Obligation verte

Finance verte : la France annonce l’émission de sa 1ere obligation verte

Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, également en charge des Relations internationales sur le climat, et Michel Sapin, ministre de l’Économie et des Finances, ont annoncé que la France lancerait sa première obligation verte dans les prochaines semaines. Ces emprunts d’État, qui confirment les engagements pris par la France lors de la Conférence de Paris sur le climat en décembre 2015, permettront notamment de financer les grands projets liés à la transition énergétique française. Explications.

Qu’est-ce qu’une obligation verte ?

C’est lors de la 4ème édition de la Conférence environnementale, qui s’est déroulée au Ministère de l’Environnement les 25 et 26 avril derniers, que le Président de la République annonce son intention de faire de la France le premier État à émettre des obligations vertes souveraines sur le marché boursier. L’objectif : s’appuyer sur des produits financiers pour développer des projets à vocation environnementale.

Une obligation verte, également appelée obligation environnementale ou « green bond », est une émission obligataire lancée par une entreprise, une organisation ou une entité publique sur les marchés financiers afin de lever des fonds pour le développement de projets ou d’activité bénéfiques pour l’environnement. En d’autres termes, il s’agit d’un emprunt destiné à financer des projets contribuant à la réussite de la transition écologique (énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion durable des déchets et de l’eau, transport propre, etc.).

Si les premières obligations vertes ont été émises en Europe et aux États-Unis en 2007, elles se sont ensuite internationalisées avec l’arrivée de pays à forts besoins d’investissement et désireux d’améliorer leurs performances environnementales (comme la Chine et l’Inde). Depuis 4 ans, le marché connait d’ailleurs une croissance importante : de 13 milliards de dollars en 2013, les green bond sont passées à 48 milliards de dollars en 2015 et devraient passer la barre des 100 milliards pour l’année 2016.

Depuis 2013, les obligations vertes ne sont plus l’apanage des institutions financières. Si la Banque mondiale et les banques de développement continuent à jouer un rôle majeur dans l’émission de ces obligations environnementales, l’arrivée de nouveaux acteurs (grandes entreprises, banques privées, etc.) a permis d’élargir l’écosystème d’investissement. En France, par exemple, c’est l’énergéticien EDF qui ouvre la voie. Le groupe s’appuie en effet sur le marché des obligations vertes pour lever, en 2013, 1,4 milliards d’euros nécessaires au financement de 13 projets d’énergies renouvelables. Depuis, d’autres énergéticiens, comme Engie, et d’autres grands groupes industriels, comme la SNCF, lui ont emboîté le pas.

Un emprunt d’État pour financer la transition énergétique

Aujourd’hui, grâce à l’action de ces entreprises, agences de développement et collectivités, la France émet 20% des obligations vertes mondiales. Pour la seule année 2016, ce ne sont pas moins de 40 milliards de dollars qui ont été levés et mis au service de politiques environnementales ambitieuses. Rien d’étonnant donc que le gouvernement espère se lancer dans la « finance verte », qui fait aujourd’hui consensus, pour financer une partie des investissements que nécessitent la transition écologique.

À quelques semaines près, l’Hexagone aurait été la première nation à émettre des obligations vertes. Mais la Pologne lui a grillé la politesse en émettant pour 750 millions d’euros d’obligations vertes en décembre dernier. Les ambitions de Paris sont cependant sans communes mesures avec celles de Varsovie : un groupe de travail interministériel a d’ores-et-déjà évalué à 10 milliards d’euros les investissements écologiques éligibles à être financés par les levées de fonds des obligations vertes. Le gouvernement n’a pas encore révélé le montant qu’il compte lever avec l’émission de ses premières obligations vertes.

Selon les propos de Michel Sapin, c’est l’Agence France Trésor qui sera chargée de placer la dette de l’État sur les marchés financiers. En termes de structuration, les instruments utilisés seront des Obligations Assimilables du Trésor (OAT). Il s’agira de placements à maturité longue (de 15 à 25 ans) d’un montant d’au moins 2,5 milliards, pour se frayer une place parmi les indices mondiaux. Rien n’est cependant arrêté à l’heure actuelle : le montant du premier green bond sera fixé en fonction de l’intérêt des investisseurs.

Conformément aux engagements pris par la France pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris à travers la loi relative à la transition énergétique, les obligations vertes serviront à couvrir des dépenses du budget de l’État et du Programme d’Investissement d’Avenir lié à la lutte contre le réchauffement climatique, à l’adaptation au changement climatique, à la protection de la biodiversité et la lutte contre la pollution. Il s’agira par exemple d’apporter le soutien de l’État aux projets d’amélioration de l’efficacité énergétique, au développement du transport propre ou encore à la recherche sur les énergies renouvelables (énergies marines renouvelables par exemple). Les activités qui bénéficient déjà d’un soutien de l’État (comme le solaire et l’éolien) ne seront pas éligibles à ce type de financement.

Des investissements écologiques responsables et exemplaires

La démarche de la France vise à favoriser le développement du marché des obligations vertes afin qu’il atteigne une taille suffisante pour inciter davantage d’opérateurs à investir dans la lutte contre le changement climatique et le développement durable. Le gouvernement souhaite également contribuer à la définition du meilleur cadre envisageable pour ce marché en s’engageant dans une démarche exemplaire, responsable et transparente.

Si l’opération a d’ores-et-déjà bénéficié d’un avis favorable de la part de l’agence de notation Vigeo-Eiris, le gouvernement souhaite apporter toutes les garanties aux investisseurs et éviter le risque de « green washing ». Michel Sapin a ainsi annoncé un double contrôle sur les dépenses financées. L’agence Vigeo Eiris se chargera quant à elle de vérifier la conformité des projets en amont du processus de financement. Un groupe d’experts sera enfin chargé d’évaluer l’impact environnemental de chacune des dépenses engagées.

« En introduisant l’idée d’un Conseil indépendant en charge de se prononcer, in fine, sur la qualité de la contribution à la transition des dépenses retenues, la France espère susciter une nouvelle vague d’intérêt pour les obligations vertes en Europe et dans le monde », a déclaré M. Sapin lors d’une conférence de presse.

La démarche de la France a été saluée par les organismes de défense de l’environnement. L’Organisation Non Gouvernementale WWF a notamment souligné dans un communiqué de presse « la qualité du dispositif qui correspond aux meilleurs standards de marché existant et va même au-delà en apportant des garde-fous sérieux ».

La France démontre une fois de plus son engagement sans faille dans la lutte contre le réchauffement climatique. Car au-delà de susciter des vocations auprès d’autres États, la démarche tricolore vise à donner un coup d’accélérateur au marché de la finance verte et à mettre tout en œuvre pour normaliser les bonnes pratiques qui devraient encadrer toutes transactions boursières.

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