La fermeture de Fessenheim vue par André-Claude Lacoste (ASN)
Alors que son mandat non renouvelable arrive à terme le 12 novembre, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) André-Claude Lacoste a accordé une interview au JDD dans laquelle il explique que la fermeture d’une centrale comme Fessenheim est une opération complexe dont le président de la République ne peut pas véritablement décider seul.
« Le président de la République tient ses engagements, c’est sa décision. Mais nous ne sommes pas dans une dictature. Il en suffit pas que le chef de l’Etat dise ‘ça s’arrête’ pour que ça s’arrête. C’est maintenant à EDF –qui possède et exploite les réacteurs de Fessenheim, et a des actionnaires électriciens suisse et allemand ayant un droit de tirage sur cette centrale- , de constituer un dossier de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement. Il y a tout un ensemble de procédures à respecter. Or EDF ne nous a fait part d’aucun intention d’arrêter Fessenheim dans l’immédiat ».
Selon André-Claude Lacoste, il faudra cinq ans entre le moment où EDF lancera son plan d’arrêt et celui où le décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement sera délivré, en raison des nombreuses procédures à mettre en œuvre. Avant l’obtention de ce décret, la production de la centrale alsacienne pourra être arrêtée, mais sa fermeture ne sera pas irréversible prévient André-Claude Lacoste.
D’après les explications du président de l’ASN, le démantèlement de Fessenheim ne devrait donc pas pouvoir être lancé avant la fin du mandat de François Hollande.
Au sujet de Fessenheim, André-Claude Lacoste a également vivement critiqué la couverture médiatique de l’activité de la centrale, qui selon lui empêche de travailler dans la sérénité. « La sûreté d’une installation dépend de facteur matériels et humains. Or les conditions dans lesquelles Fessenheim fonctionne sont anormales. Prenez l’épisode récent d’une erreur de manipulation d’un peu d’eau oxygénée dans un bâtiment auxiliaire, qui déclenche une alarme incendie. Dans une centrale ‘normale’, personne n’en aurait entendu parler. Là, 50 camions de pompiers arrivent. Et parce que c’est à Fessenheim, les journaux télévisés ouvrent là-dessus… Clairement, les conditions de travail du personnel sont ici soumises à une pression médiatique et politique considérable ».
Le président de l’ASN est également revenu sur l’impact social de la fermeture des centrales énergétiques et de leur démantèlement. Selon lui, EDF a intérêt à faire fonctionner Fessenheim aussi longtemps que possible. « Et cette façon de voir n’est pas propre au nucléaire : demandez aux gens de Florange s’ils ont envie que leur site devienne un chantier pilote du démantèlement de la sidérurgie… L’ouvrier de base, chez EDF, a le sentiment, lui d’avoir plutôt été embauché pour produire de l’électricité que pour démanteler les installations. L’annonce de la fermeture n’est sans doute pas facile à vivre pour le personnel ».
Considérant le choix de son successeur, André-Claude Lacoste a rappelé qu’il était important qu’il soit à l’image de l’ASN, ni pro ni antinucléaire.