“Green washing” et “nuclear bashing” mieux qu’une homophonie !
Alors que sans surprise la COP25 piétinait à Madrid, des débats surréalistes se tenaient à Bruxelles pour savoir s’il faut, ou non, compter l’électronucléaire dans la panoplie déjà si peu garnie des outils de lutte contre le changement climatique.
Opportuniste, la mouvance écologique, requinquée par les urnes, est prête à verdir le gaz naturel pour le proposer en substitut transitionnel.
Sur place, le Président Macron s’est fendu d’une molle déclaration pro-nucléaire, mais il faudra plus que des petites phrases pour inverser l’image « has been » dont ses contempteurs affublent la filière. Au passage, quel contresens et quel anachronisme !
Faux dilemme
Dès lors, peut-on dans ce contexte interlope tenter d’éliminer d’emblée le seul levier capable de produire en abondance et à la demande une électricité décarbonée, l’électricité justement, l’alternative de choix à maintes activités s’appuyant sur des sources fossiles (chauffage, climatisation, mobilité, process industriels,…).
La réponse à la question est hélas oui ! Tous les prétextes étant bons pour chercher à exclure le nucléaire et le premier saisi est évidemment qu’il ne faut pas vouloir contrebattre la peste climatique par le choléra atomique et qu’avoir les deux, simultanément, comme aujourd’hui, est une situation intenable dont il faut sortir au plus vite.
C’est mot à mot la litanie de Greenpeace, laquelle multinationale pèse lourd par sa puissance de lobbying, mais d’autres intérêts, sans doute liés, sont en embuscade.
Parmi les moyens à convoquer pour lutter contre le changement climatique, l’Europe s’interdit logiquement d’utiliser « un remède qui serait pire que le mal », tout processus qu’elle envisage de soutenir devant être estampillé « harmless » pour la planète.
Et c’est là que, sans vergogne, on fait un très grand écart pour considérer que les déchets radioactifs produits par l’électronucléaire sont une menace suffisamment grave pour relever des interdits précités.
Peu importe que les déchets produits par les réacteurs et le cycle du combustible représentent un volume très limité et surtout que des solutions existent pour protéger efficacement et de manière pérenne les populations de la radioactivité qu’ils portent. A défaut de vrais arguments, c’est la dimension éthique « du legs empoisonné aux générations futures » qui est brandi par les opposants.
Mais qu’on doive changer de registre, quand celui de la rationalité montre trop bien l’évidence, prouve la faiblesse insigne des arguments produits.
Plus prosaïquement, pour que l’électronucléaire ne puisse se pérenniser, quoi de mieux que de brouiller son image afin d’en détourner les jeunes générations d’ingénieurs et de techniciens et de lui interdire tout futur en lui coupant les subsides, après l’avoir tant agoni.
Procrastination
Le changement climatique constitue, à une échelle inédite, un héritage empoisonné qu’on enrichit chaque jour par atermoiement et tandis qu’on ergote ici et là, on constate dans le même temps une nette dérive planétaire des émissions de GES.
Si l’Europe fait un petit peu mieux que l’ensemble, ce résultat modeste dont la pérennité n’est nullement garantie, n’est pas du tout à l’échelle des changements présentés -a minima- comme indispensables.
Certes, pour sauver la face, sinon la planète, on déclare solennellement « l’urgence climatique » et la visée d’une neutralité carbone en 2050 ! Une échappée par le haut, qui n’augure en rien qu’elle sera belle, un engagement qui en fait engage bien peu !
Chimère
Comment imagine t-on y parvenir ? Pour la partie production d’électricité, c’est via le mythique levier du 100% renouvelables, un objectif qu’en France, la ministre en charge a imposé à la réflexion du Président d’EDF, lequel montrait quelques velléités à vouloir poursuivre les errements nucléaires.
L’ADEME (1), la première, a popularisé cette chimère, s’attirant les vives critiques des professionnels, lesquels ont pointé l’irréalisme des hypothèses utilisées qui entre autres supposaient une frugalité draconienne et une discipline parfaite des consommateurs.
Mais c’est surtout le risque d’instabilité d’un tel réseau, sans inerties électriques suffisantes, qui était souligné.
