Isabelle Kocher va devoir encore partager les rênes d’Engie
Isabelle Kocher, unique femme à la direction exécutive d’un groupe du CAC 40, ne prendra finalement pas seule la tête du géant énergétique français Engie, dont l’Etat est l’actionnaire principal, le gouvernement ayant confirmé sa préférence pour le maintien d’une direction bicéphale.
« Il se trouve que le conseil d’administration d’Engie a décidé de dissocier les fonctions de président du conseil d’administration (et) de directeur général, respectons les choix de la gouvernance », a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, interrogé dimanche sur BFM.
Le gouvernement pèse lourd dans ce dossier dans la mesure où l’Etat possède encore 24,10% de l’ex GDF-Suez, même si 4,4% du capital avaient été cédés en septembre dernier.
La dirigeante a fait un « très bon travail à la tête d’Engie » et a « la confiance de l’Etat », a ajouté Bruno Le Maire.
Isabelle Kocher est directrice générale depuis 2016: le PDG d’alors, Gérard Mestrallet, touché par la limite d’âge, avait dû céder la direction générale mais avait obtenu une prolongation de deux ans à la présidence du conseil d’administration.
La ministre de l’Energie, Ségolène Royal, avait justifié à l’époque la décision par « la nécessité de prolonger un peu la phase transitoire » au sein de la gouvernance d’Engie.
Isabelle Kocher a accéléré la mutation de l’entreprise.
Confronté au bouleversement du secteur européen de l’énergie, Engie a lancé en 2016 un plan de transformation sur trois ans qui comprend notamment un plan de cession de 15 milliards d’euros.
Le groupe souhaite ainsi se concentrer sur des activités régulées ou celles bénéficiant de contrats de vente à long terme, moins risquées, et se développer dans les énergies renouvelables et les services énergétiques.
Isabelle Kocher ayant joué un rôle moteur dans ce changement de stratégie, on lui prêtait l’ambition logique de cumuler la présidence de l’entreprise avec la direction générale.
« Il aurait été préférable de fusionner les deux fonctions puisque le plan de transformation actuel a été conçu et mené par Mme Kocher », jugent les analystes de Bryan Garnier dans une note publiée lundi.
« La situation de M. Mestrallet était très particulière compte tenu de son expérience et de son aura chez Suez, puis GDF-Suez, mais les apparentes divergences stratégiques entre lui et Isabelle Kocher (…) ont illustré les limites de cette séparation des fonctions », ajoutent-ils.
– « Désaccord » –
Des échos sur une mésentente entre les deux dirigeants ont en effet commencé à émerger peu de temps après la nomination d’Isabelle Kocher à la direction générale du géant français.
Sa stratégie a notamment bousculé les anciens « gaziers » de GDF, pour lesquels l’abandon d’activités historiques était difficile à avaler.
La décision du conseil d’administration « traduit un souci » et « vient d’un désaccord sur la stratégie » entre Gérard Mestrallet et Isabelle Kocher, confirme Eric Buttazzoni, coordinateur central de la CGT chez Engie.
Elle a appliqué sa stratégie de façon « assez brutale » et « fait campagne en disant que tout le monde (dans l’entreprise) est derrière elle. C’est faux », ajoute le responsable syndical.
Fin 2016, soit moins d’un an après son arrivée, des articles de presse évoquaient même la volonté de l’ancien PDG de remplacer la directrice générale, qu’il avait pourtant lui-même poussée à ce poste.
Isabelle Kocher, qui est devenue depuis deux ans une patronne médiatique et emblématique du mouvement d’ascension des femmes dans l’entreprise, et qui sera d’ailleurs coprésidente du forum économique de Davos en Suisse (23-26 janvier), a tâché de se montrer fair-play dimanche.
« Si un président nous rejoint et que, parce qu’il est complémentaire, parce qu’il est convaincu du projet, il nous aide à l’accélérer, alors je suis ravie », a-t-elle assuré au Grand Rendez-vous Europe 1 – CNews – Les Echos.
Reste désormais à savoir qui occupera la fonction de président ou présidente du groupe. La question devra être tranchée d’ici la fin février.
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