Le gaz, l’énergie fossile la plus propre et « en même temps » une des plus politisées en Europe
Dans un monde où la communication de très court terme domine et où les « fake news » sont autant diffusées que les autres nouvelles, qui croire ? Faut-il regarder Fox News ou Russia Today pour comprendre les problématiques énergétiques ?
Dans un monde où la transition énergétique est un terme très souvent utilisé mais avec des idées différentes et des arrière-pensées divergentes selon ses auteurs, la question essentielle n’est pas quelles énergies nous utiliserons en 2100 mais la vitesse de ce changement et son impact sur les sociétés énergétiques.
Mix énergétique : quelle place pour le gaz ?
Dans un monde qui se fragmente et se globalise « en même temps », il est intéressant de faire le point sur le gaz, la plus propre des énergies fossiles. Face à l’or noir dont tout le monde prévoit le déclin à plus ou moins long terme et à une énergie nucléaire touchée par la malédiction des coûts croissants, quelle place pour le gaz dans notre futur mix énergétique ?
À un moment où Engie se désengage du gaz tandis que Total et Shell s’y renforcent, il est intéressant d’analyser la stratégie du plus gros producteur mondial, le russe Gazprom.
Dans un monde incertain où même les frontières peuvent être redessinées, l’Europe doit-elle se rapprocher davantage de son voisin russe pour son approvisionnement énergétique ou, au contraire, opter pour l’option nouvelle proposée par son allié américain ? Quels impacts géopolitiques ? Quelles conséquences pour les prix de l’énergie et la compétitivité de notre économie ?
Dans une Europe divisée sur l’attitude à adopter face à la Russie, seule la combinaison de la compréhension des enjeux géopolitiques et économiques permet de comprendre la position russe qui doit refléter les volontés souveraines d’un état producteur et les capacités financières d’une compagnie cotée en bourse.
Quelle stratégie adopter à court terme ?
L’erreur de nombreuses analyses est de se focaliser sur une seule dimension. À l’heure où la Commission Européenne essaye de trouver une position commune face au projet Nord Stream 2 qui pourrait augmenter les capacités d’acheminement du gaz russe en Allemagne en évitant le transit historique via l’Ukraine, il est essentiel d’avoir les données chiffrées pour comprendre les enjeux…
Faute de réformes rapides, le statu quo post-2020 du transit gazier via l’Ukraine semble improbable. Le projet d’acheminement direct Nord Stream 2 pourrait alors sembler une bonne option ; mais avec une part de marché dans l’UE-27 atteignant déjà 35% en 2016 et une forte croissance de ses exportations européennes en 2017, Gazprom pourrait se trouver dans une position dominante.
Les consommateurs qui ont toujours intérêt à faire en sorte que le marché soit le plus concurrentiel possible doivent donc maintenant réfléchir à la meilleure stratégie à l’horizon 2025 pour éviter des prix trop élevés.
Dans nos démocraties, nous pouvons changer de politiques régulièrement mais nos choix énergétiques nous engagent sur des décennies, il est donc important de les avoir longuement mûris !
Thierry Bros est coauteur du livre Géopolitique du gaz russe (Editions L’inventaire)