hydroelectricite cle voute futur mix electrique - Le Monde de l'Energie

L’hydroélectricité, la clé de voûte du futur mix électrique

Une tribune de Roland Vidil, Président de Hydro 21

 

Toutes les prospectives montrent que pour se libérer de l’emprise des énergies fossiles émettrices de CO2 et captives de stocks naturels limités, les économies d’énergie ne suffiront pas et devront être accompagnées d’une augmentation de la part électrique dans la consommation d’énergie. Quel est le mix électrique optimal pour assurer la sécurité d’approvisionnement d’une électricité faiblement émettrice de CO2 à un prix abordable pour les particuliers et les entreprises ? C’est la question à laquelle il faut répondre aujourd’hui dans une démarche objective s’appuyant sur le meilleur des connaissances scientifiques, techniques et économiques. Aussi Hydro 211 interagit avec les spécialistes et les institutions, telles que l’Académie des Sciences, celle des Technologies et les sociétés savantes2 qui apportent les connaissances nécessaires au pilotage du système énergétique.

L’hydroélectricité est, avec le nucléaire, la colonne vertébrale du système électrique français. Ce dernier émet 10 fois moins de CO2 par kWh que la moyenne des systèmes mondiaux. L’hydroélectricité va contribuer sur plusieurs plans au futur mix électrique. Comme ce fut le cas au cours du dernier hiver, l’hydroélectricité peut fournir jusqu’à 20% des besoins de consommation électrique de notre pays, tout en apportant sa flexibilité au pilotage du réseau électrique, elle constitue une composante essentielle de sa stabilité. Enfin elle contribue à la souveraineté énergétique et au développement économique des territoires, comme en témoigne le nouveau tome du livre blanc de Hydro 21 intitulé : « l’hydroélectricité, une énergie de territoire ».

Une des questions essentielles pour les choix énergétiques futurs porte sur l’empreinte et l’efficacité des filières renouvelables de production électrique. L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode scientifique et objective qui permet de quantifier les prélèvements et impacts sur l’environnement et de les rapporter à la quantité d’électricité délivrée au consommateur final (particulier ou entreprise) avec une vue complète de la vie de l’installation : construction, exploitation et démantèlement.

Le taux de retour énergétique

Un point crucial de cette ACV est le rapport de la quantité d’électricité produite sur toute la vie de l’installation à la quantité d’énergie utile qu’il a fallu dépenser pour la construire, la maintenir en fonctionnement et la démanteler. C’est le TRE (taux de retour énergétique). Il doit être supérieur à un, car une installation qui dépenserait plus d’énergie qu’elle n’en produirait ne présente aucun intérêt et doit même être très supérieur pour alimenter les autres activités de la société à un coût qui permet leur maintien / développement. Plus le TRE est élevé, plus l’installation est efficace. De ce point de vue, l’hydroélectricité avec un TRE supérieur à 40 est la plus efficace des énergies renouvelables (EnR).

Il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire de développer les autres sources renouvelables comme le solaire ou l’éolien. Aussi, c’est le TRE du mix électrique global qui caractérise la capacité d’un pays à produire efficacement son électricité. Un travail pionnier sur ce sujet a été exposé lors du récent colloque3, afin de présenter les perspectives d’évolution de ce TRE global. Le TRE actuel du mix électrique français baissera inévitablement pour deux raisons : primo parce que les filières éoliennes et solaires, dont la part est croissante, ont des TRE plus bas, secundo parce que les flux qui les alimentent varient indépendamment du besoin, si bien qu’il faut adjoindre des moyens additionnels pour transformer leurs productions fatales en un approvisionnement correspondant à tout instant à la demande. Pour cela, il faut stocker les surplus des périodes de fortes productions pour les restituer quand l’électricité fait défaut, non seulement dans une journée mais aussi entre saisons. Dans une étude préliminaire d’un scénario où le nucléaire assure une moitié de la production électrique nationale et les EnR (hydraulique, éolien et solaire) l’autre moitié, le TRE du mix électrique est divisé environ par 3 par rapport à sa valeur actuelle. Il baissera encore davantage si la part des sources fatales (éolien et solaire) est plus importante que prévu. Une grande vigilance devra donc être portée à l’évolution baissière de cet indicateur, dans la conduite de la transition énergétique.

