Linky, transition énergétique… : interview de Joël Pain pour le candidat François Fillon
Dans le cadre de l’élection présidentielle, nous interrogeons les conseillers « énergie » des principaux candidats. Aujourd’hui, interview de Joël Pain. Pour le porte-parole « développement durable » de François Fillon, le nucléaire est une filière d’avenir, plusieurs directions doivent être empruntées pour asseoir dans la durée le succès des énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique, et le compteur Linky est un levier très utile pour maîtriser les consommations.
Quel bilan tirez-vous de la politique énergétique du quinquennat écoulé ?
Elle a passablement été caractérisée par le bruit et la confusion, avec un dogmatisme qui le disputait à l’agitation brouillonne. Quatre Ministres de l’Environnement ce n’est pas la meilleure base pour une action pertinente dans la durée. Des décisions dispendieuses et insensées, comme la fermeture de Fessenheim, pas même suivie (c’est heureux !) d’effet. Sur le plan industriel de très grands acteurs à vocation mondiale, comme Alstom, mais bien d’autres (Technip…) sont passés en mains étrangères. Les deux opérateurs nationaux en mauvaise forme, dans un cadre à faible visibilité. Le tout avec une augmentation considérable de la précarité énergétique. Non, il faut beaucoup de mauvaise foi pour trouver le bilan satisfaisant.
Le sujet phare de la campagne concernant l’énergie est de loin celui du nucléaire. François Fillon s’appuie sur l’exploitation des centrales existantes. L’Etat doit-il continuer à développer l’EPR de Flamanville ?
Oui, naturellement, parce que c’est une filière d’avenir dans laquelle la France détient un leadership reconnu, et qui a devant elle un grand potentiel à l’international. Face aux risques que fait peser le changement climatique, la réponse est la décarbonation, notamment de l’énergie, et dans cet objectif vertueux le nucléaire a toute sa place à coté des énergies renouvelables. C’est ce que pensent aussi un certain nombre de grands pays de demain, comme la Chine ou l’Inde, ainsi que des pays européens comme la Grande Bretagne, qui entend sécuriser son approvisionnement en étant offensif dans la lutte contre l’effet de serre. Des montants considérables ont été consentis à Flamanville et ce n’est pas lorsque l’on touche au but qu’il convient de tout remettre en cause par pure idéologie : plus que « développer », il s’agit de terminer, dans le respect des prescriptions de l’ASN, un chantier proche de la terminaison.
Comment réussir vraiment, selon vous, la transition énergétique que la loi de 2015 a imposée ?
Nous n’aimons pas le mot « transition », car il laisse entendre qu’il y a un point d’arrivée, à partir duquel les choses stopperaient. Il s’agit plutôt d’une « transformation », exigence continue dans les systèmes vivants, et une transformation qui n’est pas prête de s’arrêter ! Dans ce processus, la loi de 2015 a joué son rôle, après le Grenelle de l’Environnement, historique, qui a le rôle fondateur que l’on sait.
Plusieurs directions doivent être empruntées pour asseoir dans la durée le succès des énergies renouvelables.
La Première est technologique et industrielle : il faut renforcer l’effort amont dans la R&D et l’innovation, et constituer en parallèle de véritables filières industrielles françaises, autour de pôles de compétitivité.
La deuxième est économique et financière : elle tient d’une part au principe que l’extinction des subventions dépende de la maturité des énergies (d’ici 2020 pour peu que l’éolien soit installé là où il y a du vent et le soleil là où il y a du soleil, on peut raisonnablement penser que la question de la compétitivité n’en soit plus une), et d’autre part à ce que la transformation consiste en une transition vers un mécanisme de marché. Il faut donc des mécanismes souples, aisément réversibles, dispositif vertueux qui conduise à la compétitivité-marché en étant facile à faire disparaître le moment venu, comme les contrats pour différence. Tout cela doit en outre s’accompagner d’une maitrise des volumes, et d’une généralisation des appels d’offre.
Une troisième pourrait être d’encourager les nouveaux modèles d’affaires construits sur la digitalisation et la décentralisation, laquelle est un complément d’avenir au système central. La créativité des start-up françaises permettra de transformer ce défi en nouvelle frontière stimulante, mobilisatrice, et créatrice d’emplois.
Tous les candidats comptent développer les énergies renouvelables. Est-ce du marketing ou une réelle volonté politique ?
Pour ce qui concerne François Fillon, il ne s’agit pas de sortir du dogmatisme pour aller dans la communication. La volonté politique qui doive inspirer et structurer la stratégie est plus simplement libérer et faciliter l’avènement tendanciel des énergies de demain, construit sur les ruptures technologiques comme les tendances sociétales de fond. Elles fonctionneront en complément des systèmes centraux, garants pour encore longtemps de la sécurité énergétique de la nation et, dans une grande mesure, de l’égalité des coûts.
Que vous inspire la contestation autour du compteur Linky ? Est-il un levier utile pour lutter contre le gaspillage et la surconsommation électrique ?
La maîtrise passe par la connaissance. Linky est de ce point de vue un levier très utile pour maîtriser les consommations. Parce qu’il informe, il est un instrument incontournable, quelles que soient les incitations parallèles visant à réduire les consommations, qui sont un enjeu majeur de toute politique énergétique moderne.