Cependant, ces mises en garde sont restées ignorées et le mirage continue à prospérer influençant les visions de long terme. Ainsi, à côté d’objectifs toujours revus à la hausse en matière de réduction des émissions de GES, l’Europe continue d’en afficher d’autres, impressionnants, en matière de déploiement d’EnR électriques, ce qui montre, au passage, qu’on ne doute nullement d’une efficiente relation de cause à effet.(2).
Mais mettre massivement en lice des productions aléatoires et intermittentes, en l’absence de stockage, encore hors de portée pour longtemps (et dont on peut même douter qu’on n’y parvienne jamais, dans des conditions pratiques et économiques acceptables (3)), implique qu’on doive s’appuyer sur des moyens capables d’assurer la base manquante, ainsi que la servitude (+/-) imposée par la partie fluctuante de la production.
Métamorphose
Hors le recours au nucléaire, on voit mal comment réaliser cette contribution importante (volume, souplesse) sans émission de CO2, mais c’était sans compter sur une métamorphose !
Le gaz naturel et pas seulement le biogaz (dont l’usage restera probablement marginal) vient en effet de se voir reconnaître des atouts écologiques. Au motif que sa combustion, qui produit pourtant beaucoup de CO2 (400g/kWh d’électricité), en émet moins que celle du charbon (1000g/kWh d’électricité), substituer le premier au second devient donc un geste écologique, ce qu’il est assurément !
Comme tout devient relatif, le gaz naturel fera partie demain de la panoplie des sources vertueuses, qui deviendront même vertes quand l’opinion constatera que c’est finalement le gaz qui se substitue au nucléaire (lequel n’émet pourtant que 7g de CO2/kWh d‘électricité), car contribuer à son étrécissement vaut « label vert » à tout acteur.
Gageons de plus que le qualificatif « naturel », désormais toujours associé au gaz et qui est si émollient pour l’esprit critique, jouera pleinement son rôle.
Grand remplacement
En Allemagne on programme la fin immédiate du nucléaire et fin lointaine du charbon et en France, la fin immédiate du charbon et fin lointaine du nucléaire, ainsi, chacun à son aune associe les deux filières dans une aversion commune, laquelle va appeler des retraits d’exploitation et des moyens de substitution.
Dans le futur décrit, c’est donc le gaz naturel qui tirera les marrons du feu, sans coup férir d’ailleurs, tant l’affaire paraîtra logique.
Mais en conséquence, c’est l’Europe toute entière qui verra ainsi son degré d’indépendance énergétique, déjà préoccupant, s’éroder davantage en devenant encore plus russo-dépendante. Mais ce pessimisme nie sans doute par trop les vertus positives du doux commerce.
A propos, quand la France, de la décennie 70, a fait le choix nucléaire, ce n’était certes pas pour des raisons climatiques, une préoccupation encore dans les limbes mais en aval des crises pétrolières, avec le souci d’accroître son indépendance énergétique.
L’image du « tout uranium importé » brandie en contre par les écologistes, pour réelle qu’elle soit, ne résiste pourtant pas à une analyse plus poussée de son implication effective.
Plus que d’autres pays d’Europe, la France a bien à perdre à cette mutation, troquant une part de son électricité nucléaire nationale et CO2-free pour une électricité gazière importée et émettrice, une perspective réjouissante s’il en est, idéologie quand tu nous tiens !
Cette mutation ne se fera évidemment pas à coûts constants, fermer des centrales nucléaires en état de marche et possédant encore du potentiel (Cf leurs homologues américaines de même génération) et construire parallèlement de puissantes centrales à cycle combiné gaz n’ira pas sans d’importantes dépenses.
Par ailleurs, ces centrales conçues pour produire en base ou en semi-basse fonctionneront loin de leur optimum, devant se livrer à des acrobaties permanentes pour « suivre » les renouvelables, ce que permet leur technologie, mais au détriment de leur efficacité économique.
Statu quo instable
Aux dernières nouvelles, à Bruxelles, le nucléaire a gagné un répit, il ne sera pas mis de suite au ban des énergies inéligibles à un soutien de l’Europe en matière de lutte contre le changement climatique.
Aller contre les avis du GIEC et de l’AIE qui ont déjà reconnu son rôle insigne et appellent implicitement à son développement était en effet difficile. Mais soyons-en certains, cet argument en défense sera à nouveau attaqué et comme le son des trompettes peut suffire à détruire des remparts, la stridulation de celles des verts pourrait bien se montrer perçante.
