il faut aider ecosysteme hydrogene naturel monter en puissance - Le Monde de l'Energie

« Il faut aider l’écosystème de l’hydrogène naturel à monter en puissance »

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Isabelle Moretti, chercheuse spécialisée en hydrogène naturel à l’université de Pau (UPPA), membre de l’Académie des Technologies, pour évoquer le potentiel de l’hydrogène naturel.

 

Le Monde de l’Énergie —Qu’est-ce que l’hydrogène natif ? Quel est son potentiel mondial, et dans quels territoires est-il le plus abondant ?

Isabelle Moretti —De l’hydrogène se forme journellement sous terre essentiellement par interaction eau/roche (l’eau = H2O, en contact avec une roche riche en fer, elle l’oxyde et l’H2 est libéré). Il y a d’autres réactions comme par exemple la radiolyse qui casse la molécule d’eau et génère de l’H2 mais aussi de l’hélium. Ces réactions sont connues mais initialement on ne pensait pas que l’H2 pouvait s’accumuler. Grace à des découvertes fortuites on sait désormais que c’était une erreur. En parallèle, il est apparu que certains secteurs de notre industrie pouvaient être décarbonés avec de l’H2 mais de l’H2 sans CO2, or actuellement plus de 99% de l’H2 vient de l’industrie chimique (gaz, pétrole et charbon en tête). L’hydrogène naturel est un des hydrogènes décarbonés qui pourraient aider à résoudre ce problème.

Mondialement l’exploration a démarré il y a trois ans, en dehors du Mali où depuis plus de 10 ans de l’H2 naturel est produit. L’Australie et les Etats-Unis sont actuellement les pays les plus actifs. Cette exploration est limitée par la reconnaissance, ou non, de l’H2 comme ressource naturelle dans le code minier. Dans de nombreux pays ce n’est pas encore le cas, il est donc difficile d’évaluer l’existence de réserves.

En tant que ressources on sait désormais que le potentiel mondial est énorme. C’est-à-dire qu’on sait que les roches capables de générer de l’H2 en génère plus que nos besoins. En tant que réserves, l’évaluation est plus difficile (une réserve est un flux ou une accumulation que l’on sait pouvoir produire techniquement et économiquement).

Le Monde de l’Énergie —Où en est l’exploitation de cette ressource ? Quels pays en sont les pionniers ? Où en est l’Union européenne et la France en la matière ?

Isabelle Moretti —L’exploitation de cette ressource n’est une réalité qu’au Mali mais l’exploration est désormais active dans une dizaine de pays. La recherche française a été pionnière dans la compréhension et la mise en lumière de l’existence de cette ressource. Actuellement beaucoup des avancées scientifiques viennent de l’IFP Energies nouvelles, de l’université de Grenoble ou de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) pour ne citer que les centres les plus actifs. Mais l’Australie et les Etats-Unis sont plus rapidement passés à la phase d’exploration et de forage. La France a mis l’H2 dans la liste des ressources naturelles au printemps 2022. Des compagnies ont immédiatement demandé des permis d’exploration, le premier a été donné à l’automne 2023. Ils, TBH2, sont en train de faire les acquisitions de surface pour savoir s’il y a un prospect à forer. Les permis suivants sont attendus pour 45-8 Energy et Storengy, toujours en Nouvelle Aquitaine.

Dans l’Union européenne, la Pologne l’a inscrit dans la loi en décembre 2023. En Espagne, il devrait y avoir un puits cette année mais la loi reste floue. En Albanie et au Kosovo les compagnies peuvent aussi travailler mais cette liste n’est pas forcément exhaustive, cela évolue vite. Au Royaume-Uni et en Italie par exemple, il n’est pas possible de prendre de permis d’exploration pour de l’H2. Il y a beaucoup de travail à faire pour que les textes de la Commission européenne tiennent compte de l’H2 naturel ou mieux du contenu en carbone de l’H2 et ne se focalisent pas sur l’H2 issus des électrolyseurs comme seule alternative à l’H2 classique au fort contenu en CO2.

Le Monde de l’Énergie —Des projets émergent-ils dans l’Hexagone ? Sont-ils soutenus par les pouvoirs publics ?

Isabelle Moretti —Les PER, permis exclusifs de recherche, qui permettent de commencer la prospection sont donnés par la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat) donc on ne peut rien faire sans le soutien des pouvoirs publics. Localement les maires des communes concernées sont aussi des acteurs engagés. Dans l’Hexagone, la région Nouvelle Aquitaine a été pionnière en dédiant dès 2021 un budget à l’évaluation de ses ressources. Ce n’est donc pas un hasard si les premiers permis sont demandés dans cette région.

A contrario, nombre de moyens publics sont mobilisés sur d’autres types d’hydrogène, sur l’utilisation et sur la mise en place de territoires hydrogènes (des milliards) et rien ou très peu sur l’H2 naturel. Le président Macron avait annoncé un soutien lors de son passage à Airbus l’hiver dernier mais il n’y a pas encore eu d’effet. Dans les agences habituelles de financement de la recherche publique, il est possible de faire des demandes, certaines sont acceptées, à hauteur de quelques centaines de milliers d’euros par projet, c’est donc à une autre échelle. Nous espérons que ce n’est qu’une question de temps.

