Les gestionnaires de réseaux de distribution sont-ils dans un monde sans concurrence ?
Dans notre esprit, tout semble clair, les gestionnaires de réseaux de distribution (GRDs) appartiennent au monde régulé, restent donc en situation de monopole et sont sans concurrence.
La situation est-elle aussi claire et limpide que cela ? Va-t-on voir les gestionnaires de réseaux ressembler dans les prochaines années aux énergéticiens d’hier ?
Même si la réglementation conserve les GRDs dans un environnement qui semble protégé, plusieurs facteurs les confrontent à des caractéristiques du monde concurrentiel.
Les GRDs sont de plus en plus soumis à une pression sur la performance
Ce sont les facilitateurs de la transition énergétique. En effet, leur adaptation à des taux de pénétration des énergies intermittentes, renouvelables conditionne la rapidité des réponses aux demandes de raccordement de nouvelles installations de production et le coût de ces raccordements.
On commence à observer des réponses trop lentes, des coûts fréquemment élevés qui font apparaître les GRDs responsables comme des obstacles à la transition énergétique, situation acceptable ni par les citoyens ni par les dirigeants publics.
Les GRDs ont de plus une difficile équation économique à gérer : ils ont de plus en plus d’investissements à assurer : le traditionnel renouvellement des actifs électrotechniques, la digitalisation du réseau pour pouvoir gérer des ressources de plus en plus distribuées, les infrastructures de gestion de données, des infrastructures de recharge de véhicules électriques, le traitement des congestions etc…
La répercussion de ces investissements sur le cout de l’énergie, ne peut, pour des raisons politiques évidentes, augmenter significativement et la consommation globale sur laquelle ils sont répartis croît moins vite voire diminue.
Cette situation émergente n’a pas vocation à être temporaire et pousse les GRDs à la recherche de productivités.
Les GRDs sont stimulés par comparaison
Si les GRDs ne sont pas directement en concurrence, ils sont comparés. Dans les pays où le marché est fragmenté, avec des GRDs par région, villes ou villages comme l’Autriche, l’Allemagne, la Suède, la Norvège et bien d’autres, les instances nationales ont tendance à comparer les performances des GRDs et à les publier. Personne n’aime être mis à l’index.
Mais ils ne sont pas à l’abri d’une vraie concurrence
Il y a également des domaines sur lesquels les GRDs pourraient, selon l’évolution de la réglementation, se trouver en situation de concurrence : l’exploitation des microgrids, notamment des microgrids d’éco-quartiers pourraient revenir à des opérateurs multifluides, privés, avec un sens du service développé ; le déploiement et l’exploitation des bornes de recharge de véhicules électriques placées sur la voie publique ne leur sont pas réservés ; quand ils en sont en charge, la gestion des communautés d’auto-consommation ne leur est pas durablement attribuée etc…
Je ne suis pas exhaustif dans mes listes mais ce que nous venons de partager plaide pour une transformation en profondeur des gestionnaires de réseaux. Leur modèle d’affaires est probablement à revisiter et à adapter.
Dans leur cas, le monde régulé pourrait bien être une garantie partielle de monopole : les gestionnaires de réseaux subiront, eux aussi, les effets de la révolution énergétique.
COMMENTAIRES
Intéressante et stimulante réflexion. Un constat reste d’actualité cependant contre vents et marées : l’électricité française est presque totalement décarbonée, elle est peu chère et de très bonne qualité (moins de 60 mn de temps de coupure moyen chaque année et des écarts entre territoires qui se réduisent). Un satisfecit non entièrement imputable aux seuls GRD bien sûr mais qui ne plaide pas forcément pour les impliquer dans une « révolution » toujours risquée à entreprendre quand les choses vont plutôt bien…