La France, la locomotive des bâtiments intelligents
Le Monde de l’énergie est partenaire des Universités d’été de Smart buildings for Smart cities, le rendez-vous incontournable du bâtiment intelligent dans la ville durable. Interview d’Emmanuel François, président de la SBA.
Cette année direction la Belgique pour les universités d’été. Pourquoi Bruxelles ?
C’est un pari et une stratégie car nous lançons la SBA internationale, qui sera basée à Bruxelles et va représenter au niveau mondial l’organisation pour parler aux différents organismes internationaux et notamment la Commission européenne.
Vous êtes devenu en quelques années un acteur incontournable du bâtiment intelligent. Vous parlez d’internationalisation, mais quels sont les autres axes de développement, vos prochains défis ?
Nous sommes sollicités par des acteurs internationaux pour apporter nos référentiels à l’international. On a signé récemment avec l’organisation des télécoms américaine, et la Fédération chinoise des promoteurs immobiliers. Actuellement on a une délégation pilote en Chine. On est en relation avec une marque Living made in Germany, une organisation qui dépend directement du ministère de l’Economie allemande.
Et puis on voit que notre cadre de référence « Ready2Services (R2S) » intéresse de plus en plus des acteurs internationaux et d’autres pays. Et comme le numérique c’est quelque chose de très évolutif et dynamique, l’idée est d’aboutir à un standard mondial qui s’auto-enrichit au fur et à mesure.
On parle souvent de transition énergétique d’un point de vue franco-français. Mais la transition énergétique est mondiale. Quelle est la place du bâtiment dans ce contexte de transition énergétique ?
C’est un vrai sujet. Je milite en faveur du big bang de la transition numérique combinée à la transition énergétique. Mon objectif est de dire qu’il ne faut pas attendre, il faut un plan dès 2020. Il faut un plan en Europe à l’international pour déployer dans tous les bâtiments, et en partie les bâtiments résidentiels, une infrastructure numérique unique. Je ne parle pas ici simplement des logements connectés.
On amène aujourd’hui Internet et l’IP dans tous les bâtiments de France au même titre qu’il y a 120 ans lorsqu’on a déployé le système électrique et le courant. Et là l’objectif c’est d’apporter une infrastructure unique ! C’est là un usage majeur qu’aujourd’hui les industriels ne veulent pas forcément comprendre.
On a demandé aux opérateurs de gérer ces données brutes et de mettre en place une infrastructure pour capter ces données. Je pense ici aux Linky, Gazpar, et autres compteurs à eau Véolia etc. C’est compliqué parce qu’en fait c’est un coût important et donc ces opérateurs, pour justifier de récupérer ces données et l’investissement qu’ils mettent en place, disent que dans ces cas là autant récupérer d’autres données du bâtiment que celles uniquement relatives à nos compteurs.
Et c’est bien cette question des données qui pose problème aux usagers. Avec ce que préconise la SBA, un réseau et un système d’exploitation uniques du bâtiment vers lesquels convergent toutes les données, les usagers y trouveront leur compte.
Ces compteurs doivent utiliser ce réseau propre et unique du bâtiment au même titre que les acteurs de l’ascenseur, de la chaufferie, du contrôle d’accès ou que tout ce qui est relatif à la sécurité du bâtiment au confort.
Cette infrastructure va être mise en place au même endroit simultanément ou concomitamment avec des solutions d’économie d’énergie qui utiliseront des systèmes compatibles avec le référentiel « R2S ».
On pourra par conséquent ensuite mutualiser cette infrastructure et également les équipements pour déployer d’autres services à coût marginal comme par exemple la maintenance des ascenseurs, le contrôle d’accès, l’assistance aux personnes dépendantes sur un logement, la sécurité des biens et des personnes notamment pour réduire les sinistres dans les habitations ou les prévenir.
C’est ce que j’appelle le Big Bang évoqué aux universités d’été.
Cette initiative ne peut marcher qu’à partir du moment où il y a un cadre de confiance numérique, en l’occurrence le référentiel « Ready2Services » qui garantit la sécurité des systèmes d’ouverture des données et l’interopérabilité.
La France est-elle un modèle à suivre sur toutes ces questions de bâtiments intelligents ?
Je pense qu’avec la SBA, nous avons un train d’avance. Nous lançons l’internationalisation car nous avons des acteurs qui viennent vers nous. En effet, ce travail collaboratif qui a mis tous les acteurs de la chaîne de valeur ensemble, a été entrepris nulle part ailleurs.
Les gros acteurs internationaux veulent que le référentiel « Ready2Services » fasse tache d’huile et s’étende à l’international.
Vous sentez-vous appuyé par les autorités françaises dans votre démarche ?
Oui. Nous avions déjà signé la charte des bâtiments solidaires et urbains avec le Ministère de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, nous avons toujours un contact, plus que jamais. La promesse est là dans un contexte de PPE.
Vous parlez de numérique, mais le numérique n’est-il pas aussi un des enjeux principaux sur la rénovation des bâtiments ou la rénovation énergétique ?
C’est fondamental. Il ne faut pas attendre. Tous les acteurs s’accordent à le dire : il y a un rôle énorme mais cela demande des changements et d’autres positions des acteurs. Le sujet est de savoir qui fait le premier pas et comment on investit. Globalement, sur le résidentiel, c’est entre 150 et 200 euros par logement le coût de cette infrastructure numérique.
Le big bang s’adresse notamment avant tout à la rénovation des logements et du bâti du parc tertiaire. Aujourd’hui j’ai comme objectif de mettre ensemble tous les acteurs de la chaîne de valeur. Pour qu’on réfléchisse ensemble sur les modèles économiques qui vont permettre de réaliser ce déploiement le plus vite possible, et pour que tout le monde s’y retrouve.
Il faut mettre ensemble autour de la table les assureurs, les foncières, les bailleurs, les syndics, les industriels et les énergéticiens.
Qu’attendez-vous de la Réglementation environnementale 2020 ?
Je souhaiterais que la RE2020 soit un élément déclencheur pour justement apporter au plus vite le numérique dans les bâtiments parce qu’il va falloir réduire considérablement la consommation énergétique des bâtiments.
Les solutions qui seront déployées doivent être des solutions qui répondent aux critères « R2S » mais aussi en termes de bilan carbone qui soient plus adaptés. J’y crois beaucoup. Grâce à ça, l’idée est de favoriser par exemple des mesures qui iraient dans une introduction progressive du courant continu dans les bâtiments.
D’autant que les usages changent…
En effet, on va de plus en plus vers une optimisation des espaces et de la mobilité. La valorisation d’un bien immobilier va dépendre bien entendu de sa localisation mais aussi de son aptitude à proposer des espaces multi-usages. Et de ce fait, ça veut dire qu’il faut repenser les bâtiments et l’organisation des espaces. Le numérique a par conséquent tout son rôle à jouer dans le contexte de reconfiguration rapide d’espaces.