Linky et 5G : mêmes combats ?
Alors que les prises de positions antagonistes sur la technologie 5G s’installent dans le paysage médiatique, qui se souvient qu’à la fin de l’année 2015 naissait, à la surprise générale, la « controverse Linky » qui rassemblait à peu près les mêmes ingrédients à propos d’un objet aussi apparemment anodin que les compteurs électriques.
On ne peut qu’être frappé à cinq ans d’intervalle par la similitude entre ces deux trains de polémiques. Il y a cinq ans les anti-Linky arguaient déjà des effets sanitaires des ondes électromagnétiques, de leurs dangers sous-estimés à faible dose et des failles des études officielles. Ils dénonçaient également les atteintes à la vie privée permises par les nouvelles technologies du « big data ».
Plus généralement les plus radicaux d’entre eux remettaient en question déjà les fondements d’une société basée sur la croissance et le progrès. Dans un projet très construit ils utilisaient déjà l’empêchement des avancées technologiques comme instrument de lutte sociale.
Autre similitude : le rôle joué par les maires. Certains d’entre eux, dès l’année 2016, engageaient un bras de fer juridique avec l’Etat et Enedis.
Les tribunaux administratifs eurent ainsi à trancher entre, d’une part, les prérogatives et compétences des conseils municipaux en matière de protection des populations et d’autre part la loi française, ayant dûment autorisé le déploiement des compteurs Linky dans le cadre d’une directive européenne.
Une issue incertaine des débats sur la 5G ?
Au-delà des ressemblances, des différences substantielles séparent aussi ces deux « moments » du débat de société de notre pays et rendent peut-être plus incertaine l’issue des confrontations des visions sur la 5G. L’intensité tout d’abord. En 2020 des municipalités métropolitaines à majorité écologiste ont vu le jour, elles ont clairement fait connaître leurs réserves, de précaution ou de principe sur la 5G, elles pèseront d’un poids bien plus lourd dans le débat que les maires de petites communes qui s’opposèrent aux compteurs Linky.
Symétriquement, l’engagement de l’Etat au plus haut niveau est sans commune mesure dans les deux affaires : du Secrétaire d’Etat Cedric O, avocat fervent de la 5G dans tous les grands média jusqu’au chef de l’Etat lui-même qui raille les opposants assimilés à la « lampe à huile ».
C’est donc sur le terrain de la politique nationale que la 5G pourrait rapidement s’installer, sur fond de Convention Citoyenne sur le Climat et d’échéances électorales…
Autre différence de taille : on croit savoir que les équipements 5G, en général installés sur le domaine public, sont soumis aux décisions d’urbanisme à la main des maires, ces derniers disposent donc d’un pouvoir d’obstruction juridique qui n’existait nullement dans le cadre du déploiement des compteurs Linky.
Les territoires au cœur de la bataille
C’est donc essentiellement sur le terrain municipal que la bataille de l’opinion et les joutes juridiques de la 5G se joueront. A ce titre quelques villes seront observées particulièrement.
On songe par exemple au cas emblématique de la métropole rennaise, singulièrement concernée par les débats autour de la 5G car, peu le savent, elle dispose d’un exceptionnel vivier de laboratoires et d’entreprises d’excellence dans le domaine des télécommunications, tout en se distinguant par ailleurs par une « tradition » bien ancrée dans la jeunesse rennaise d’activisme militant toujours aux avant-postes des luttes environnementales et sociales.
La municipalité et les opérateurs de télécommunications devront trouver la voie étroite qui conciliera ces deux blocs très puissants dans l’opinion, tous deux constitutifs de l’identité de la ville.
Pour les maires et pour l’Etat, le recul porté aujourd’hui sur le déploiement des compteurs Linky devrait être un facteur d’apaisement.
En dépit des controverses le projet approche de sa conclusion en ayant respecté ses objectifs techniques, de coût, de délai et de budget et on en retient aujourd’hui surtout les avantages : une technologie 100% française et qui s’exporte, des usages essentiellement tournés vers les économies d’énergie et qui stimulent l’innovation.
Un atout imprévu au départ est même aujourd’hui mis en avant : les nouveaux compteurs s’avèrent particulièrement utiles en période de crise sanitaire en permettant les interventions à distance sans déplacement de techniciens au domicile des particuliers…
La face sombre des réseaux sociaux
On préfèrera toujours le débat aux arguments d’autorité et on ne peut que comprendre et même louer les municipalités qui souhaitent conditionner le déploiement effectif des nouvelles technologies à l’acceptation et à la participation des habitants, concernés au premier chef.
Elles ont raison car les réticences et la défiance qui s’expriment aujourd’hui sont certainement la conséquence lointaine de l’absence criante dans le passé de débats de fond sur les questions technologiques.
C’est la face positive et encourageante de ces controverses d’un type nouveau. On se doit également d’en citer la face plus sombre : les techniques de désinformation et de « fake news » y sont souvent à l’œuvre plus qu’ailleurs, elles bénéficient de la puissance incommensurable d’internet et des réseaux sociaux, elles gangrènent souvent les échanges, polarisent les opinions au lieu de tenter de les rapprocher, rendant d’autant plus périlleuse et difficile la nécessaire tâche de recherche de solutions et de compromis qui incombe aux responsables politiques.
COMMENTAIRES
Et bien avant encore la lutte contre les fours à micro-ondes dont les ondes néfastes détruisaient nos neurones
Exact !
Techniquement, Linky est plus proche du minitel que de la 5G