Digital et Innovations techno dans l’énergie : ces nouveaux business models qui bousculent le marché mass market
Article rédigé par Sabrina Tiphaneaux, Directrice du Pôle énergie – Industries, « Les Échos études »
Une étude à lire en cliquant ici
La multiplication des innovations technologiques
Le modèle centralisé est mort, vive les modèles décentralisés ! Nous n’y sommes pas encore, mais cela pourrait être la trajectoire que prendra le marché de l’énergie dans les années à venir, bousculé par de multiples innovations technologiques.
Encore embryonnaire, l’autoconsommation démarre en France. Les consommateurs, ou au moins une partie d’entre eux, modifient leur rapport aux fournisseurs et aux réseaux d’acheminement provoquant une remise en question des modèles d’affaires traditionnels.
Et lorsque les dispositifs de production décentralisée sont couplés à des capacités de stockage, c’est alors toute l’économie de la filière électrique qui est remise en question.
En ajoutant la brique des véhicules électriques, avec leur capacité de charge / décharge impactant également les réseaux et les fournisseurs d’énergie, la complexité s’accroît.
Sans compter la multiplication des objets connectés en lien direct ou indirect avec l’énergie : radiateurs, thermostats, prises, chaudières, enceintes connectées… certains intègrent déjà les technologies de l’IA pour apprendre, comprendre et agir en toute autonomie.
Ajoutons, enfin, la blockchain qui permet de désintermédier les relations entre les utilisateurs en favorisant des échanges en peer to peer… et tous les ingrédients sont réunis pour le développement de nouveaux modèles d’affaires dans l’énergie.
Le début de l’Energy as a service ?
De nouvelles propositions commerciales avec des modèles d’affaires innovants se développent aujourd’hui sur le marché du mass market. A peine émergents pour la plupart, ils n’ont pas encore fait la preuve de leur viabilité. Mais ils ont en commun d’appréhender différemment les marchés de l’énergie.
C’est le cas de l’intermédiation, appelée à fortement se développer. Face à la multiplication du nombre de fournisseurs et la complexification des offres, les consommateurs vont davantage se tourner vers les plateformes de comparaison.
De là à assister à une « bookinisation » du marché de l’énergie comme ce qu’a connu le secteur de l’hôtellerie ? D’ici 3 à 6 ans en tout cas, certains opérateurs alternatifs pourraient bien être en situation de dépendance face à ces opérateurs.
Parallèlement, avec la multiplication de dispositifs connectés liés à l’énergie, les sources de production de datas vont exploser. Des données qui, bien exploitées, pourront donner naissance à de nouveaux services énergétiques dans les domaines de l’optimisation tarifaire (pour mieux négocier le prix de l’énergie ou détecter la meilleure offre à proposer), du diagnostic énergétique (pour ensuite déclencher des travaux) ou de la maintenance prédictive des installations énergétiques.
L’effacement pourrait également connaître un second souffle. S’il n’a pas encore trouvé son modèle économique, compte tenu des coûts d’installation d’un dispositif centralisé, la solution pourrait venir demain de l’intégration de la fonction d’effacement aux objets connectés afin d’éviter la mise en place d’une instrumentation spécifique.
Les radiateurs électriques sont les premiers concernés, mais les équipements électroménagers pourraient aussi l’intégrer.
La valorisation des batteries de voitures électriques, à travers notamment les technologies de Vehicle-to-Grid (V2G), peut aussi être un terrain de jeux intéressant pour plusieurs acteurs.
Les expérimentations commencent à peine et, à ce stade, rien n’est validé sur le plan de la technologie ni du business model. Mais d’ici au moins 10 ans (voire 15 ou 20 ans), les solutions devraient se développer et générer une activité significative.
Enfin, l’émergence de communautés énergétiques pourrait être l’étape ultime de la transformation des business model.
Plutôt que de commercialiser des briques de produits ou de services, le fournisseur pourra, à terme, proposer au consommateur d’optimiser l’ensemble du système (pilotage de la batterie, smart charging, fourniture de l’électricité complémentaire…) en contrepartie d’une adhésion à la communauté.
Elle peut être restreinte à un périmètre géographique (un immeuble, un quartier…) avec un microgrid dans une logique d’auto-consommation collective. Elle peut également être virtuelle, réunissant des membres sans aucun lien direct, sous l’égide d’un opérateur.
Des échanges d’électricité peuvent être pratiqués au sein de cette communauté pour la consommation du logement ou la recharge du VE (accès à des bornes de particuliers membres de la communauté par exemple).
Ce type de business model commence à apparaître avec des opérateurs tels que Sonnen. Mais l’étape suivante peut être la mise en place d’un forfait pour un accès à l’électricité complémentaire fournie dans le cadre de la communauté.
L’énergie devient l’affaire de tous !
L’émergence de ces nouveaux business attirent de nombreux prétendants sur le marché de l’énergie.
Les fournisseurs d’énergie (EDF, Engie…) sont, bien sûr, en première ligne. Confrontés à un contexte de marché peu porteur en Europe dans leur activité historique, ils se lancent dans de nouveaux business multipliant les initiatives et ajoutant régulièrement de nouvelles briques pour ne plus dépendre que des volumes d’électricité ou de gaz vendus. Mais ces stratégies supposent beaucoup d’investissements et peu de retombées économiques pour l’instant.
Derrière eux, de nombreux acteurs se positionnent, opérateurs historiques comme nouveaux entrants, tous aux ambitions bien affirmées.
Les gestionnaires de réseaux (Enedis principalement) doivent, à terme, se réinventer car les nouveaux business remettent en question leurs propres fondamentaux.
Le développement de l’autoconsommation et du stockage va réduire, dans certains endroits, les flux d’électricité transitant par les réseaux alors qu’ils seront toujours nécessaires (lorsque la production est insuffisante). Une adaptation, voire une refonte de leur business model paraît nécessaire.
De leur côté, les équipementiers (Chaffoteaux, Delta Dore, Schneider Electric…) se positionnent sur la fabrication d’objets connectés, de wallbox ou encore de batteries qui sont un prolongement logique de leur activité historique. La question est de savoir jusqu’où iront-ils dans les services associés à ces équipements ?
Pour les Telco & GAFAM (Amazon, Google…), l’énergie est un nouveau terrain de jeux où exploiter leur savoir-faire technologique (analyse de données, internet…).
Pour cela, ils développent des éco-systèmes avec comme point d’entrée un hub. Amazon a été le premier avec Alexa (Amazon Echo). Google et Apple ont suivi.
C’est désormais Facebook qui devrait lancer son assistant personnel, M, en 2019. Passer la phase d’équipement, l’enjeu sera ensuite de valoriser les datas en développant une gamme de services.
La multitude de pure players (Comwatt, Netatmo, Selectra…) investit également tous les champs et en crée de nouveaux.
Enfin, les constructeurs automobiles (Daimler, Nissan, Tesla, Renault…) sont en embuscade.
En électrifiant leur gamme de véhicules, deux opportunités s’offrent à eux : se diversifier dans les services à la mobilité électrique et se lancer dans le stockage d’électricité par batteries.
Iront-ils encore plus loin en proposant d’autres équipements / services liés à l’énergie ?
Digital et énergie : de nouvelles offres à développer, une nouvelle donne concurrentielle
COMMENTAIRES
Bonjour
Merci beaucoup pour les informations sur l’énergie