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L’hydrogène, énergie idyllique ou hallucinogène ?

Tribune de Michel Gay.

Ce vendredi 1er juin 2018, Nicolas Hulot a rendu public un plan gouvernemental de 100 millions d’euros d’argent public pour soutenir l’hydrogène en déclarant, « sur l’hydrogène, ma religion est faite ». Il s’agit en effet de croyances et de vendre (cher) du rêve.

Depuis plusieurs décennies des études et des articles nous font régulièrement miroiter que l’hydrogène (H2) pourrait être un moyen de stocker l’énergie, notamment le surplus d’électricité produit par des énergies intermittentes comme les éoliennes et les panneaux photovoltaïques.

Il serait alors injecté dans le réseau actuel de gaz naturel ou retransformé en électricité dans une pile à combustible (PAC), par exemple. Il pourrait aussi remplacer l’essence et le diesel dans nos véhicules.

Certains évoquent même une future « civilisation de l’hydrogène ». Qu’en est-il vraiment ?

L’hydrogène (H2) est une énergie qui apparaît merveilleuse. Elle est même euphorisante, voire « stupéfiante »…. Avec l’H2, certains voient la vie en rose et auraient tendance à prendre leurs rêves pour des réalités.

L’avenir énergétique du monde devient simple, radieux et tout devient possible car cette énergie idyllique et « futuriste » semble avoir tous les atouts pour succéder aux carburants fossiles (pétrole, gaz, charbon).

En effet, on peut extraire l’H2 de l’eau. Et l’eau ne manque pas dans les océans et les fleuves. Après avoir brûlé l’H2 pour se chauffer, ou pour actionner directement un moteur à combustion, ou encore après l’avoir transformé en électricité dans une pile à combustible (PAC) pour alimenter un moteur électrique, il se recombine avec l’oxygène de l’air pour redonner… de l’eau. Extraordinaire ! Quoi de plus simple, de plus propre et de plus écologique ?

Ce serait donc une énergie disponible en quantité inépuisable, renouvelable et quasiment non polluante. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? Pourquoi n’a-t-elle pas déjà remplacé le pétrole, le gaz naturel et le charbon depuis plus d’un siècle ?

En effet, l’H2 a été découvert par Cavendish en 1766 et nommé par Lavoisier en 1783. Le procédé de la pile à combustible (PAC) a été découvert en 1838 et la première PAC a été construite en 1841…

Y aurait t-il un complot mondial anti-hydrogène manigancé par des lobbies sournois pour défendre la suprématie du pétrole, du gaz et du charbon, voire du nucléaire ?

D’où vient l’hydrogène ?

Bien que l’hydrogène soit l’élément le plus abondant sur la planète, il n’existe pas de puits ni de source d’H2. Il est combiné à d’autres éléments, notamment à l’oxygène sous forme d’eau (H2O) et au carbone sous forme de méthane (CH4).

Ce n’est pas une source d’énergie exploitable qui existe à l’état naturel sur terre. L’H2, comme l’électricité, doit être produite et permet de transporter de l’énergie d’un endroit à un autre ou de la stocker avant son utilisation. On dit que c’est un vecteur d’énergie.

La fabrication de l’H2 est coûteuse en énergie. Pour l’obtenir en grande quantité, il faut le séparer d’autres éléments, soit par électrolyse de l’eau (il faut donc produire de grandes quantités d’électricité), soit par des procédés thermiques ou chimiques à l’aide d’une autre énergie source… qui doit être abondante et bon marché.

L’énergie nucléaire semble une bonne candidate (la seule ?) lorsqu’on a retiré le pétrole, le gaz et le charbon. Les énergies solaires et éoliennes ne pourront que servir d’appoints marginaux (surplus ponctuels de productions électriques) devant l’énormité des besoins d’un pays ou du monde.

Pour remplacer, même partiellement, les sept milliards de tonnes équivalent pétrole (7MdTep) de pétrole et de gaz (uniquement) consommées par an dans le monde par de l’H2, les seules solutions viables actuellement envisagées sont l’électrolyse et la thermolyse de l’eau pour produire les milliards de tonnes d’H2 nécessaires par an.

Bien entendu, l’H2 n’est une énergie potentiellement formidable que si elle est extraite de l’eau !

En effet, pour des raisons de coûts, l’H2 est aujourd’hui extrait du pétrole, du gaz et du charbon qu’il est censé remplacer… car c’est plus pratique et moins cher.

Comment utiliser l’hydrogène ?

Les propriétés physiques de l’H2 en font un gaz encombrant.

A la pression atmosphérique, trois mètres cubes (m3) d’H2 (3000 litres) contiennent l’équivalent en énergie d’un litre d’essence (9 kWh). On comprime donc généralement l’H2 à 200 fois la pression atmosphérique (200 bars), ou à 700 bars, ou on le liquéfie, ce qui consomme de plus en plus d’énergie à chaque étape.

Il ne faut alors plus que 7 litres d’H2 à 700 bars ou 4 litres d’H2 liquide (à – 253°C dans un contenant isolant et volumineux) pour disposer de l’équivalent énergétique d’un litre d’essence.

Dans les véhicules ?

L’hydrogène liquide est difficile à conserver dans des voitures particulières (fuites).

