L’énergie : un enjeu majeur pour construire durable aux Antilles
La consommation d’énergie est en forte croissance dans les Antilles, à la fois par l’effet de l’accroissement des populations mais également par la croissance économique très forte des vingt dernières années.
Engagée dans une démarche de développement durable, la France se doit de mettre en place des stratégies afin de limiter les consommations énergétiques dans ces départements Outre-Mer, caractérisés par leur climat tropical et leurs tendances à avoir recours aux systèmes de climatisations, coûteux et polluants.
Mme Pricillia Privat, responsable de l’Agence du bureau d’études H3C-CARAïBES de Guadeloupe et M.Loic Nohilé – chef de projet dans l’agence de Martinique – ont accepté d’échanger sur l’actualité énergétique aux Antilles.
La place des nouvelles Energies
Par sa géographie notamment, l’Outre-mer est fortement dépendant des importations de ressources énergétiques fossiles importées massivement. Le renforcement de son autonomie énergétique constitue par conséquent un objectif primordial : dépourvus de ressources énergétiques fossiles locales, les énergies renouvelables représentent déjà une part non négligeable du bilan énergétique de ces territoires.
Pour le cas de la Martinique, environ 75 % de l’énergie est produite aujourd’hui par le fioul, via une centrale thermique qui alimente toute l’île et le reste du mix énergétique est réparti entre le photovoltaïque (7%) -grâce notamment à 3 grandes centrales solaires- et l’éolienne (17%), et enfin la biomasse (combustion de bagasse).
La répartition du mix de la Guadeloupe est similaire à la Martinique avec environ 19 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique : photovoltaïque (6 %), géothermie (5 %), bagasse3 (3 %), éolien (3 %) et hydraulique (2 %).
L’utilisation du panneau solaire aux Antilles françaises est une évidence compte tenu de la principale condition importante : l’ensoleillement. Le climat des îles Caraïbes étant de type tropical, le soleil est présent pratiquement toute l’année.
Concernant l’éolienne, la Guadeloupe et la Martinique réunissent aussi les conditions nécessaires pour son bon fonctionnement : le vent est particulièrement puissant surtout pendant la période des Alizés (de novembre à mai).
D’ailleurs, le premier parc éolien raccordé au réseau qui a été inauguré en février (Grand-Rivière), alimentera 10.000 foyers Martiniquais.
Deux autres parcs de très grande taille sont aujourd’hui en construction, ce qui démontre parfaitement l’ambition du gouvernement, qui a pour ambition de rendre ses territoires ultramarins totalement autonome grâce aux renouvelables en 2030.
Moins connue que les énergies solaires et éoliennes, l’énergie géothermique est de loin l’énergie renouvelable la plus puissante de toutes mais reste encore largement sous exploitée.
Contribuer à réduire la facture
Afin d’atteindre cet objectif d’autoconsommation, il existe des techniques et des stratégies mis en place afin que le secteur du bâtiment soit moins énergivore.
« En métropole, pour économiser de l’énergie, on s’astreint généralement à limiter les apports d’air froid provenant de l’extérieur pendant l’hiver. Aux Antilles, où le climat est tropical, nous avons la contrainte inverse toute l’année : afin de réduire le besoin de climatisation, on fait appel à l’écoulement aéraulique, permettant d’avoir un renouvellement et une vitesse d’air importante dans les bâtiments, ce qui augmente la sensation de confort.
L’idéal pour optimiser cette sensation est de concevoir un logement traversant, offrant une ouverture sur l’extérieur sur au moins 2 façades d’orientations différentes (Est/Ouest pour les Antilles, orientation par rapport à la direction du vent dominant).
Cette configuration permet une meilleure ventilation au sein du logement et offre la possibilité de surventiler durant la nuit en été, permettant un meilleur confort. En complément, on privilégie le ventilateur aux systèmes de climatisations, qui sont beaucoup plus gourmands…
Les apports thermiques les plus importants, provenant du solaire radiatif, on s’attache aux masques solaires sur les parois et toitures. L’isolation a en effet peu d’importance dans ce type de climat, tandis que les masques solaires permettant d’éviter le contact direct avec le soleil sont beaucoup plus efficaces.
D’autre part, on essaie également de favoriser l’éclairage naturel au détriment de l’éclairage artificiel, bien évidemment. Le problème, c’est qu’il y a un antagonisme entre la réduction de l’électricité et l’éclairage naturel et puisque la chaleur augmente avec ce dernier : c’est donc un équilibre que le bureau d’étude doit chercher à atteindre.
On peut de même agir sur la couleur des bâtiments puisque l’absorption du bâtiment varie en fonction de cette dernière : l’impact solaire est beaucoup moins important pour le blanc, dont les longueurs d’onde réfléchissent les rayons lumineux.
Ces démarches bioclimatiques sont de plus en plus adoptées par les bailleurs sociaux, qui n’utilisent généralement pas de climatisation dans leurs logements, de même pour les bâtiments scolaires. »
Les campagnes gouvernementales incitant à construire durablement et acheter des équipements plus performants, ajouté aux nombreux projets de parcs éoliens et centrales solaires sont certainement des signes d’optimisme quant à l’atteinte de l’objectif d’autoconsommation à l’horizon 2030.
