Energie et climat: coup de chaud au Sénat sur les « passoires thermiques »
Incitation contre coercition: le dossier des « passoires thermiques », ces logements énergivores qui concernent quelque sept millions de ménages, a enflammé les débats au Sénat sur le texte énergie et climat, examiné en première lecture depuis mardi 16 juillet 2019.
L’Assemblée, après des débats tout aussi animés, avait adopté fin juin un compromis, avec des mesures progressives envers les bailleurs ne rénovant pas ces logements mal isolés.
Selon ce dispositif, après une première phase « incitative » qui visera notamment à « simplifier les dispositifs d’accompagnement » à la rénovation, s’ouvrira en 2023 une « phase d’obligation » de travaux jusque fin 2027. A partir de 2028, le non-respect de l’obligation sera rendu public notamment dans les annonces immobilières, et d’autres sanctions graduées seront mises en place.
La révision du loyer, en cas de travaux, sera conditionnée à l’atteinte d’un certain niveau de performance, et un audit énergétique devra être réalisé pour les logements très énergivores en cas de vente ou location.
En commission, les sénateurs ont privilégié l’information et l’incitation, rendant certaines obligations plus progressives. En séance publique, la gauche, mais aussi des sénateurs centristes et Indépendants sont passés à l’offensive, obtenant l’adoption, dans la nuit de jeudi à vendredi, contre l’avis du gouvernement et de la commission, d’amendements définissant un seuil de consommation énergétique maximale au-delà duquel un logement serait considéré comme indécent.
Les amendements identiques de Jean-François Longeot (centriste), Franck Menonville (Indépendants) et Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) ont été adoptés par 174 voix pour et 168 voix contre. Ils visent, à compter de 2023, les logements de catégories F et G que le gouvernement s’est engagé à éradiquer d’ici 2028. « Voilà au bas mot 500.000 logements en moins », a réagi la présidente LR de la commission des Affaires économiques Sophie Primas, tandis que la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne estimait que cette mesure « vient brouiller les critères de décence ». Répondent à ces critères de performance énergétique « de nombreux logements du bâti haussmannien non rénovés, qui sont énergivores, mais qui ne sont pas indécents pour autant », a -t-elle souligné.
« Les passoires thermiques conduisent aux logements insalubres, c’est une réalité ! », s’est exclamée Samia Ghali (PS).
Mme Borne a ravivé les braises jeudi 18 juillet au matin, évoquant « un certain nombre d’amendements qui ont été votés hier qui ne reflètent sans doute pas la position du Sénat ».
« Les votes d’hier reflètent les votes de parlementaires en toute indépendance, qu’ils vous plaisent ou qu’ils ne vous plaisent pas », a rétorqué M. Gay.
« On a tous compris le message adressé au gouvernement: +faire plus et plus vite+ », a temporisé le rapporteur Daniel Gremillet (LR), tandis que Marie-Noëlle Lienemann (CRCE) parlait d’un « appel politique ».