Efficacité énergétique dans l’industrie : un exercice de haute voltige

Les bâtiments résidentiels sont souvent pointés du doigt comme une source importante d’économies d’énergie : ils pèsent pour un quart de la consommation d’énergie finale en Europe. Les consommateurs, grands béotiens de l’énergie, sont mis en première ligne pour contribuer aux efforts nécessaires.

Pourquoi ne pas mettre autant d’emphase pour parler de l’industrie qui pèse également pour un quart dans la consommation d’énergie finale ? Ne représente-t-elle pas un potentiel d’économie aussi important ?

Territoire interdit

Tout d’abord, l’industrie est un territoire souvent interdit au nom de la défense de la productivité ou de la confidentialité. A plus ou moins juste titre, ces raisons sont invoquées par les industriels pour s’engager ou non dans des démarches d’efficacité énergétique.

Je constate que cet engagement est d’abord une question de valeurs et de volonté de la part des dirigeants. L’enjeu de la réglementation, des labels et certifications diverses est d’en faire également une question d’intérêts : le mouvement est lent mais se déploie sûrement.

Si la volonté des dirigeants n’est pas acquise, l’industriel s’inscrit dans une réponse a minima aux impératifs règlementaires : les audits se déroulent sans interaction et quelques actions très ponctuelles, isolées et sans suite sont menées.

Dans le cas contraire, la deuxième étape consiste à gagner la confiance des managers opérationnels : maintenance, méthodes de production et surtout fabrication. Directement responsables de la performance, leur souci de ne pas être perturbés dans leur quotidien est légitime.

Les bâtiments industriels et leurs applications (éclairage, ventilation, thermique) sont un terrain de jeu qu’ils abandonnent de bon gré aux actions d’efficacité énergétique. Les prestataires de services se disent volontiers spécialistes de l’industrie mais ne sont pas pour autant actifs dans les process industriels.

Quelles actions ?

Une étape plus intrusive généralement admise est de conduire des actions sur les utilités du process : chaleur industrielle, air comprimé etc… Elle donne généralement accès à des gains significatifs.

L’étape ultime consiste à rendre le process plus efficient sur le plan énergétique. Combiner les impératifs de production et les impératifs environnementaux relève de l’industrie 4.0 dont beaucoup rêvent.

Deux types d’action sont alors envisageables : le remplacement de machines ou de composants, moteurs par exemple, moins énergivores et l’optimisation de l’utilisation des machines existantes.

Ces actions ne sont plus limitées dans le temps : elles peuvent s’enchaîner de manière continue pour garantir l’atteinte puis le maintien d’une performance énergétique de premier plan.

Elles sont le terrain d’expression des vrais spécialistes de l’efficacité énergétique dans l’industrie. Pour pouvoir être envisagées, elles exigent des conditions rarement réunies de manière spontanée, difficiles et longues à bâtir pour un prestataire externe.


Parmi les actions d’efficacité énergétique conduites sur les process industriels, celles consistant à remplacer des machines ou des composants de machines, des moteurs par exemple, moins énergivores, sont celles qui sont les plus naturelles : leur dimension technique correspond à la culture de la plupart des environnements industriels. Mais ces actions sont rarement menées avec une dimension systémique car chaque machine a son spécialiste à qui il est facile de confier son remplacement avec des objectifs spécifiques.

Des actions d’optimisation de la conduite des process, plus complexes

Ces actions doivent être permanentes pour maintenir un niveau de performance malgré tous les aléas de production et pour s’adapter aux constantes évolutions des process. Elles ne sont donc plus la mission d’une task force ou d’une organisation temporaire mais doivent s’inscrire dans le fonctionnement quotidien de l’industriel.

Toutes les industries n’ont pas les moyens de payer un « Energy Manager », sorte de chef de projet mandaté pour convaincre les « forteresses » que sont les ateliers de faire quelques efforts en matière de consommation énergétique. La préoccupation pour les économies d’énergie doit donc être intégrée par les équipes en place.

C’est d’autant plus délicat qu’elles sont souvent surchargées par leur quotidien. Un intérêt et un support continus, authentique de leur management est une condition nécessaire de succès.

L’optimisation énergétique de la conduite des process suppose des données … mais pas n’importe quelles données !

On se rend compte par expérience que les points d’acquisition de données conditionnent la vision et la compréhension d’un process. Inclure ou exclure les auxiliaires d’une machine ne fournit pas la même information de même que différents « découpages » d’une ligne de fabrication par un dispositif de sous-comptage.

La pertinence des données, et donc du dispositif de comptage, se découvre progressivement et est le résultat d’ajustements successifs : les systèmes de sous-comptage fixes, largement répandus, câblés en tableau par exemple, sont totalement inadaptés à ce besoin.

Les systèmes de comptage non intrusifs méritent d’être considérés avec attention et nourrissent ce processus itératif d’optimisation des résultats par optimisation de la localisation des points de comptage.

S’inclure dans un tel processus est exigeant pour un prestataire de services énergétiques externe : cela requiert de l’humilité, de la compétence et un dialogue quasi-permanent avec le client. Par contre, les bénéfices pour ce prestataire sont nombreux : il établit une relation nouvelle avec son client, plus proche, plus fidèle, comme le requiert un travail avec les industriels.

Il peut également détecter de nombreuses opportunités supplémentaires de services : réduction des pics de consommation, valorisation de la flexibilité…

Quant à l’industriel, il découvre petit à petit, au fur et à mesure de l’optimisation énergétique de son process, que les données énergétiques lui procurent un nouvel angle de vue sur son installation et lui permettent de découvrir de nouvelles pistes de productivité. Ces pistes, davantage que les économies d’énergie elles-mêmes, récompenseront son investissement.

Des données énergétiques riches d’informations

Les données de consommation énergétique acquise sur un process atteignent rapidement des volumes importants. Une fois, et une fois seulement, une première étape d’optimisation du dispositif de comptage gérée avec succès, une fois le dialogue nécessaire à la compréhension et à une première exploitation des données mis en place, il devient indispensable de se doter d’un support logiciel pour tirer un maximum de valeur de cette masse de données.

Les données énergétiques sont riches d’informations, non seulement pour réduire les consommations, mais aussi en ce qui concerne l’utilisation et la durée de vie des équipements, la maintenance prédictive nécessaire ou encore le raccourcissement des phases de démarrage ou d’arrêt du process (qui se traduit en productivité directe).

Les technologies d’intelligence artificielle donnent un élan à ces plateformes logicielles et ouvrent la voie à des niveaux de performance importants.

Mais n’oublions pas qu’elles restent un moyen, support d’un processus de travail qu’il convient de mettre en place par ailleurs.

Ces quelques lignes illustrent la complexité mais aussi la richesse des actions d’efficacité énergétique dans l’industrie. Les premiers prestataires de services qui arriveront à maîtriser cet exercice de haute voltige s’ouvriront un marché important par sa taille et son attractivité.

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