Cependant, il reste des efforts à faire pour encourager l’autoconsommation photovoltaïque puisque la production injectée au réseau est limitée du fait de son caractère intermittent et des coûts de rachat en constante diminution…
COMMENTAIRES
Ayant eu l’occasion de visiter ces territoires éloignés de la métropole à différentes périodes, je me suis vite rendu compte que l’éolien et surtout le solaire étaient là bas des ressources bien plus abondantes qu’en métropole. Et je m’étonne du peu d’investissement en ce sens quand je vois du 6 et 7 % dans le solaire, je crois rêver un cauchemar.
Et je ne parle pas du géothermique d’iles volcaniques qui bouillonne à ….. Bouillante sous les yeux d’aveugles
Le solaire, comme l’éolien, c’est intermittent. Les réseaux non interconnectés de ces territoires ne sont pas adaptés pour accepter un taux de production électrique intermittente trop important. Il faut faire du stockage ce qui augmente les coûts (batteries…).
Il faut aussi prendre en compte les freins politiques. Par ex. pour le photovoltaïque en Martinique, « la CTM est opposée à des installations au sol présentant pourtant les coûts de production les plus faibles » (source : Évaluation des gisements et des modes de production de la biomasse pour la production électrique dans les zones non interconnectées – http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/evaluation-des-gisements-et-des-modes-de-a2694.html). Du coup il ne reste plus que les toitures, mais qui est prêt à payer ?
Permettez moi de vous corriger, ce ne sont pas des intermittents mais des variables.
Que le stockage augmente le prix n’est pas un scoop mais ça aussi c’est enfoncer une porte ouverte. Quand on n’est pas producteur de pétrole, l’acheter à l’esterieur augmente aussi le prix. Ce n’est donc pas un argument recevable. La seule question est : de combien cela augmente t il le prix.
Répondez donc à cette question pour savoir si c’est solutions ne sont pas applicables. Le reste est du boniment de vague sensation
@Serge Rochain. Vous jouez sur les mots, intermittents/variables, ça signifie la même chose, sans soleil ou sans vent, il n’y a pas de production, et donc ce sont bien des sources qui ne produisent pas en permanence.
Par ailleurs, l’objectif de mon message précédent était de fournir des pistes de réflexion pour répondre à votre étonnement de voir si peu d’investissements dans le solaire et l’éolien en Outre-mer alors que vous vous étiez rendu compte que là bas ces ressources étaient « bien plus abondantes qu’en métropole ». Je n’ai jamais dit que ces solutions n’étaient pas applicables, seulement qu’il y a des freins techniques, économiques et politiques qui expliquent pourquoi ça ne se développe pas aussi vite qu’on pourrait le souhaiter ou l’imaginer.
Demandez à ceux qui payent (en Outre-mer, EDF SEI) ou à ceux qui régulent le prix de l’électricité, si devoir l’acheter plus cher, même de quelques centimes du kWh, n’est pas un argument recevable. Sinon pourquoi par exemple EDF aurait pour projet de mettre en place une centrale au fioul en Guyane alors qu’il y a du soleil, de la biomasse, et probablement aussi du vent ?
Je ne joue pas sur les mots, je respecte seulement la définition des mots, c’est-à-dire ce qu’ils veulent exactement dire, surtout lorsque la différence entre l’à peu près et l’exact est important.
Une production intermittente, ça produit ou ça ne produit pas. Une production variable, ça produit plus ou moins, ce qui est le cas de l’éolien et solaire.
Quant aux freins techniques, économiques, et politiques, ce n’est pas l’apanage de l’insularité ou de l’outre-mer d’une façon générale. Nous avons cela aussi en France métropolitaine, La preuve ? La France est le pays d’Europe le mieux placé pour profiter de l’éolien en mer avec trois façades maritimes et nous n’y avons pourtant aucune éolienne. Quant à se demander pourquoi ceux qui installent et fournissent (et pas ceux qui paient qui sont toujours les clients) si devoir l’acheter plus cher n’est pas un argument recevable certes, il l’est mais qu’est-ce qui vous permet de dire que c’est pour cette raison que ce n’est pas l’éolien et/ou le solaire qui ont été choisi plutôt que qu’une centrale au fioul ?
La centrale au fioul est surtout une solution de facilité, celle que l’on connait, celle qu’on a déjà installé partout depuis des décennies…. je pense que ce sont surtout là ces avantages. Sinon pourquoi ailleurs là où le Soleil est moins généreux et où il est plus facile et moins cher de se procurer du fioul la solution solaire est aujourd’hui retenue ?
Vous citez notamment EDF, pour qui solaire et éolien sont les ennemis à abattre car c’est surtout le concurrent du nucléaire, le premier depuis qu’il a installé sa suprématie en France métropolitaine. Si je m’étonne qu’il soit fait si peu appel au solaire et au vent aux Antilles, je ne m’étonne pas du tout des choix que peut faire l’EDF quant ces ressources sont pourtant disponibles.