Le Royaume-Uni abandonne sa souveraineté énergétique
Imaginez un pays dont l’électricité serait contrôlée en quasi-totalité par des entreprises étrangères. C’est désormais le cas en Grande-Bretagne, avec la prise de contrôle d’International Power par GDF-Suez. Paradoxe : la France s’en félicite, mais elle ne l’accepterait jamais sur son territoire.Selon le projet présenté ce mardi, GDF-Suez détiendra 70% d’International Power. Le groupe français deviendra ainsi le propriétaire de six centrales électriques en Grande-Bretagne, et le fournisseur d’électricité de 4 millions de foyers.
Plus que deux producteurs d’énergie britanniques
Pour l’essentiel, la production et la distribution d’énergie en Grande-Bretagne seront désormais contrôlées par :
- Des Français : avant GDF-Suez, EDF avait racheté British Energy en 2008
- Un Chinois : EDF vient de revendre au milliardaire Li Ka-shing son réseau de distribution en Grande-Bretagne
- Des Allemands : en 2002, le groupe E.On a racheté Powergen et RWE s’est emparé de nPower
- Des Espagnols : en 2006, Scottish Power est passé sous le contrôle d’Iberdrola
Ouvert à la concurrence en 1998, le marché britannique ne compte plus que deux acteurs nationaux, Centrica et Scottish and Southern Energy. Pourtant, l’annonce du rachat d’International Power par GDF-Suez n’a pour l’instant pas ému la classe politique.En France, en revanche, on applaudit. Dans un communiqué, François Fillon « se félicite de la constitution d’un leader mondial de la production d’électricité », en rappelant que l’Etat détient plus de 35% de GDF-Suez :
« Cette opération industrielle de grande envergure montre la vitalité et le dynamisme des grandes entreprises industrielles françaises, dans un secteur particulièrement stratégique. »
Indépendance énergétique et patriotisme économique
La France a elle aussi ouvert son marché de l’énergie, mais difficile d’imaginer qu’elle le laisse passer sous contrôle étranger. Au nom de l’indépendance énergétique, mais aussi du patriotisme économique.La fusion de GDF et Suez, en 2006, visait d’ailleurs à éviter une OPA hostile du groupe italien Enel sur Suez. Depuis, la stratégie n’a pas changé : constituer des « champions nationaux » contrôlant fermement le marché national, et capables de s’imposer sur les marchés étrangers.Les Britanniques sont prêts à renoncer à leur indépendance énergétique, à condition que cela ne fasse pas grimper les factures d’électricité. En 2008, l’organisation de défense des consommateurs Consumer Focus accusait ainsi les groupes étrangers comme EDF de « vider les poches des consommateurs » britanniques : obligés de maintenir leurs tarifs au plus bas sur leurs marchés « fermés et protectionnistes », ils se rattraperaient en augmentant leurs prix en Grande-Bretagne.Pourtant, la Grande-Bretagne n’est pas totalement insensible au patriotisme économique. Tout en cédant ses centrales électriques à des groupes étrangers, elle s’était battue pour empêcher l’Américain Kraft de racheter le producteur de bonbons Cadbury, un symbole national. Un combat là aussi perdu.