Nord stream 2 : l’Europe, théâtre d’un affrontement énergétique entre la Russie et les Etats-Unis ?
Un article du site Fournisseur énergie
Les tensions politiques en Europe sur le projet Nord Stream 2 sont palpables. Ce projet visant à relier la Russie à l’Allemagne par un gazoduc soulève de vives contestations au sein même du continent mais également outre-Atlantique.
Les États-Unis, via le Président Trump, n’hésitent pas à critiquer ce projet visant à assurer l’apport en gaz de l’Allemagne et de l’UE. Mais qu’en est-il vraiment ? Pourquoi Nord Stream 2 est-il autant décrié par des membres de l’Union Européenne et par les Etats-Unis ?
Nord Stream ?
Nord Stream est un gazoduc reliant directement l’Allemagne à la Russie en passant par la mer Baltique. Il permet notamment à la Russie d’approvisionner en gaz, via le géant gazier russe Gazprom, l’Allemagne directement, sans passer par l’Ukraine.
Actuellement, on parle de Nord Stream 1 pour désigner le gazoduc existant et effectif depuis 2012, et de Nord Stream 2 pour parler du projet consistant à construire un gazoduc similaire ayant le même tracé pour doubler l’approvisionnement en gaz (prévu pour 2020).
Les intérêts allemands avant les intérêts européens ?
Le projet est ardemment défendu par l’Allemagne. Aux yeux du gouvernement, ce gazoduc entretiendra une interdépendance et non une simple dépendance, vis-à-vis de la Russie, dans la mesure où la vente de gaz à l’Europe est vitale à l’économie russe.
Cultiver cette politique d’échange apparaît comme le meilleur moyen de limiter les tensions avec Moscou. La relation énergétique entre la Russie et l’UE constitue la condition à la stabilité de la relation politique entre la Russie et l’UE.
Cependant au sein même de l’Union Européenne, le projet se heurte à des résistances. D’un point de vue économique ce projet renforcerait considérablement l’Allemagne, qui concentrerait alors l’arrivée de 30 % des importations européennes de gaz, contre seulement 15 % aujourd’hui via le premier tronçon du Nord Stream.
Les autres principaux points d’arrivée du gaz russe sont la Pologne et l’Ukraine. Des États comme la Slovaquie mettent en avant la perte des revenus de transit qu’engendrerait pour eux Nord Stream 2, qui contourne les États baltes et d’Europe de l’Est.
Cependant, la Commission et le Parlement européen ont trouvé un compromis le 4 avril pour revoir la réglementation sur le transport de gaz. L’objectif est de mieux contrôler les gazoducs qui alimentent le marché européen.
Ce n’est pas dit officiellement, mais la révision de la directive datée de 2009 vise essentiellement la Russie qui couvre environ un tiers des besoins européens en gaz. Cette part pourrait d’ailleurs grimper dans les prochaines années, avec le déclin des gisements en mer du Nord au Royaume-Uni ou en Norvège.
Beaucoup de questions restent malgré tout en suspens, en particulier sur la manière dont Gazprom peut répondre aux demandes européennes de séparer dans Nord Stream 2 ses fonctions de fournisseur de gaz et de gestionnaire du gazoduc.
Un affrontement entre Etats-Unis et Russie ?
Les États-Unis sont toujours très hostiles à Nord Stream 2. Ils l’étaient déjà sous la présidence Obama et ils le sont encore plus avec Donald Trump à la Maison-Blanche. En visite à Varsovie, le 12 février 2019, le secrétaire d’État américain a ainsi affirmé que les États-Unis allaient tout faire pour stopper Nord Stream 2 qui nuit, selon lui, à la sécurité de l’Europe.
Le porte-parole de l’ambassade américaine à Berlin a indiqué que les entreprises impliquées dans le secteur des gazoducs pour l’exportation d’énergie russe s’exposent à des sanctions américaines.
Ce risque de sanctions est prévu par la “Loi sur les sanctions pour lutter contre les adversaires de l’Amérique » (CAATSA), adoptée en 2017 et qui vise l’Iran, la Corée du Nord et la Russie. Des sanctions contre le groupe industriel français Engie sont donc à prévoir.
Le projet Nord Stream 2 soulève d’importantes questions d’ordres géopolitiques. Quand on connaît l’importance stratégique qu’est l’énergie, la question de l’approvisionnement en gaz de tout un continent est crucial.
Mais pourquoi autant de polémique pour ce deuxième gazoduc ? Nord Stream 1 avait en effet suscité nettement moins de contestations et de divisions.
C’était cependant avant l’annexion de la Crimée, l’assassinat de l’ex-espion Russe Skripal à Londres, et les ingérences répétées de Moscou dans les élections américaines et du Brexit.
En somme, la Russie n’est plus un partenaire aussi fréquentable. Mais elle reste un partenaire obligé, car l’Union Européenne lui achète 30% de ses besoins en gaz.