La Réunion : vers une autonomie énergétique ?
L’essor des énergies renouvelables à la Réunion est remarquable. En 2015, près de 36% de l’électricité produite sur l’île a été générée à partir de ces nouvelles énergies. La loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit même qu’elle puisse afficher une autonomie énergétique en 2030. Éclairage avec la géographe Jessy Rosillette.
En quoi la Réunion est-elle une terre d’exception pour les énergies nouvelles ?
L’île de La Réunion est très souvent qualifiée de « laboratoire » pour les énergies nouvelles renouvelables dans les discours politiques ou encore dans les médias. Cette perception d’un territoire propice à l’expérimentation dans le domaine de l’énergie s’explique essentiellement à travers la géographie et ce, à deux niveaux.
D’abord, cette île volcanique bénéficie d’une situation géographique favorable à l’exploitation de nouvelles sources d’énergie : le climat tropical, l’ensoleillement, l’intensité pluviométrique à certains endroits ainsi que le relief réunionnais facilitent la mise en place d’un mix électrique original associant l’hydroélectricité, le photovoltaïque, l’éolien et la bagasse -résidu fibreux de la canne à sucre obtenu après son broyage – (pour la partie dite des énergies renouvelables).
Répartition de la production d’électricité par filière en 2015
Source : Edf – Les énergies renouvelables en corse et en Outre-mer (au 1er Janvier 2016)
Aussi, l’île est en train de devenir un véritable territoire expérimental en matière d’énergie. On assiste à un glissement progressif des représentations et de l’imaginaire insulaire. L’île est de moins en moins « l’espace chéri des romanciers » comme l’affirmaient Roger Brunet et Oliver Dollfus mais devient celui des chercheurs, des énergéticiens, des entreprises et des start-up. Avec une superficie de 2 512 km2, l’île de La Réunion accueille de nombreux acteurs privés dans le domaine de l’énergie.
Parc des installations de production par producteur
Source : Plateforme Open Data de EDF à la Réunion
Ce sont les îles qui, plus largement, sont considérées comme des territoires singuliers pour le développement d’énergies nouvelles renouvelables. La question de l’exception dépasse dès lors l’île de La Réunion même si celle-ci fait figure d’exemple à l’échelle nationale.
Comment sont aujourd’hui valorisées ces ressources énergétiques ?
Ces ressources énergétiques font l’objet d’initiatives politiques, associatives, de recherches et d’études. La formation joue un rôle central dans le processus de valorisation [Photo 1 : « Verrière photovoltaïque » au laboratoire PIMENT (Physique et Ingénierie et Mathématique pour l’Énergie, l’Environnement et le Bâtiment)] .
Par ailleurs, l’innovation prend une part importante dans ce processus. L’ « agrinergie » en est la parfaite illustration. Il s’agit d’une activité développée par l’entreprise Akuo Energy qui vise à associer la production d’énergie électrique et une activité agricole. [Photo 2 : Photovoltaïque-Production d’œufs issus de l’agriculture biologique et photo 3 : Photovoltaïque-Production de fruits de la passion issus de l’agriculture biologique] .
De plus, les énergies marines renouvelables mais aussi la géothermie sont sujettes à de nombreuses discussions. À ce propos, l’arrêté ministériel du 19 Octobre 2016 autorise des recherches de gîtes géothermiques à haute température dans les cirques de Salazie et de Cilaos (au profit de la société Volcanergie SAS).
On peut aussi citer le déploiement de micro-grids à Mafate de façon à apporter une réponse durable à la précarité énergétique que connaissent certains territoires réunionnais et pour finir la recherche autour du stockage ou encore de l’Énergie Thermique des Mers (ETM) qui vise à transformer cette dernière en énergie électrique; cette technologie doit être développée par la suite à La Martinique.
Crédit photos : Jessy Lauriane Rosillette
Pour finir, la modernisation technique et environnementale des installations déjà présentes s’inscrit dans cette dynamique de valorisation des ressources énergétiques [Photo 4 : Centrale électrique du Port] .
