« Habiter Mieux » : un bilan mitigé pour 2016
Le secteur du logement est aujourd’hui l’un des plus énergivores de France : il représente près de 40% de la consommation finale d’énergie et apparait comme une source importante d’émission de gaz à effet de serre. La rénovation énergétique du bâtiment apparait donc comme un axe de travail prioritaire pour lutter contre la précarité énergétique et freiner le réchauffement climatique. À ce titre, le programme « Habiter Mieux » de l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah) vise à améliorer la qualité du parc de logement tricolore et à soutenir financièrement la rénovation du bâtiment. Après plusieurs années de croissance, 2016 marque un ralentissement du nombre de chantiers : avec près de 41.000 logements réhabilités, l’Anah n’a pas atteint ses objectifs en termes de rénovation énergétique.
Favoriser la rénovation du parc immobilier français
L’Anah est un établissement public sous la tutelle des ministères du Logement, du Budget et de l’Économie dont l’objectif est de mettre en œuvre la politique gouvernementale de réhabilitation du parc de logements privés. Depuis plusieurs années, la lutte contre la précarité énergétique et le changement climatique sont inscrits dans les missions prioritaires de l’agence.
C’est notamment pour répondre à ces enjeux qu’a été créé, en 2010, un nouveau dispositif de soutien aux ménages aux revenus modestes baptisé « Habiter Mieux ». Ce programme vise en effet à favoriser les travaux de rénovation énergétique des foyers français en facilitant la modernisation de 50.000 logements par an jusqu’en 2017.
Le programme « Habiter Mieux » poursuit un triple objectif. D’un point de vue social, il s’agit d’améliorer le confort thermique des logements tricolores afin de lutter contre la précarité énergétique et réduire les charges qui pèsent sur les ménages. D’un point de vue économique, il s’agit de faire de la filière de la rénovation énergétique un secteur dynamique créateur de quelques 75.000 emplois (directs ou indirects). Enfin, d’un point de vue environnemental, le programme « Habiter Mieux » ambitionne de lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les consommations énergétiques du bâtiment.
L’Anah se propose d’accompagner les propriétaires dans leurs chantiers de rénovation énergétique. En plus du suivi effectué tout au long du chantier par un opérateur professionnel, cet accompagnement prend également la forme d’une aide financière, possible dès lors que les travaux entrainent des gains énergétiques d’au moins 25%.
Des objectifs loin d’être atteints
Soucieux d’accélérer la réhabilitation du parc tricolore, le ministère du Logement et de l’Habitat durable a décidé de rehausser, en mars dernier, à 70.000 le nombre de logements à rénover tout au long de l’année 2016. Un chiffre qui est malheureusement loin d’avoir été atteint par l’Anah.
Selon son bilan publié le 31 janvier 2017, le programme « Habiter Mieux » a en effet permis d’engager des travaux de rénovation énergétique dans 40.726 logements français au cours de l’année dernière. Un chiffre en dessous des résultats de 2015 et 2014, années au cours desquelles l’objectif initial de 50.000 logements avait été atteint.
Pour Blanche Guillemot, directrice générale de l’Anah, la réforme territoriale et l’émergence des nouvelles régions ont joué en la défaveur de l’action du programme « Habiter Mieux ». « Beaucoup de collectivités locales ont vu leur périmètre modifié en 2016, ce qui a pu susciter des interrogations quant à la pérennité de leur champ d’intervention ». Car, il faut le rappeler, l’implication des collectivités locales est primordiale : ce sont elles qui cofinancent les aides destinées aux propriétaires « très modestes » en octroyant 10% des 18.825 euros d’investissement que nécessitent en moyennes les travaux réalisés.
Reste que la lutte contre la précarité énergétique a représenté plus de 80% des aides aux travaux accordées par l’Anah en 2016. Au total, depuis son lancement, le programme « Habiter Mieux » a permis la rénovation énergétique de plus de 20.000 logements. Soit autant de ménages qui sont aujourd’hui sortis durablement de la précarité énergétique.
L’importance de la lutte contre la précarité énergétique
La vague de froid qui a frappé la France il y a quelques semaines a permis de replacer la question de la précarité énergétique au cœur des débats. Car de plus en plus de ménages français estiment rencontrer des difficultés dans la maîtrise de leur consommation d’énergie : selon l’Observatoire National de la Précarité Énergétique, ce ne seraient pas moins de 5 millions de foyers (soit 12 millions de citoyens) qui seraient touchés par ce phénomène.
On estime qu’un foyer est en situation de précarité énergétique quand la part des dépenses consacrées à l’énergie dépasse 10% des revenus. En 2015, la facture énergétique moyenne d’un foyer s’élevait à 2.861 euros. « Les personnes en difficulté paient souvent beaucoup plus, tout simplement car elles habitent souvent des logements très mal isolés qui coûtent plus chers à chauffer », estime David Boéri, journaliste à France 3.
La France affiche des objectifs ambitieux en termes de lutte contre la précarité énergétique et de rénovation thermique : d’ici 2025, le gouvernement ambitionne de réhabiliter l’ensemble des bâtiments privés ayant une étiquette énergétique F ou G. L’Anah estime à ce titre que la généralisation des aides à la rénovation énergétique, et donc l’atteinte de ces objectifs, nécessite une meilleure information des particuliers. Un argument d’autant plus pertinent que 62% des ménages français méconnaissent les aides au financement des travaux de rénovation énergétique.
L’Anah vise cette année la réhabilitation énergétique de 100.000 logements, grâce à une enveloppe budgétaire de 823,1 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 185 millions d’euros issus du fonds d’aide à la rénovation thermique. Un objectif d’autant plus essentiel que la lutte contre la précarité énergétique constitue une condition sine qua non au succès du nouveau système énergétique que la France déploie dans le cadre de son virage écologique. Un système énergétique qui devra être tout aussi vertueux sur le plan environnemental que social.
COMMENTAIRES
Ce qui est omis dans cet article, c’est que comme les objectifs avaient été dépassés en 2014 et 2015, il y avait une file d’attente fin 2015 et les délégations de l’ANAH freinaient, prenant des mesures restrictives. Celles-ci ont cassé la dynamique avant que les deux ministres n’annoncent le relèvement des objectifs, permettant, mais tardivement et trop tard, de relancer la dynamique.
Illustration des difficultés liées à l’instabilité des politiques publiques.