gros, [les commerciaux] affirment se déplacer pour une formalité administrative alors qu’ils agissent bien sûr dans un but commercial ». On parle alors de « pratiques commerciales déloyales ou trompeuses ».
« Mouton noir du démarchage abusif »
Pour le Médiateur de l’énergie, il s’agit donc en premier lieu de modifier « les conditions de rémunération des démarcheurs, au commissionnement variable, [ce qui ne peut] qu’entraîner des dérapages » selon lui. « Cette pression financière conduit bon nombre d’entre eux à passer outre les règles qui leur sont données, sans grande contrainte d’ailleurs, par les fournisseurs. L’essentiel est de faire signer des contrats par tous les moyens, licites ou illicites », précisait Jean Gaubert dans son rapport pour 2018.
Plus que les commerciaux, pourtant, l’autorité administrative indépendante incrimine les fournisseurs d’énergie eux-mêmes : « Ils répètent qu’ils encadrent et contrôle leurs pratiques mais ce n’est clairement pas suffisant », explique-t-il. Un laxisme qui peut pourtant leur coûter cher.
En mars dernier, Engie (ex-GDF-Suez) a par exemple été condamnée par la cour d’appel de Versailles à verser 1 million d’euros à EDF, certains de « ses » commerciaux se faisant passer pour des agents du premier électricien de France afin d’inciter les habitants à changer de fournisseur.
Face à la recrudescence de ces pratiques illégales, le Médiateur de l’énergie, dont le but premier est la défense des consommateurs, rappelle « qu’il ne faut pas hésiter à porter plainte auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) » lorsque l’on s’estime victime de démarchage abusif.
Le 27 juin dernier, le service rattaché au ministère de l’Economie a d’ailleurs lancé une vaste campagne de perquisition simultanée auprès d’une quinzaine entreprises du secteur, dont Engie – qualifiée de « mouton noir du démarchage abusif » – et l’italien Eni. Une opération a pour objet de déterminer s’il s’agit de pratiques isolées de certains démarcheurs ou d’une politique délibérée des énergéticiens. Dans ce dernier cas de figure, « les pratiques suspectées par la DGCCRF relèveraient du délit de pratique commerciale trompeuse susceptible d’être sanctionné par le juge pénal d’une peine de deux ans de prison et d’une amende d’un montant maximal pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaire de l’entreprise ».