Paris, une capitale de plus en plus agricole
Les fermes urbaines sont en plein développement dans la capitale. Plus qu’une mode, c’est un changement économique et anthropologique majeur qui vise le retour à une agriculture de proximité avec une empreinte sur l’environnement réduite à son minimum. Les projets fleurissent, les start up se multiplient et des projets d’aménagements urbains comme Europacity proposent désormais des fermes urbaines.
Une ferme en pleine ville ? L’idée est bien moins saugrenue qu’il n’y paraît. On assiste en effet à une « renaissance de l’agriculture en ville, car en réalité de tout temps, les villes se sont construites sur des territoires fertiles où l’on pouvait produire de quoi nourrir les habitants », explique Grégoire Bleu, président de l’Association française d’agriculture urbaine professionnelle. Les chiffres avancés par l’Atelier parisien d’urbanisme le confirment : en 1730, la nature occupait 73 % du territoire actuel de la capitale.
Certes, nos villes ont considérablement évolué depuis le 18e siècle. Mais à mesure que le phénomène d’urbanisation s’accélère, « le besoin de se reconnecter au vivant », selon la formule de Grégoire Bleu, devient de plus en plus pressant.
Cela explique la multiplication des projets innovants, portés par les pouvoirs publics, la société civile ou les nouveaux entrepreneurs. Comme on a pu le constater lors de la dernière édition du Salon international de l’Agriculture, à Paris, de plus en plus de start-up misent sur l’agriculture urbaine.
Fondé en 2015, le réseau de serres connectées MyFood se sert des dernières technologies pour aider ceux qui rêvent de produire leurs propres fruits et légumes. Fin 2017, la start-up revendiquait 60 serres déployées dans sept pays.
De son côté, Bacsac encourage les citadins à cultiver leurs propres jardins malgré l’absence d’espaces verts à disposition. La société a développé un « contenant intelligent » qui enveloppe la plante de plusieurs couches de feutres hydrophiles en protégeant les racines.
Tout reste à inventer
Pour l’instant, « il n’y a pas de modèle économique totalement établi », commente Christine Aubry, ingénieure de recherches à l’INRA/AgroParisTech. « Les entreprises qui s’en sortent sont de deux catégories : celles qui misent leur modèle économique d’abord sur la vente de la production et ont su valoriser dans des marchés de niche une production de grande qualité [et] celles qui misent sur un modèle économique hybride fondé sur la vente, mais aussi et surtout sur d’autres sources de revenus valorisant les attentes urbaines : organisation d’événements, activités de team building… ». On l’aura compris : en la matière, tout reste à inventer.
La bonne nouvelle est que les pouvoirs publics soutiennent de plus en plus les initiatives. La mairie de Paris a notamment lancé, en janvier 2016, les appels à projets « Parisculteurs ». Ils devraient permettre de végétaliser 100 hectares de bâti d’ici à 2020, dont un tiers consacré à l’agriculture urbaine. La start-up Cultivate, qui fait partie des plus récents lauréats, s’apprête à développer une ferme urbaine de 7 000 m2 sur le toit de l’hôtel logistique Chapelle International, un ancien site ferroviaire dans le 18e arrondissement de la capitale. Baptisé « Mushroof », le projet permettra de produire des salades, aromates et fleurs comestibles qui seront ensuite distribués dans les magasins Franprix.
Les grands groupes s’intéressent en effet de près à l’agriculture en ville. Porté par Ceetrus, la filière immobilière du groupe Auchan, et le conglomérat chinois Wanda, le projet EuropaCity prévoit la création d’une ferme urbaine de sept hectares aux abords de la capitale.
Europacity et la ferme urbaine aux portes de Paris
Située dans le prolongement du futur parc urbain, la ferme s’inscrit dans un projet plus large de valorisation agricole et végétale du Triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise. Elle s’intégrera également au projet de territoire « Happy Vallée », porté par le groupe coopératif agricole InVivo.
EuropaCity se présente comme un espace alliant culture, loisirs, commerce et environnement au nord de Paris. S’étendant sur 80 hectares entre les aéroports du Bourget et de Roissy, le projet doit sortir de terre en 2024 et comprendra un parc d’attractions, un parc aquatique, un centre commercial, des salles de spectacles, des restaurants, deux mille chambres d’hôtel et même une piste de ski. Le tout en se voulant « exemplaire sur le plan environnemental ».
EuropaCity se veut en effet « un écosystème urbain emblématique de la transition écologique ». La ferme urbaine permettra notamment de produire des légumes et des fruits, transformés et distribués sur place. Elle alimentera les restaurants et une grande halle gastronomique en circuits courts. De nombreuses activités pédagogiques sont également au programme.
Tous ces projets promettent un bel avenir à l’agriculture parisienne. Certes, « arriver à l’autosuffisance est totalement irréaliste, il faudrait une fois et demie la surface de Paris », reconnaît Pénélope Komitès, maire adjointe en charge des espaces verts et de la nature en ville. Mais les amoureux des toits de Paris devront peut-être s’habituer à les voir verdoyer dans les prochaines années.