L’innovation verte, clé de voûte dans les DROM et en Corse
Responsables de leur propre transition énergétique, les territoires d’outre-mer et la Corse affichent, en la matière, des objectifs plus ambitieux que la France métropolitaine. Afin d’atteindre l’autonomie énergétique à moyen terme, ces régions insulaires multiplient les innovations, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables.
Des territoires insulaires en quête d’indépendance
« Zones insulaires non-interconnectées », un nom barbare qui en ferait presque oublier leurs paysages idylliques des plus belles îles françaises. Pourtant les ZNI, pour les intimes, désignent bien « les territoires français dont l’éloignement géographique empêche ou limite la connexion au réseau électrique continental« , à savoir la Corse, les DROM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte), les COM (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna) ainsi que les îles bretonnes (Glénan, Ouessant Molène, Sein) et normandes (Chausey). Du fait de leur isolement par la mer ou l’océan, ces zones nécessitent un niveau élevé d’importations d’énergies fossiles (fioul, gaz et charbon), qui servent essentiellement aux transports et à l’électricité. Au 31 décembre 2015, la part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique de la Corse et des DROM (hormis Mayotte) atteignait 27,3 %, soit 10 points de moins que la moyenne française. Mais la dépendance énergétique y était partout supérieure à 80 % en 2013. D’où les objectifs ambitieux fixés par la loi sur la transition énergétique de 2015 pour les ZNI : les DROM visent l’autonomie énergétique d’ici 2030, avec un palier à 50 % d’EnR dès 2020 ; tandis que la Corse aspire à l’indépendance énergétique à l’horizon 2050, avec une étape à 40 % d’énergies vertes dans sa production d’électricité en 2023.
Si en 2013 l’écart était plutôt faible entre le territoire le plus dépendant d’apports en énergie extérieure (Martinique – 94,7 %) et celui le plus autonome (Guyane – 81 %), il s’avérait beaucoup plus grand en termes de part des EnR dans le mix électrique : 6 % en Martinique contre 63 % en Guyane. Le développement des énergies vertes, majoritairement issue de l’hydraulique et du photovoltaïque, reste néanmoins une tendance majeure dans l’ensemble des ZNI. Leur niveau de puissance raccordée a progressé de 41,8 % en cinq ans (1228 MW en 2015, contre 866 en 2010), la file d’attente des installations renouvelables ayant même augmenté de 57,2 % de entre 2014 et 2015. D’importantes économies sont à la clé pour la direction SEI (Systèmes énergétiques insulaires) d’EDF, qui estime à 10,8 milliards d’euros le surcoût cumulé entre 2002 et 2013 pour proposer aux populations insulaires des tarifs égaux à ceux de leurs compatriotes vivant en métropole. « On paye l’électricité au même prix que l’on habite Strasbourg, Guéret dans la Creuse, Saint-Denis de La Réunion ou Ajaccio, explique Frédéric Busin, ancien directeur d’EDF-SEI. C’est la péréquation tarifaire basée sur le principe de solidarité nationale. »
« Dans un tel système, on ne compte que sur nous-mêmes »
Pour y parvenir malgré des coûts de production jusqu’à cinq fois supérieurs à ceux des réseaux interconnectés, l’opérateur de service public intervient sur l’ensemble de la chaine : production et achat d’électricité, gestion de l’offre et de la demande, transport, distribution et fourniture au client. Le but : maîtriser les consommations d’électricité et l’efficacité énergétique des bâtiments, des équipements et des matériels, tout en intégrant progressivement des EnR dans le mix énergétique. Plusieurs expérimentations sont menées dans ce domaine afin de pouvoir, une fois la bonne combinaison trouvée, les adapter à plus grande échelle. « La première qualité d’une source d’énergie électrique dans les zones non-interconnectées est d’être disponible, car dans un tel système on ne compte que sur nous-mêmes, estime Frédéric Busin.[…] Toutes les solutions ne sont pas trouvées aujourd’hui. Il faut rester le plus ouvert possible, ne pas rester dans des modèles et avoir une approche systémique. »
Les innovations au coeur de la transition énergétique des territoires insulaires
Depuis l’adoption de la loi sur la transition énergétique, les ZNI sont placées à la pointe du développement des EnR afin de trouver les solutions les mieux adaptées à chaque situation. De nombreux projets voient le jour de toutes parts. EDF a ainsi investi plus de 5 milliards d’euros ces 10 dernières années pour financer pas moins de 90 innovations. Sa direction SEI planche notamment sur un dispositif de micro-réseau solaire avec stockage par hydrogène pour l’accès à l’électricité à Mafate (La Réunion), ainsi que sur un smart-grid 100 % vert (biomasse/hydraulique) pour se passer du pétrole à Saint-Georges de l’Oyapok (Guyane). En Corse, l’opérateur est également à l’initiative de Viasole, un système de recharge intelligente destiné à alimenter des véhicules électriques en énergie renouvelable. En Guadeloupe, la start-up An Sav Fè Sa a lancé Carter, une plateforme et une application de covoiturage et de chauffeurs privés. En Martinique, Green Technologie met à disposition des entreprises, collectivités et particuliers des solutions de transition énergétique adaptées aux territoires insulaires.
Pour encourager et valoriser les innovations vertes en outre-mer, plusieurs événements récompensent ces entrepreneurs, comme les Electric Days d’EDF fin janvier ou le concours Innovation Outre Mer de BPI France fin novembre. Derrière ces jeunes pousses se cache peut-être le géant mondial de la greentech de demain…