Le fioul est mort, vive le bois-énergie
La fin programmée des chaudières au fioul annonce de beaux jours pour les énergies alternatives. Parmi elles, le bois-énergie plébiscité dans les foyers français.
Le fioul, c’est fini : depuis le 1er juillet dernier, il est officiellement interdit d’installer de nouvelles chaudières au fioul – ainsi qu’au charbon –, que ce soit pour la production d’eau chaude ou pour le chauffage. Le décret, paru au Journal officiel du 6 janvier 2022, fixe également les conditions auxquelles les ménages et entreprises du secteur tertiaire peuvent prétendre aux aides de l’Etat facilitant le remplacement des chaudières au fioul : MaPrimeRénov’, Coup de pouce chauffage, etc. Des aides publiques dont le montant peut, si la nouvelle installation utilise une énergie renouvelable, atteindre 11 000 euros.
Les ramoneurs débordés
En pleine crise énergétique et en prévision d’un hiver incertain, de nombreux Français n’ont, alors, pas attendu les premiers frimas pour se tourner vers le chauffage au bois. Et pour beaucoup de ces nouveaux convertis, c’est l’argument économique qui l’a emporté : présenté comme une alternative deux à trois fois moins chère que le fioul (5 centimes par kWh produit, contre 15 à 18 centimes), le bois-énergie surfe sur sa réputation d’énergie accessible, écologique et dont le prix est, à l’inverse de celui du fioul, décorrélé des fluctuations des marchés financiers.
L’engouement soudain des ménages français autour du bois-énergie n’est pas sans conséquence sur l’écosystème de la filière. En témoigne la recrudescence d’appels auxquels répondent les sociétés de ramonage, qui croulent sous les rendez-vous :« tous les jours, c’est au moins 30 appels pour des demandes de rendez-vous dans tout le département. Ça ne s’arrête pas », reconnaît ce professionnel du Vaucluse dans la presse locale. Alors que la « saison » du ramonage ne commence d’habitude pas avant les premiers coups de froid, de nombreux foyers ont, semble-t-il, décidé de relancer cette année leur vieille cheminée ou de s’équiper de nouveaux poêles à bois, et ce en dépit de l’envolée des prix. .
Des aides pour absorber la hausse des prix
Alors que près de 8 millions de foyers français sont aujourd’hui équipés de chauffage au bois-énergie, les autorités comme l’Ademe ont fortement encouragé les particuliers à se tourner vers les granulés, « cela a engendré une forte augmentation des prix du bois » observe Gérard Fellous, dirigeant de Quality-bûches. Hausse de la demande et arrivée de nouveaux revendeurs ont entraîné une croissance des tarifs du bois de l’ordre de 20%. Le prix du mètre cube de bois est ainsi passé de 55-57 euros à 60-65 euros chez certains marchands.
Pour amortir cette flambée des prix, les Français peuvent néanmoins compter sur une série d’aides publiques. Au début du mois de novembre, l’Assemblée nationale a adopté une enveloppe de 230 millions d’euros à destination des foyers qui ont recours aux bûches ou aux pellets de bois, dont le prix a explosé depuis quelques semaines. Selon leurs revenus, les ménages toucheront ainsi de 50 à 200 euros pour les aider à passer l’hiver. Le chèque, qui devrait bénéficier à 2,6 millions de foyers français issus de la classe moyenne, est à réclamer sur le site Chequeenergie.gouv.fr, à partir du 22 décembre.
Cercle vertueux
S’il contribue à un incontestable regain de tension sur le marché, cet engouement pour le bois-énergie n’en sert pas moins, à long terme, les objectifs climatiques de la France. Des objectifs ambitieux, puisque les autorités françaises souhaitent porter, d’ici fin 2023, à 9,5 millions le nombre de logements chauffés au bois, et même à plus de 11 millions en 2028 – à consommation de bois constante. Comme le rappelle l’Ademe dans un rapport consacré en janvier dernier à la question,« le bois-énergie est la première énergie renouvelable en France, représentant près de 39% de la production actuelle d’énergie renouvelable. Il a un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique de la France ». Et pour cause, si le bois-énergie représente une grande part de la chaleur renouvelable renouvelable en France (plus de 66%), les EnR restent encore sous représentées dans le bouquet énergétique français, qui selon le Cerema, est composé à 40 % de nucléaire, 28 % de pétrole, 16 % de gaz naturel, 14 % d’énergies renouvelables et déchets et 2 % de charbon. L’intérêt croissant pour le bois-énergie constitue donc une porte d’entrée pour le développement de la filière et de facto celui des énergies renouvelables.
D’autant plus que la production de bois énergie s’inscrit aussi, par essence, au cœur de l’économie circulaire et de la gestion durable des forêts. Le bois-énergie est un co-produit du bois d’œuvre et du bois d’industrie : « Le bois-énergie arrive à la fin de la chaîne d’exploitation du bois. On ne peut dissocier la production de plaquettes forestières de celle de bois d’œuvre et de bois d’industrie », explique Sylvie Pellerin Drion, chercheuse rattachée à l’IDHES (Institutions et Dynamiques historiques de l’économie et de la société).
