Energies fossiles: le Sénat adopte le texte après l’avoir profondément modifié
Le Sénat, à majorité de droite, a adopté mercredi en première lecture le projet de loi mettant fin à l’exploitation des hydrocarbures en France en 2040 après l’avoir profondément modifié, contre l’avis du gouvernement.
Déjà adopté par l’Assemblée nationale, le texte va faire à présent l’objet d’une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune aux deux chambres. En cas de désaccord, probable, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot et devrait rétablir sa propre version.
Le texte réécrit par le Sénat a été voté par 190 sénateurs, LR et centristes, 141 étant contre (socialistes, RDSE, à majorité radicaux, LREM, CRCE, à majorité communistes, et indépendants).
La rapporteure de la commission des Affaires économiques Élisabeth Lamure (LR) avait estimé qu’en interdisant une production nationale qui couvre à peine 1% des besoins de la France, « le gouvernement a choisi le symbole au détriment de l’efficacité » et qu’une autre voie était possible pour agir sur le climat, consistant « à cibler, avant tout, la consommation ».
« Vos arguments sont recevables individuellement, mais pas quand on se tourne vers l’avenir », a déclaré à l’issue du scrutin le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. « Je suis inquiet parce que nous sommes dans un moment déterminant et que nous avons déjà attendu », a-t-il dit.
« Je pense aussi aux pays déjà impactés et j’ai du mal à assumer le message qu’on leur envoie », a-t-il ajouté.
Le projet de loi prévoit d’amorcer la sortie progressive de la production d’hydrocarbures en France à l’horizon 2040 en n’attribuant plus de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures et en ne prolongeant pas les concessions d’exploitation existantes au-delà de cette date.
En commission, les sénateurs avaient déjà prévu que la loi ne s’appliquerait qu’aux demandes déposées après le 6 juillet 2017, soit la date du plan Climat, et autorisé certains usages dits « vertueux ».
En séance, ils ont aussi introduit une dérogation pour les outre-mer, les autorisant à délivrer de nouveaux permis exclusifs de recherche en mer et à prolonger, sans date butoir, les concessions existantes.
« Le texte a été défiguré par la majorité sénatoriale », a accusé Roland Courteau (PS). « Vous avez multiplié les dérogations », a-t-il poursuivi. « Autant de chevaux de Troie pour ceux qui veulent que rien ne change ».
Pour l’écologiste Ronan Dantec, le débat « a montré les climato-sceptiques, les climato-fatalistes et les climato-égoïstes ».
« C’est une occasion encore ratée », a déploré Fabien Gay (CRCE). « Derrière le consensus de façade sur l’urgence, il y a de profondes divergences ».
François Patriat (LREM) a lui aussi dénoncé de son côté un texte « dénaturé » tandis que Jérôme Bignon (Indépendants) exprimait sa « déception ».
« Notre travail est un travail de pragmatisme », a tenté de justifier la présidente de la commission des Affaires étrangères Sophie Primas (LR). « Tous ce qui est excessif est appelé à être rectifié », a-t-elle ajouté, faisant allusion à l’annonce par M. Hulot que la France ne tiendra vraisemblablement pas l’objectif de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% en 2025, contenu dans la loi de transition énergétique.