En attendant, par cette même porte qui lui était légitimement ouverte compte tenu de ses performances en matière de rejets GES évités, le nucléaire voit s’engouffrer le gaz naturel paré de vertus qu’il n’a pas.
Ainsi vont les marchandages qui montrent et avec quelle évidence, que l’évolution du climat en est clairement la grande oubliée (4) et qu’elle sert juste à alimenter les convoitises.
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(1) :ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie.
(2) Le récent rapport de la Commission Aubert (doc 2195 de l’AN) montre qu’en France au moins l’important développement des EnR électriques est sans effet sur les émissions de CO2 du secteur électrique (dont acte, mais personne n’en tire les conséquences).
(3) : même si d’aucuns pensent que les batteries des véhicules électriques appelées à constituer après demain les gros bataillons automobiles, peuvent être le réservoir recherché. Mais réfléchir juste un moment à cette séduisante martingale en montre assez vite les limitations intrinsèques.
(4) : lire à cet égard l’excellente analyse « le conflit franco-allemand » parue dans European scientist sous la plume de Jean-Pierre Riou
COMMENTAIRES
juste en parlant de « chimère » une petite indication :
la californie, le nevada, le nouveau mexique ou l’état de washington ont tous INSCRITS DANS LA LOI une transition énergétique vers 100% de renouvelables
source : https://www.sierraclub.org/ready-for-100/commitments
sont ils fous? suivent ils des chimères?
vu la puissance de leurs économies, leurs capacités d’innovation en étant maisons mères de plusieurs des meilleurs starts ups mondiales, je ne pense pas
ils s’appuient juste sur deux facteurs :
– l’économie, qui prouve toujours plus l’intérêt des renouvelables&batteries par leurs couts sans arrêt en baisse
– la technologie qui évolue positivement pour des taux de charges et une prédictabilité en amélioration constante.
il n’y a qu’en France qu’on a un amour démesuré et parfois irrationnel du nucléaire et un aveuglement à voir des perspectives meilleures
Tien encore un nucléocrate qui sent que ça tourne mal pour son joujou atomique
Il faut quand même en tenir une sacré couche pour feindre de croire que certains pensaient que le recours aux ENR allait diminuer le CO2 ?????
Pour l’éclairer, car il en a sérieusement besoins ce Gerard Petit, on compte sur les ENR pour arréter de produire des déchets millénaires, et annuler le risque que tout ça nous pette à la figure comme l’histoire nous a démonter que c’était possible malgré toutes les assurances données par ces experts du domaine qui flamboyaient encore la veille des catastrophe en clamant qu’ils n’avaient jamais eux d’accidents et qu’ils n’en aurai jamais.
VOILA pourquoi il faut se convertir aux ENR
Tiens, un adepte de la théorie du complot qui voit des nucléocrates partout, au GIEC, à l’IEA, à l’Académie des Sciences et des Technologies, à l’Académie de Médecine, à l’assemblée Nationale etc…http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-enq/r2195-t1.asp
Pour Serge:
Les énergéticiens savent bien qu’il n’y a presque pas de différence en terme d’émissions de CO2 entre des éoliennes et une centrale nucléaire: 11 à 12 g/kW.h. Mais il y a plusieurs différences:
– Les éoliennes coûtent (en terme d’investissements par rapport à la quantité d’électricité produite sur le durée de vie) 5 fois plus cher que les centrales nucléaires qui ont maintenant 40 ans. ça se voit aussi sur le prix de l’électricité.
– Les centrales produisent à la demande, les éoliennes quand il y a du vent.
– Les éoliennes laisseront des pales et des fondations non recyclables et les centrales des déchets nucléaires.
– Quand il n’y a pas de vent, il faut du stock d’énergie pour faire du courant. Le seul moyen de grande capacité sont les STEP mais nos sites en montagne étant déjà équipés, je ne voit plus que les falaises normandes.
Concernant les batteries de voitures, si on les charge et décharge, leur durée de vie va chuter et vous ne pourrez plus rouler quand vous le souhaiterez.
Enfin, je vous propose de regarder (sur electricitymap) les pays qui se sont ultra équipés en éoliennes (le Dannemark par exemple). vous constaterez qu’il émettent 2 à 3 fois plus que la France en CO2 car la régulation de cette production éolienne très rapidement variable ne peut se faire qu’avec des turbines à gaz émettant 20 fois plus que le nucléaire.
