La filière hydrolienne de retour en Normandie
Conscients du potentiel que renferment les 11 millions de kilomètres carrés de surface maritime qui bordent notre territoire, les industriels ne semblent pas prêts à abandonner leurs ambitions en matière d’énergies marines renouvelables.
La création d’une filière hydrolienne reste notamment un objectif poursuivi par de nombreux acteurs malgré les incertitudes qui planent à la suite du désistement de Naval Énergies. La région Normandie et le fabricant Simec-Atlantis prévoient en effet de s’associer pour relancer la filière hydrolienne et créer une nouvelle entreprise pour exploiter le potentiel du raz Blanchard. Explications.
Naval Energies, le faux départ de la filière hydrolienne française ?
Le 25 juillet dernier, quelques semaines après avoir inauguré en grande pompes son usine d’assemblage d’hydroliennes à Cherbourg, Naval Energies annonce la fin de ses investissements dans le domaine de l’énergie hydrolienne. Le groupe industriel français déplore un manque de soutien de la part de l’État et un carnet de commandes qui peine à se remplir.
« L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (…) n’a prévu que 100 à 150 MW installés d’ici 2028, soit 50 turbines de 2 MW dans dix ans », expliquait en juillet dernier Naval Énergies dans un communiqué de presse. « Les contacts que nous avons eus avec les autorités montrent qu’il n’y avait rien à attendre de significatif dans la future feuille de route énergétique que le gouvernement doit finaliser d’ici la fin de l’année ».
Face à ce manque de perspective, qui ne fait que renforcer la précarité d’une filière naissante, Naval Énergies jette l’éponge : l’unité d’assemblage de turbines sous-marines de Cherbourg stoppe son activité et la société ne se consacrera désormais qu’à l’éolien flottant et l’énergie thermique des mers.
« C’est avec regret, mais responsabilité, que nous prenons cette décision qui s’impose à nous aujourd’hui. La dégradation de la situation du marché, en France et dans le monde tout au long de ces derniers mois, s’est traduite par une absence de perspectives commerciales qui ne nous permet pas de financer seuls plus longtemps le développement des activités hydroliennes. Dans ces conditions, il devenait déraisonnable de poursuivre les investissements car cela aurait conduit à un épuisement des ressources de l’entreprise et donc in fine à l’affaiblissement de Naval Energies », estimait le président de Naval Energies, Laurent Schneider-Maunoury.
Énergie hydrolienne : la Région Normandie persiste et signe
La place laissée par Naval Energies ne sera pas restée vacante bien longtemps. La région Normandie vient en effet d’annoncer la création d’une co-entreprise avec le groupe Simec Atlantis Energy afin de lancer un nouveau projet hydrolien au large des côtes du Cotentin.
L’industriel écossais et plusieurs institutions régionales semblent notamment intéressés par le potentiel du raz Blanchard, un des plus fort courant marin du monde.
Baptisée Normandie Hydrolienne, cette future structure industrielle sera détenue par l’écossais Simec Atlantis Energy en partenariat avec la Région Normandie (via son fonds d’investissements Normandie Participations), L’Agence de Développement de Normandie et l’agence régionale de développement économique de Normandie. Le montant des investissements n’a pour l’instant pas été communiqué.
Normandie Hydrolienne ne manque pas d’ambition. L’objectif principal est de déployer jusqu’à 2 GW de puissance renouvelable au Raz Blanchard.
Une prouesse technologique qui sera notamment possible grâce au potentiel électrique du cours d’Aurigny, un détroit de 13 km situé entre l’île du même nom et La Hague.
La région Normandie compte également s’appuyer sur ce nouveau partenariat pour relancer les deux projets de fermes pilotes lauréates de l’appel à manifestation d’intérêt lancé en 2013 par l’Ademe. S’ajoute enfin à cela la construction d’une unité d’assemblage dans la région destinée à fournir les turbines nécessaires.
« Nous nous appuyons sur la Commission européenne, qui veut voir des fermes hydroliennes à grande échelle en Europe. Il y a tout ici, à Cherbourg, pour faire un bon projet. Le raz Blanchard a la meilleure ressource, 1,5 GW côté français et 1 GW côté Aurigny, avec qui nous avons des contacts. Il y a aussi le port et un accès à l’immobilier industriel », explique Tim Cornelius, président de Simec Atlantis Energy.
Une coentreprise pour déployer une puissance de plus de 2 GW
Mais pour l’heure, préalablement au lancement de son activité, Normandie Hydrolienne va devoir démontrer la faisabilité technico-économique de son projet. La coentreprise doit en effet prouver qu’elle est capable de produire de l’électricité renouvelable à un prix inférieur à celui des projets éoliens offshore (soit 150 euros le mégawattheure) en cours de développement en France.
En termes de temporalité, le calendrier du projet tel que présenté par Tim Cornélius prévoit la création d’une puissance de production initiale de 1GW en 2025. Une capacité opérationnelle qui pourrait être portée à 2 GW à partir de 2027.
Persuadé que le déploiement de l’énergie hydrolienne permettra de réduire le coût de l’électricité, le groupe de Tim Cornélius a également évoqué son intérêt pour des projets déjà existants. Normandie Hydrolienne a notamment indiqué s’être rapproché d’EDF Énergies Nouvelles qui porte le projet Normandie Hydro (un parc pilote de 7 hydroliennes situé au large de la pointe Nord-Ouest du Cotentin).
De son côté, la région Normandie a confirmé son soutien pour le développement économique d’une filière d’avenir. « Notre Région a consacré beaucoup de temps, d’énergie et d’argent pour favoriser le développement de l’hydrolien. Il est temps de devenir pionnier dans la recherche d’une exploitation économique de cette source d’énergie abondante », a déclaré Hervé Morin, le président de la région Normandie.
Crédit photo : @Simec-Atlantis