« La loi acte la suppression de l’IRSN qui est l’âme et la mémoire de la sûreté nucléaire en France »
Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Mathias Roger, sociologue des sciences et des techniques et spécialiste des questions de gestion des risques naturels et industriels, pour évoquer avec lui la loi sur la fusion entre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en une nouvelle entité, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), et ses conséquences sur la politique énergétique française.
Toutes les missions de l’IRSN seront transférée à la future ASNR, sauf deux activités : la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND), qui relèvera du ministère des Armées, et les activités concernant la fourniture et l’exploitation de dosimètres à lecture différée, qui relèveront du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ou d’une de ses filiales.
Le Monde de l’Énergie —La loi actant la fusion de l’ASN et de l’IRSN en une future ASNR a finalement été votée, validée par le Conseil constitutionnel et promulguée, malgré l’opposition de la gauche et du groupe Liot. Quels arguments avançaient les opposants ? Vous semblent-ils justifiés ?
Je pense que leur principal argument est que le système en place fonctionnait plutôt bien et était, en tout cas, érigé en modèle à l’international. En changer aussi brusquement, sans concertation et au moment d’une accélération du programme nucléaire semble un peu cavalier. La précédente réorganisation de ce genre avait mis 20 ans à se mettre en place. Il faut un peu plus d’une année pour celle-ci. Surtout, il faut avoir en tête que la loi acte la suppression de l’IRSN qui est l’âme et la mémoire de la sûreté nucléaire en France. Son histoire remonte au milieu des années 1950 et est celle des grands pionniers du nucléaire français. Supprimer cet organisme sans consultation est quand même insultant pour ses membres qui ont, à juste titre, le sentiment de n’avoir pas démérité. Enfin, les opposants de la réforme ont beaucoup insisté sur son manque de cohérence, ainsi que sur le manque de connaissance du système de la part des porteurs de projets. Les motivations n’étaient pas très claires et surtout, on ne voyait pas très bien en quoi les articles de la loi les servaient.
Il y a, de mon point de vue, effectivement, un certain paradoxe entre la volonté quelque peu nostalgique de vouloir reproduire le succès du plan Messmer des années 1970 tout en proposant une loi qui éloigne le système de ses racines.
Le Monde de l’Énergie —Comment cette fusion va-t-elle s’opérer ? Quels seront ses principales conséquences opérationnelles ?
L’essentiel des aspects pratiques de la fusion (en particulier l’articulation entre l’expertise portée par les anciens de l’IRSN et la décision par ceux de l’ASN) a été laissé au règlement intérieur de la future entité. Des groupes de travail mixtes ASN-IRSN sont en place depuis plusieurs mois pour rapprocher les outils, les modes de fonctionnement et préparer ce règlement. Ce travail va s’accélérer maintenant qu’un préfigurateur, qui devrait aussi être le futur président, a été nommé. Pour ce qui est des conséquences opérationnelles, tout semble encore possible. Ce qui est certain, c’est que ce processus de fusion occupe de nombreuses personnes, en temps et en esprit, qui ne sont plus disponibles pour régler les affaires courantes.
Le Monde de l’Énergie —Quel est le calendrier prévisionnel de cette fusion ? Aura-t-elle des conséquences sur les processus de certification des futurs EPR2 ou la mise en service de l’EPR de Flamanville ?
La fusion est prévue pour le 1er janvier 2025. Pour l’EPR de Flamanville, je ne pense pas qu’elle aura de conséquences dans un premier temps. Sauf incident, il ne reste plus d’échéances importantes avant mise en service. Pour l’EPR2, ce sont des dossiers qui occupent pleinement les équipes de l’IRSN depuis plusieurs années déjà. Très rapidement, il va y avoir des échéances cruciales (décret d’autorisation de création puis rapport préliminaire de sûreté) qui vont tomber en plein rodage de la future entité. Difficile de prévoir comment cela va se passer, mais pas comme d’habitude, c’est certain !
COMMENTAIRES
Ce n’est pas l’IRSN qu’il fallait supprimer……c’est le lancement de nouveaux EPR
Et toujours dans la nuance notre Sieur Rochain !!!
Normal il fait parti du front populaire avec la panot !