La Réunion est donc l’une des régions françaises les plus dotées en énergies renouvelables. Mais aussi l’une de celles où l’origine de la production est très carbonée. Pourquoi ce paradoxe du système électrique réunionnais ?
La Réunion est une Zone Non Interconnectée (ZNI) au réseau de transport continental hexagonal. Cette caractéristique l’oblige à importer des combustibles fossiles de manière à alimenter la centrale thermique du Port qui assure la sécurité de l’approvisionnement en électricité ; d’autant plus que la part maximale des énergies intermittentes est normalement limitée à 30% au sein du réseau électrique de l’île. S’ajoute à cela, l’utilisation importante du charbon qui représente 33% des importations de combustibles fossiles en 2015 selon l’Observatoire énergie Réunion (OER). L’île est en effet, pourvue de deux centrales thermiques -exploitées par l’entreprise Albioma- qui fonctionnent sur le système charbon/bagasse (celle de la sucrerie du Gol et l’autre à Bois Rouge).
Au-delà du système électrique de l’île, il existe un paradoxe du système énergétique réunionnais dans son ensemble. Il faut rappeler que l’importation des produits pétroliers n’est pas uniquement destinée à la production électrique mais aussi aux transports, à l’industrie et à l’agriculture. Au niveau des transports par exemple, le parc automobile réunionnais se maintient et le réseau des transports en commun reste peu développé.
La conséquence directe est donc l’augmentation de 39,7% de l’approvisionnement en combustibles fossiles entre 2000 et 2015, c’est-à-dire de 2,6% en moyenne par an (OER).
La Réunion trace son chemin vers les objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte : la moitié de la production d’électricité issue des EnR en 2020 et une autonomie énergétique en 2030. Ces objectifs sont-ils tenables ?
En ce qui concerne le premier objectif, il sera difficilement atteignable dans les trois ans à venir et ce, même si La Réunion peut très certainement, au vu des efforts qui sont faits et de la dynamique actuelle, s’en approcher. Par ailleurs, l’autonomie énergétique pour les territoires insulaires reste l’objectif ultime. C’est une question délicate et un processus difficile à mettre en place surtout sur le plan économique. L’autonomie énergétique fait aussi appel à l’imaginaire dont il était question dans une réponse précédente. L’île est vue comme un territoire plein de ressources et qui doit pouvoir les maîtriser. D’autres territoires insulaires ont réussi à relever le défi. On peut citer en exemple l’île de El Hierro au sein de l’archipel canarien. La véritable question est de savoir si le modèle énergétique de El Hierro peut par exemple s’appliquer à l’île de La Réunion ou à d’autres îles tout en prenant en compte les différences culturelles, historiques, politiques, statutaires et administratives ?
2030 c’est presque demain dans le domaine de l’énergie et pour respecter cet objectif, il faudra avant tout que la population locale s’approprie véritablement l’objet énergétique, puis que les moyens nécessaires continuent à être mis en place afin de respecter ces délais, disons-le, audacieux.
Crédit photo : @edf – Jean-Luc Petit
COMMENTAIRES
Avant de prendre comme modèle un territoire insulaire donné comme l’ile Canarienne de El Hierro, il serait necessaire d’aller analyser le bilan énergétique durant plus d’un an et 1/2 d’exploitation et ne pas se cantonner aux déclarations fumeuses de notre ministre de l’Environnement, la Duchesse du Poitou .
En effet l’ile a été 100 % renouvelable durant une période de 3,6 h durant l’année mi 2016-mi 2017, soit moins de 0.05 % du temps et son bilan du taux d’EnR effectivement utilisé se situe aux environs de 36 % du temps . Tout ceci pour une puissance appelée par les clients de 8 MW, une installation éolienne de 10 MW et une puissance hydraulique en turbinage de plus de 9 MW. Il a fallu investir 3 fois le besoin en consommation pour atteindre ce taux de 36 % ; de nombreux enseignements devraient être tirés pour cet investissement financé majoritairement par l’Europe .
Le problème d’adaptation est loin d’être culturel comme évoqué dans l’article mais dans une bonne connaissance des ressources effectivement utilisables .