Par rapport à l’essence, pour parcourir 600 km, aujourd’hui le meilleur compromis est le réservoir d’hydrogène sous pression à 700 bars qui est près de dix fois plus gros que le réservoir d’essence (400 litres au lieu de 42 litres) et six fois plus lourd (240 kg au lieu de 40 kg).

On peut cependant encore l’insérer dans une voiture moyenne, même s’il y a forcément moins de place disponible et de charge utile restante.

Il en coûterait aujourd’hui au minimum 17 € TTC pour faire 100 km avec de l’H2 issu d’une électrolyse industrielle, alors que 7 l d’essence à 1,5€ TTC coûtent 10,5€ … et que 7l d’essence à 2€ coûtent 14€.

Il faudrait atteindre au minimum 2,5 € le litre (7 x 2,5 = 17,5 €) pour commencer à être financièrement concurrentiel, compte tenu des inconvénients (poids, volume, autonomie, recharges,…).

En stockage d’électricité ?

A partir de l’électricité initiale, il y a une perte de 50 % d’énergie pour obtenir de l’H2 sous pression à 700 bars et jusqu’à 60% pour obtenir de l’H2 liquide.

Puis, au minimum, une nouvelle perte de 50% intervient pour transformer l’H2 en électricité dans une PAC.

Le rendement global en y incluant les pertes diverses (transports, stockage,…) est donc de moins de 25% (il y a plus de 75% de pertes).

Pour 100 kWh d’électricité à stocker, le « système hydrogène » n’en restitue que 25 kWh.

Le coût de l’électricité « sortante » (celle qui a été stockée sous forme d’H2) est donc au minimum quatre fois plus élevé que le prix de l’électricité « entrante » (qui sert à produire l’H2), sans compter l’amortissement du prix de la PAC et le coût de la main d’œuvre.

La possibilité d’injecter l’H2 dans le réseau de gaz naturel soulève quelques problèmes techniques :

1) par comparaison avec le gaz naturel, l’énergie dépensée pour son transport est trois fois plus importante,

2) les fuites (dues à la petite taille de la molécule d’hydrogène) entrainent des pertes importantes dans le réseau.

Après quelques centaines de km, que récupère-t-on à l’autre bout du « tuyau » (le gazoduc) ?

L’Hydrogène, une énergie rentable ?

L’usage énergétique de l’H2 est actuellement quasiment inexistant au niveau mondial (1% pour les fusées) parce qu’il est difficile à manier, conditionner, transporter, stocker… ce qui le rend peu pratique à utiliser et très coûteux à exploiter.

Dans ces conditions, en dehors d’opérations publicitaires ciblées et de projets expérimentaux (parfois « bidons ») subventionnés par les contribuables, l’H2 ne succèdera certainement pas au pétrole ni au gaz naturel (méthane) avant longtemps.

Il faut surtout retenir que l’économie hydrogène consomme en amont 75% à 90 % de l’énergie produite par une autre source d’énergie (nucléaire, vent, soleil, biomasse,…) pour n’en livrer que 10 à 25% à l’utilisateur final à un coût durablement élevé.

Il faudra vraiment en avoir besoin pour gaspiller autant d’énergie et donc… d’argent.

S’engagera-t-on dans cette gabegie énergétique et financière ? Nicolas Hulot n’a aucun doute puisque « sa religion est faite »…

En tant qu’énergie pouvant répondre aux besoins de l’humanité, l’H2 « propre » a des propriétés euphorisantes et hallucinogènes, mais c’est une difficile solution d’avenir qui risque malheureusement de le rester longtemps.

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COMMENTAIRES

  • Nicolas Hulot lance enfin la filière Hydrogène en France. Certes le budget est encore modeste au vu de l’ampleur du projet, mais la graine est semée, la direction est claire et la filière va pouvoir se développer et peu à peu baisser ses couts de production et de distribution. L hydrogène permet le stockage efficace de l’électricité d’origine renouvelable en utilisant de l’eau abondante sur la planète pas du lithium fossile rare et importé .. . L hydrogène permet de peu à peu remplacer les énergies fossiles par de l’énergie d’origine renouvelable. Avec l’ hydrogène les rejets de combustion ne sont plus du gaz carbonique CO2 mais de l’eau H2O! Bien sur il reste des challenges techniques de stockage de transport, de réseau, de distribution: le réseau de gaz de ville très répandu en France est un gros atout à réutiliser. Il reste bien sur le challenge majeur de production massive d’ électricité d’origine renouvelable à une tout autre échelle. Mais sachons comparer cela aux challenges qu ont affronte les industries petrolières et nucléaires . Il faut surtout savoir que le potentiel des énergies renouvelables marines, solaires éoliennes géothermiques hydrauliques va bien au de la des besoins de l’humanité même à des niveaux de consommation élevés, même avec un rendement total de la filière hydrogène faible. Ceci est particulièrement vrai en France au vu de notre longueur de cote marine!. Avec le développement de la filière hydrogène les couts de production vont rapidement baisser et croiser ceux des fossiles et du nucléaire. Des investisseurs vont vite le comprendre mais il faudra du temps aux addicts du carbone et aux drogués du nucléaire pour en revenir et se tourner vers l’hydrogene pour qui l’eau et le rayonnement du soleil sont in fine les deux seules limitations. Espéons qu l’intelligence l’emporte rapidement sur le refus du progrès et de l’innovation.

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