« Efficacité énergétique : un engagement de toujours »
Lorsque j’évoque mon métier et ses enjeux auprès de proches ou de pairs dans des fonctions commerciales, je suscite toujours l’étonnement en expliquant que nous passons beaucoup de temps à aider nos clients à consommer moins d’électricité et à développer des solutions adaptées à cet enjeu. En général, un industriel cherche à augmenter les volumes vendus pour maximiser sa marge, qu’est-ce qui explique qu’EDF fasse l’inverse ?
Une tribune signée Marc Benayoun, Directeur Exécutif Groupe EDF en charge du Pôle Clients, Services et Territoires.
La préférence pour les économies d’énergie remonte loin
Dans la période de construction du parc de production et du réseau, l’entreprise est un monopole, et puisqu’elle couvre ses coûts, il est primordial de limiter ses investissements. C’est pour cela que EDF tarifie non seulement l’énergie consommée et la puissance souscrite (les kilo volt.ampères ou kVA) et interroge les clients sur leurs usages pour leur proposer le contrat le plus adapté. Il ne s’agit pas de vendre un contrat trop « puissant » car cela dimensionne tant le parc que le réseau de distribution.
Dans le même temps, si l’entreprise souhaite naturellement déployer l’électricité le plus largement possible car elle est synonyme de progrès, elle incite déjà les clients à consommer moins en diffusant des informations permettant aux clients de réduire leur facture. Un dirigeant de l’entreprise pose alors le principe du développement de « tous les usages de l’électricité, avec le moins d’électricité par usage ».
En 2020, le contexte est différent mais la stratégie est identique. Les usages de l’électricité se diffusent, car elle constitue un vecteur de « décarbonation » (réduction des émissions de CO2 de l’économie) bien identifié et mis en exergue par la Stratégie Nationale Bas Carbone.
Le développement dans la mobilité électrique en est l’exemple le plus visible et nous nous réjouissons de l’impressionnant décollage des ventes de véhicules électriques en cette année 2020, porteur de nombreuses opportunités pour le secteur électrique notamment en termes de capacité à flexibiliser la demande.
Autre exemple : l’installation de plus en plus fréquente de pompes à chaleur qui permettent de chauffer un logement en utilisant 2 à 3 moins d’énergie qu’une chaudière classique.
Ainsi, nous continuons à inciter les clients à une moindre consommation puisque de nouveaux usages se développent spontanément. L’efficacité énergétique au sein des usages « socle » est donc le moyen naturel d’équilibrer le système électrique sans recourir à des investissements importants. Qui sont par ailleurs de plus en plus difficiles à faire accepter au plan local, même lorsqu’il s’agit de productions vertueuses sur le plan environnemental. La résistance très vive à l’éolien terrestre en est l’exemple le plus frappant.
Des approches différentes auprès des entreprises et des particuliers
Dans les entreprises et les collectivités locales la démarche d’efficacité énergétique, c’est-à-dire la capacité à consommer moins pour un même service rendu est portée par des équipes d’achats de plus en plus compétentes dans les métiers de l’énergie. Et les obligations ESG poussent ces acteurs économiques à être de plus en plus vigilants quant à leurs émissions de CO2, directes ou induites, et à proposer des trajectoires de réduction de ces émissions.
Un tel contexte est très favorable à Dalkia, filiale d’EDF acquise à 100% auprès de Veolia en 2014, précédemment détenue par EDF et Veolia. Cette société a développé un savoir-faire reconnu dans l’ingénierie thermique, complété depuis par les compétences et actifs du groupe EDF dans l’ingénierie et le génie électrique, qui lui permet de porter des offres au travers d’un mécanisme de « contrat de performance énergétique », dans lequel la rémunération est conditionnée par l’atteinte d’objectifs contractuels de réduction de consommation.
Ce mécanisme permet de garantir des réductions de consommation de plus de 10 TWh (soit l’équivalent de la consommation électrique de 2 millions de ménages), et à des gains considérables en termes de CO2 : 4 millions de tonnes par an. Depuis ce rachat et son intégration dans l’organisation d’EDF, Dalkia fait progresser ses offres, son chiffre d’affaires et sa rentabilité.
Dans le marché des particuliers, la mise en place de contrats de performance énergétique, si elle est souhaitable, se heurte souvent à la taille trop réduite des projets énergétiques engagés. Et par conséquent le groupe EDF a construit un portefeuille de plus en plus large d’offres de services et de travaux pour permettre aux particuliers de réduire leur consommation.
Un élément clé de ce dispositif est gratuit. Il s’agit de l’application e-Quilibre qui offre à tout client une mesure de sa consommation en temps presque réel grâce au compteur Linky. Nous pouvons alors la décomposer par usage, proposer au client des comparaisons avec un groupe de référence, des défis ludiques, et bien entendu des pistes pour la modération de sa consommation.
Nous enregistrons 23 millions de visites par an sur ce service, en hausse constante, et surtout nous avons pu constater un lien direct entre nombre de visites et réduction des consommations : les utilisateurs les plus fréquents peuvent réduire leur consommation jusqu’à 12% !
Si les moyens engagés, les instruments techniques et contractuels sont différents, EDF part toutefois d’un principe identique : c’est par l’information du client que l’on doit déclencher une démarche productive et économique de maîtrise de la consommation. En lui donnant des éléments de connaissance, en l’incitant à une démarche qu’il pilote lui-même, en lui permettant de choisir les gestes ou investissements appropriés et enfin en lui donnant les instruments de mesure pour piloter sa démarche.
—————————
Annexe : évolution de la consommation moyenne par ménage (1 ménage = 1 compteur), et évolution très nette à la baisse de la consommation moyenne par usage (éclairage = 1 usage, TV = 1 usage, cuisson = 1 usage, etc…)
COMMENTAIRES
Bonjour Monsieur Benayoun,
Pour diminuer les consommations globales utilisant des sources carbonées, chercher à leur substituer activement, quand c’est possible, l’électricité, dont la production, en France, est peu émettrice de GES est effectivement de bonne politique.
Par ailleurs, aider à diminuer, autant que faire se peut, chaque consommation électrique (usages établis et usages nouveaux), relève de l’éthique (économique et écologique) et c’est très bien qu’EDF fasse sien ce positionnement.
Mais si une politique de substitution était activement menée et malgré l’effort de rationalisation des consommations évoqué, les moyens de production décarbonés devraient augmenter significativement.
Pour satisfaire cette demande, le développement massif des sources renouvelables (éoliennes et solaires), tels qu’envisagé aujourd’hui, concomitamment avec la diminution de la production nucléaire, déjà engagée par la fermeture de deux réacteurs et la perspective de fermeture de douze autres, est problématique (forme faible).
Outre que ces sources intermittentes, même multipliées à l’envi (comme en Allemagne) n’y suffiront pas, un tel choix conduira, en effet, à devoir doter le réseau de moyens pilotables, se substituant au charbon et au nucléaire.
Le recours à des unités CCgaz, souples, performantes, mais onéreuses, et surtout fortement émettrices de GES, deviendra alors incontournable.
La boucle vertueuse ne se boucle donc pas et la fuite en avant d’EDF dans le domaine des énergies renouvelables, conduit droit dans une impasse, qui outre les inconvénients précités exposera, après demain, notre production électrique aux foucades de sources importées sensibles et une vraie stratégie énergétique, est une affaire de long cours.