Je ne suis pas « pro-nucléaire » mais seulement « énergéticien » et suis bien obligé de faire des constats « physiques »: on veut augmenter la consommation d’électricité avec la mobilité électrique et le chauffage électrique. Nous voudrons tous du chauffage quand il fait froid et pas seulement quand il y a du vent et pouvoir rouler tous les jours. Eh bien, à mon grand regret, il n’y a pas d’autre moyen aujourd’hui de faire moins de CO2 avec des moyens pilotables que le nucléaire.
Avoir des éoliennes en plus pour minimiser les déchets nucléaires les jours ventés, pourquoi pas si nous acceptons de payer deux fois.
Nulle production d’électricité n’est exempte de nuisances.
A ce titre, on ne peut-être ni pro ni anti telle ou telle technologie, on se doit d’abord d’être pragmatique, c’est-à-dire de choisir à une époque donnée (ici, l’anthropocène) en un lieu donné (ici, sans ressources fossiles et peu de naturelles) ce qui est écologiquement supportable, économiquement viable et politiquement avisé pour produire le fluide vital pour nos sociétés qu’est devenue l’électricité.
Mais le nucléaire a un statut à part dans l’opinion, mal né (même si le parallèle civil-militaire est largement impropre) il part avec un handicap qu’il a consolidé avec Tchernobyl et plus récemment avec Fukushima et le risque principal qu’il présente est bien celui d’un accident disséminant des radionucléides dans l’environnement.
La question des déchets est l’autre cheval de bataille des opposants qui en affirmant l’absence de solutions veulent montrer, en creux, l’inanité de toute l’affaire (le cycle n étant pas fermé). Mais c’est un argument rhétorique quand des solutions existent et qu’on ne veut pas les considérer, invoquant des principes éthiques (au passage, une arme à double tranchant).
Quand on qualifie d’irrationnelle l’opposition virulente à l’atome, les tenants rétorquent qu’on a banalisé le niveau des risques induits par la radioactivité, un mot devenu maléfique en soi et toute tentative d’argumenter en défense rebondit sur cette absolue certitude. Pourtant, la question n’est nullement de discuter de nocivité, mais bien plutôt d’efficacité des parades physiques ou organisationnelles qu’on place entre l’homme et le danger. Mais ce champ de discussion étant souvent délégitimé d’entrée, reste juste l’invective, dommage !
Les tous petits problèmes que peuvent provoquer le nucléaire sont sans commune mesure avec le vrai problème de l urgence climatique. Quand des maisons vont brûler en France d ici trois ou quatre ans à l image de ce que nous montre aujourd’hui hui l Australie. On regardera le problème tel qu il est. Un laser est à l etude pour rendre le déchets nucléaires inoffensifs. Les éoliennes en France ne sont pas la panacée. Trop cher et 35 % du temps inactives. Le problème est que quand le vent ne souffle pas à un endroit en France il ne souffle pas beaucoup ailleurs non plus. Le solaire donne encore moins. Le charbon est une plaie pour l environnement. La biomasse est naissante et peu répandue. Donc pas le choix. On a que le nucléaire et les barrages pour faire de l électricité. Avec les voitures électriques qui nous arrivent, on va caler les pâles des ventilateurs si on recharge nos carrosses tous à la même heure…
A Dominique Guérin : Bravo ! Merci pour votre parfaite présentation de la situation.
Entre 2005 et 2018, l’Europe a dépensé plus de 1100 milliards de dollars, principalement dans le photovoltaïque et éolien.
Pour quel résultat? Une forte hausse de la consommation de gaz dans les centrales thermiques.
En 2019, l’Allemagne a importé pour environ 26 milliards d’euros de gaz.
Ensuite, en amont, la production et le transport du du gaz émettent beaucoup de CO2. Surtout en cas de fuite.
Une tonne de méthane a un pouvoir de réchauffement global 28 fois plus élevé en moyenne qu’une tonne de CO2 sur une période de temps de 100 ans.
Ces 1100 milliards de dollars auraient été bien plus utiles pour:
– Généraliser la construction de batiments passifs.
– Remplacer les 169 centrales au charbon sous-critiques par des centrales ultra-supercritiques (avec entre 30 et 40% de CO2 en moins)
– Développer enfin le fret ferroviaire et le fret fluvial qui consomment au moins 2,5 fois de carburtant que le fret routier.