Le Monde de l’Énergie —Quelles problématiques spécifiques pose l’exploitation de l’hydrogène natif (infrastructure, sécurité…) ?

Isabelle Moretti —Le stockage sous-terrain de l’hydrogène existe depuis des dizaines d’années. L’industrie sait forer et produire ce gaz. Toutefois, il est explosif en contact avec l’oxygène, donc l’air, et il ne faut donc pas faire d’erreur, mais à Lacq en région Nouvelle-Aquitaine, un gaz potentiellement létal a été produit sans problème pendant 50 ans. Il n’y a pas de besoin de rupture technologique sur cet aspect. Pour le transport et le stockage les questions sont les même que pour tous les autres H2.

Le Monde de l’Énergie —Comment créer une chaîne de production sécurisée et pérenne de cette ressource en France ?

Isabelle Moretti —Je comprends mal la question, pour une ferme solaire il faut importer des panneaux, pour une centrale nucléaire il faut importer de l’uranium. La question de la sécurisation de l’approvisionnement se pose donc. Pour l’H2 naturel, il s’agit de produire une ressource locale donc sans importation. Actuellement il est vrai qu’il y a peu d’outils de forage en Europe compte tenu de la faible demande mais si l’activité démarre ils viendront. Ce matériel se loue les quelques semaines du forage.

Sur la question de l’écosystème H2 naturel, les compagnies qui demandent actuellement des permis en France, en dehors de Storengy, filiale d’Engie, sont de petites compagnies. Elles vont avoir besoin de levées de fonds… Mais il y a aussi toute une industrie des services pour ces compagnies (géophysique, modélisation, outils, analyses de roches et de gaz) il faut l’aider à monter en puissance, pour l’exploration en France mais aussi pour qu’elle se développe à l’international.

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COMMENTAIRES

  • « C’est-à-dire qu’on sait que les roches capables de générer de l’H2 en génère plus que nos besoins. »
    Voilà qui me surprend … Au niveau mondial, de l’Europe, de la France ? Car à tous ces niveaux nos besoins sont très élastiques; ils sont toujours limités à la disponibilité et au prix de l’H2. S’il était suffisament abondant et bon marché, le besoin devrait déjà être augmenté du nécessaire pour convertir le transport mondial (automobiles, trains, camions, bateaux, avions…) au H2.
    Par ailleurs, ces réserves, que j’imagine sous forme de fortes concentrations de H2 plus ou moins dissous dans les roches du milieu souterrain, une fois épuisée sont supposées se renouvelées tant que les conditions de proximités des matieres qui les produisent sont réunies, mais alors à quelle vitesse par rapport à la vitesse de la consommation ? Car à ce jeu on se trouve dans le cas des fossiles que nous consommons plus vite qu’ils ne se regénèrent comme les filons de charbon, de gaz et de pétrole que nous avons épuisés en France en quelques années d’exploitation.
    .C’est la vitesse de consommation qui nous permettra de transformer cette ressource en renouvelable (à l’échelle de la durée de vie de notre espèce), et à quel coût, ou PAS !
    Mais il importe en effet d’avoir une connaissance la plus précise possible des stocks disponibles actuels, de la vitesse de régénération, et de la façon dont nos besoins vont évoluer en fonction des nouveaux usages, qui, eux-mêmes sont tributaire du coût de cette ressource et de sa disponibilité.
    Serge Rochain

    Répondre
  • Est-ce à l’état Français en quasi faillite ou aux pétroliers-Gaziers (très profitables ces dernières années) d’aider ce secteur !???

    Le secteur de l’Hydrogène est parfois très proche du pétrole… Et pour faire des trous dans le sol, les grands spécialistes sont les pétroliers… Totalénergies qui a reçut pas mal d’ARENH pourrait prendre ce sujet en main !?

    La rédactrice de l’article vient de l’université de PAU qui est la plus Grande ville « pétrolière » française…

    Chacun pensera ce qu’il veut de l’hydrogène mais pour le moment cette filière a permis de faire des « Plans sur la comète » en matière énergétique à pas mal de monde et ne démontre rien de significatif pour le moment… Est-ce (ou était-ce) un Cheval de Troie dans la « Transition » énergétique annoncée et qui court (Hélas !) vers un échec cuisant !?

    Répondre
  • COMMENTAIRE : « rien de significatif » : inexact ! Par contre « pour le moment… » Oui ! (cf. le colonel Drake) .Pour ces 2 points, se rapporter au dernier exposé sur l’hydrogène de la SEPRA 81visible sur son site.Il y a l’hydrogène blanc, considéré dans cet article, mais aussi le bleu . Les « Plans sur la comète » ne correspondent qu’à l’hydrogène vert.,,

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