La donnée, gage d’efficacité au service de la rénovation énergétique
Alors que la rénovation énergétique est au cœur du plan de relance verte, l’utilisation de la data se révèle déterminante pour renforcer l’efficacité des travaux réalisés. Et garantit le retour sur investissement de plusieurs milliards d’euros d’argent public.
C’est un paradoxe dont la France se serait bien passée en période de crise économique… Au milieu du premier confinement liée à la pandémie de Covid-19, le ralentissement de l’activité économique française a permis de réduire de 34 % la consommation d’énergie dans les bâtiments de bureaux au mois d’avril, selon une étude réalisée par la startup Deepki pour la direction immobilière de BNP Paribas (REPM).
Mais sur l’ensemble des sites concernés par cette analyse, près de la moitié (40 %) n’auraient pas constaté de baisse de consommation énergétique malgré leur fermeture, d’après le rapport.
Au total, 123 000 euros supplémentaires par semaine aurait pu être économisés sur la facture d’énergie si ces bâtiments avaient été correctement régulés, estime Deepki. « De nombreux équipements ont continué de tourner inutilement, générant une consommation d’énergie bien supérieure aux besoins réels », indique le spécialiste de la data dans le bâtiment, qui déduit que la collecte et l’exploitation intelligente des données auraient pu aisément éviter un tel gaspillage énergétique et financier.
« Ce gaspillage est désolant, mais il met en lumière une chose : de très grosses économies d’énergie peuvent être réalisées sans travaux ni lourds investissements, mais avec un bon suivi énergétique des bâtiments».
À Londres, le géant de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield aurait ainsi économisé 44 % de dépenses énergétiques dès la première semaine de confinement et même 63 % au bout de six semaines grâce à l’utilisation de la data, affirme Deepki.
Comme BNP Paribas et Unibail-Rodamco-Westfield, de plus en plus d’entreprises tirent parti de l’exploitation des données pour mieux maîtriser leur consommation d’énergie. Cette démarche débute dès la réalisation de travaux de rénovation énergétique, comme l’illustre le programme Action Cœur de ville lancé dans 222 villes moyennes à travers la France.
Dans le cadre de cette vaste opération de revitalisation des centres-villes et des commerces de proximité, Enedis déploie plusieurs technologies pour optimiser la consommation énergétique des bâtiments. À Chaumont (Haute-Marne), la data a ainsi permis de cartographier les zones de déperditions d’énergie pour améliorer le ciblage des travaux de rénovation.
À Lunéville (Meurthe-et-Moselle), elle a servi à optimiser l’emplacement d’installations de production d’énergies renouvelables et de bornes de recharge pour véhicules électriques. « Grâce à ce partenariat, Action Cœur de ville devient plus que jamais un moteur de la relance territoriale et écologique », s’est félicitée Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires.
Isolation et rénovation : un fossé entre la théorie et la réalité
Grands pourvoyeurs de gains énergétiques, les travaux d’isolation gagneraient également en efficacité avec l’exploitation de la donnée. Car entre la théorie et la pratique, les écarts de performance sont parfois très surprenants… Selon l’enquête « Maîtrise de l’énergie » réalisée auprès de 7 000 à 9 000 ménages français par an entre 2000 et 2013, l’investissement dans des travaux de rénovation énergétique n’apporterait en moyenne que 2,7 % de réduction réelle sur la facture d’énergie.
Soit 8,4 euros économisés chaque année pour 1 000 euros investis. D’après Matthieu Glachant, professeur d’économie aux Mines Paritech, il faudrait donc 120 années en moyenne pour récupérer le coût de l’investissement initial…
« Notre travail est une analyse a posteriori sur des données décrivant des comportements réels, précise le chercheur. Au contraire, le consensus d’experts a été construit en France à partir de modèles de simulation fondés sur des hypothèses de comportements».
Pour expliquer ce fossé, Matthieu Glachant met en avant l’attention des ménages, davantage portée sur le confort que sur les économies d’énergie, et celle des professionnels, qui privilégient la rapidité des interventions à leur qualité.
« Ce résultat invite à déplacer la focale de l’action publique des consommateurs d’énergie vers les fournisseurs de solutions de rénovation énergétique avec un double objectif : réduire les prix et améliorer la qualité de la rénovation, plaide-t-il. D’autant que la multiplication des aides allouées à leurs clients n’a pu que dégrader leur performance sur ces deux dimensions. »
L’efficacité visiblement très insuffisante de certains produits isolants en situation réelle participe aussi pleinement à creuser l’écart entre la théorie et la pratique. C’est ce qu’a mis en évidence un récent scandale sur les travaux d’isolation.
Baptisée « Isolgate », l’affaire qui opposait plusieurs fabricants d’isolants a révélé que la performance des laines minérales, en particulier des laines de verre utilisées dans 90 % des travaux d’isolation des murs et combles, était en réalité jusqu’à 75 % moins élevée que celle affichée sur le papier.
La Cour de cassation, qui a été amenée à se prononcer, a même clairement établi « la crainte du syndicat [de fabricants] de voir révéler que les performances thermiques de la laine minérale sont altérées sous l’effet d’un manque d’étanchéité à l’air », preuve que les intéressés n’ignoraient rien de la médiocrité de leurs produits.
Ces dérives constituent d’ailleurs un argument supplémentaire pour l’utilisation des données dans le bâtiment en tant qu’outil de mesure et d’analyse de la performance des travaux de rénovation. L’enjeu est de taille puisque, outre le confort des bénéficiaires, des économies d’échelle sont à la clé.
Dans le cadre du plan de relance verte de l’économie, pas moins de 7,5 milliards d’euros doivent en effet être débloqués par le gouvernement pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. Une somme qui vient s’ajouter aux dispositifs déjà existants.