Futurs énergétiques 2050 de RTE : le scénario alternatif du Cérémé
Dans un rapport publié ce 24 octobre, le Cérémé (Cercle d’Etude Réalités écologiques et mix énergétiques) conteste les orientations proposées par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » et notamment l’affirmation selon laquelle la France ne peut pas se passer des énergies renouvelables.
Le think-tank propose un scénario alternatif fondé sur la relance du nucléaire civil qui présente, selon lui, le triple avantage d’être plus performant, plus protecteur du climat et plus créateur d’emplois industriels non délocalisables.
« Les classifications utilisées par RTE donnent une image faussée de la réalité des scénarios »
Dans le rapport « Futurs Energétiques 2050 », tous les scénarios sont présentés selon la part des différentes énergies en production électrique moyenne sur l’année. Or, explique le Cérémé, ce qui commande en réalité la sécurité de l’approvisionnement électrique des Français, c’est la production (puissance) disponible pour faire face aux pointes de consommation.
En conséquence, « la présentation de RTE conduit à dissimuler à nos concitoyens le fait que les énergies renouvelables intermittentes, qui dépendent du vent et du soleil, ne peuvent à elles seules garantir leur sécurité d’approvisionnement et devront donc être doublées par des centrales thermiques à gaz, charbon ou fuel en l’absence de solution de stockage pour les quantités requises, viables techniquement, supportables économiquement et acceptables pour l’environnement », accuse le think-tank.
Selon le rapport, le vrai débat citoyen ne doit donc pas porter sur plus ou moins de telle ou telle source d’énergie en moyenne sur l’année mais sur les capacités à mettre en place pour faire face aux pointes de consommation et sur l’acceptabilité de coupures forcées d’électricité rendues inévitables par la substitution au nucléaire des énergies renouvelables, qui sont, selon le Cérémé, le vrai nom de ce que le rapport RTE appelle les « bouquets de flexibilité».
« La montée des productions intermittentes […] entraînera une dégradation des émissions de CO2 et une forte dépendance au gaz »
Les 6 scénarios présentés à titre principal par RTE ont en commun de faire croître la part des énergies renouvelables intermittentes (EnRi), telles que l’éolien ou le solaire, dans le mix énergétique français, au détriment du nucléaire.
Or, selon le Cérémé, ce choix aggraverait in fine le bilan carbone de la France dès lors que l’intermittence de ces énergies nécessite d’être comblée par le recours à des énergies fossiles pilotables, comme le gaz ou le charbon, fortement émettrices de CO2.
Il rappelle que l’Allemagne, qui a déjà fait ce choix, est ainsi devenue le pays le plus émetteur de gaz à effet de serre d’Europe et, qu’à l’inverse, le nucléaire et l’hydraulique permettent aujourd’hui à la France d’avoir un mix électrique décarboné à 92%.
Un scénario alternatif fondé sur une relance du nucléaire civil
Le Cérémé propose donc un scénario alternatif « N4 » fondé sur le retour à « une grande ambition industrielle dans le nucléaire civil » qui repose sur trois axes. Le premier axe consisterait en une relance ambitieuse du nucléaire permettant de disposer de 100 à 115 GW en 2050-2060 avec une prolongation du parc actuel au-delà de 60 ans.
Le deuxième axe viserait à conserver une capacité très limitée de centrales à gaz, pour sécuriser le passage des pointes de consommation, qui seraient sollicitées au maximum quatre à cinq semaines par an, pouvant le cas échéant être alimentées en gaz « vert » selon sa disponibilité.
Enfin, le troisième axe repose sur l’arrêt immédiat de tout soutien public aux énergies renouvelables intermittentes, dont la production électrique serait inutile, incapable d’aider à passer les pointes de consommation, tout en étant des installations nuisibles pour l’environnement et un pur gaspillage de l’argent des Français.
« Ce scénario alternatif présente de très grands bénéfices pour la France et pour nos concitoyens, explique Xavier Moreno, président du Cérémé.
Il permet tout d’abord, de répondre de manière crédible à l’électrification croissante des usages et d’éviter une pénurie d’électricité lors des pointes de consommation. Il nécessite des investissements nettement moins élevés que dans les scénarios étudiés par RTE, avec un enjeu d’économies de l’ordre de deux cents milliards d’euros d’argent public ou de prélèvement sur les factures d’électricité. Il permettrait de réduire de plusieurs centaines de milliers de tonnes les émissions annuelles de CO2 et d’atteindre effectivement, en 2050, l’objectif de neutralité carbone. Enfin il aurait un très grand impact positif sur la ré industrialisation de la France , sur son indépendance énergétique et politique, et sur l’équilibre de sa balance commerciale, la croissance et l’emploi».
COMMENTAIRES
En Allemagne la construction de centrale au gaz est prévue pour compenser l’intermittence de l’éolien qui rencontre de plus en plus d’opposants tant pour l’installation des éoliennes que pour les lignes de transport de courant !
En bref, le Cérémé propose la relance d’un nouveau « plan Messmer » (1974) où le pays donnerait les moyens à sa filière nucléaire de reconstruire un parc de production à base de nucléaire, afin d’assurer son indépendance énergétique, et la relance de son industrie, tout en protégeant le pouvoir d’achat des français.
Nos politiques frileux et adaptes du « en même temps » l’entendront-ils ?
Car il faut reconnaître à l’étude de RTE d’avoir été (enfin) menée de manière honnête mais d’avoir, implicitement ou non, intégré la pression des antinucléaires de sa tutelle (ministère Pompili appuyé par les nids d’écolos politiques de l’ADEME et de Négawatt), sur deux points fondamentaux :
– la limitation à 35 % de la progression de la consommation d’électricité d’ici à 2050, alors qu’il est nécessaire de faire des transferts d’usage massif des combustibles fossiles (carburant des véhicules…) vers l’électrique, et qu’il faut réindustrialiser la France. RTE reconnait honnêtement que nos voisins visent 70 à 80 % de progression : alors pourquoi s’est-il bridé à 35 % (réponse : parce que cela favorise les renouvelables)
– la limitation industrielle de la filière nucléaire qui serait, d’après RTE, incapable de construire plus de 14 EPR d’ici 2050 donc de dépasser 50 % du mix. Or cela dépend de la volonté politique nationale (plan Messmer ou non ?), et la prolongation comme aux USA des réacteurs actuels jusqu’à 60 à 80 ans, moyennant une maintenance adaptée, est très envisageable.
Bon, c’est un premier pas, et RTE ne demande probablement qu’à en faire un de plus… si sa tutelle le lui permet.