Les autres facteurs à considérer

Même si le TRE est crucial pour l’optimisation du mix électrique, d’autres facteurs doivent aussi être considérés pour arbitrer vers un mix optimal. En premier lieu, les émissions de CO2 qu’il faut conserver au niveau du mix actuel. La France se situe dans le peloton de tête des pays du monde les moins émetteurs par kilowattheure produit. Les émissions de chaque filière doivent être surveillées, de même que l’utilisation de la ressource en eau ou d’autres impacts environnementaux. La possibilité de recyclage des matériaux des installations est également à considérer car elle permet de limiter la pression sur les ressources et les impacts environnementaux liés à leur extraction.

La modernisation nécessaire des installations

Pour répondre aux enjeux climatiques, le développement des énergies décarbonées appelle à une relance des investissements dans les installations hydroélectriques qui ont prouvé leur efficacité depuis plus d’un siècle. Infrastructure stratégique, la filière hydroélectrique innove et s’adapte pour continuer à rendre le service d’une électricité décarbonée et flexible. Pour cela, il est nécessaire d’investir avec une vision de long-terme dans les prochaines années.

Il faut alors rappeler qu’un frein important reste à lever avec la question de la mise en concurrence des installations, question non résolue depuis deux décennies. Ce frein pénalise la mise en œuvre des investissements de maintenance nécessaires et le développement de nouveaux projets dans les concessions dont la durée est aujourd’hui échue. Les investissements prévus couvrent plusieurs secteurs, en priorité :

  • Installations existantes : leur longévité est un atout écologique. Elles doivent être entretenues, améliorées et adaptées au nouveau fonctionnement du réseau qui leur demande d’être plus flexibles et plus performantes. Or, la filière hydro est toujours en attente d’un décret pour la rénovation des installations dont la puissance installée est supérieure à 1 MW.
  • La modernisation du parc installé doit se poursuivre et se renforcer à travers des opérations de maintenance programmées plus globales sur l’ensemble des actifs stratégiques pour garantir des futures conditions d’exploitation en lien avec les enjeux de flexibilité et de sureté de l’hydraulique.
  • Nouvelles installations : il faut tirer parti du potentiel hydro français (+ 20 % de potentiel restant), avec de nouveaux équipements à mettre en œuvre sur des sites déjà identifiés. Dans la grande hydro, des projets sont déjà proposés par les grands opérateurs et dans la petite hydro, de nombreux acteurs et entreprises du secteur sont prêtes à y contribuer pour relever le défi climatique en respectant les nouveaux standards environnementaux.
  • Nouvelles Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) : il sera absolument nécessaire de les mettre en place si l’on veut disposer de moyens importants de stockage d’énergie éprouvés, peu gourmandes en matériaux stratégiques, et qui contribuent également à la gestion des aléas climatiques.

Toute cette dynamique doit aussi rejaillir sur les entreprises de l’écosystème hydroélectrique qui doivent se mobiliser d’une part pour optimiser la productivité de leurs installations et d’autre part être présents sur les marchés intérieurs et européens et enfin profiter de la forte croissance de l’énergie hydroélectrique dans les régions en développement et des belles perspectives industrielles qui sont à développer.

Telles seront les thèmes abordés lors des 9èmes Rencontres BUSINESS HYDRO, qui, cette année, s’étendront sur 2 jours complets les 8 et 9 octobre 2024 à Grenoble4

 

1 Association regroupant une centaine d’entreprises du monde de l’hydroélectricité.

2 La Société Française de Physique a consacré le n°77 de Reflets de la Physique à « Transition énergétique- Les défis de la défossilisation » https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2024/01/refdp2024-77.pdf

3 Colloque Focus Hydro du 12 mars 2023

4 Rencontres Business Hydro des 8 et 9 octobre 2024 à Alpexpo, Grenoble. Entrée libre, sur inscription.

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Article à diffuser largement mais malheureusement il est peu probable que les médias de grandes audiences s’en fassent l’écot !
    Il ne faut pas oublier que si la France devait aujourd’hui construire tous ces barrages hydroélectriques qui sont une source de renouvelables incomparables, ce serait cause perdue avec les normes environnementales actuelles . Regarder sur ARTE le magnifique documentaire sur l’épopée de la construction des grands barrages après la seconde guerre mondiale où l’on voit le déchirement, bien compréhensible, des villageois de Tignes dont l’ensemble du village a dû être noyé ! Que de ZAD en perspectives !

    Répondre
  • Les renouvelables, quels qu’ils soient, sont les seules sources d’électricité éternelles (à l’échelle de la vie de notre espece). Ce que l’on sort de la Terre pour le transformer en chaleur a nécessairement une fin. Par ailleurs, on ne peut pas comppter sur ce que l’on ne maitrise pas ou que l’on ne peut pas garantir maitriser à l’horizon d’une génération.

    Répondre
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