Comment réaliser la maintenance des éoliennes par drone ?
Par Quentin Blin, Quentin Marinelli et Capucine Taillard, consultants chez Wavestone (via le blog EnergyStream)
Interview de Paul Fontaine, fondateur de SkyVisor, jeune PME développant une solution de maintenance prédictive par drone pour les éoliennes.
Pouvez-vous présenter SkyVisor ?
Paul Fontaine : SkyVisor est une entreprise qui a été fondée il y a 3 ans fournissant une solution de maintenance prédictive pour les parcs éoliens et solaires.
L’entreprise est née du besoin de moderniser la maintenance des parcs d’énergies renouvelables par la digitalisation, encore trop peu développée actuellement. SkyVisor propose en ce sens une inspection digitalisée et standardisée des infrastructures des parcs de ses clients à l’aide de drones autonomes.
Les exploitants ont aujourd’hui une marge de progression pour réduire leurs dépenses liées à la maintenance, qui est principalement curative, contrairement à d’autres secteurs plus matures comme le secteur aérien par exemple.
Nous aidons nos clients à détecter des défauts sur leurs infrastructures pour mieux appréhender la santé de chaque asset et planifier au mieux les interventions de maintenance préventive.
L’objectif est d’accompagner nos clients dans leur montée en compétence et autonomie sur les inspections par drones. Nous sommes persuadés que les équipes de maintenance et leur connaissance des machines sont les plus légitimes pour effectuer ces opérations d’inspection.
Qui sont vos clients et leurs principaux enjeux ?
PF : Nos clients sont principalement des producteurs d’énergie indépendants. Nous travaillons entre autres avec le producteur d’électricité renouvelable Boralex, ainsi qu’avec le spécialiste du développement éolien Enertrag.
Ces acteurs nous font confiance pour les accompagner dans l’inspection de leurs assets et pour gagner en autonomie dans la maintenance de leurs infrastructures. Un des enjeux est le coût d’acquisition d’images précises des défauts sur les structures : l’utilisation de drones autonomes permet de réduire drastiquement les coûts avec une inspection rapide et réplicable tous les 6 mois sans perte de qualité.
Un autre enjeu important est la flexibilité. Nos clients souhaitent avoir la possibilité d’inspecter leur parc en fonction de leurs besoins sans avoir à passer par un tiers externe dont la maintenance éolienne n’est pas le cœur de métier.
Cette flexibilité permet de planifier et d’optimiser la durée d’immobilisation des assets qui représente un coût non négligeable.
En effet, une heure d’arrêt d’éolienne représente un manque à gagner de plus de 200€ pour l’exploitant. Les outils mis à disposition du client lui permettent de qualifier les données collectées après un premier accompagnement, le rendant ensuite autonome sur ces outils.
Quelle est la valeur ajoutée de SkyVisor sur les opérations de maintenance d’éoliennes ?
PF : Nous proposons une solution dont le facteur différenciant est la rapidité. Cette inspection éclair est entre 3 et 10 fois plus rapide que la concurrence. En moyenne, 18 minutes sont nécessaires pour inspecter les 3 pales d’une éolienne, ce qui limite d’autant plus les coûts d’immobilisation des assets pour l’exploitant.
En plus de la rapidité d’inspection, nous rendons nos clients autonomes. Auparavant, l’exploitant faisait appel à des sous-traitants pour sa maintenance, ce qui engendrait des problèmes de planning. Avec notre solution, l’exploitant choisit lui-même les plannings d’intervention.
L’assouplissement de la législation sur les vols de drones nous a permis d’aller dans le sens d’une internalisation de la maintenance : la formation d’un agent au pilotage de drone a été simplifiée et réduite à une journée.
Enfin, les vols de nos drones sont entièrement autonomes : le drone reconnait les parties de l’éolienne à inspecter et effectue son inspection sans nécessité de pilotage.
Comment sont collectées et agrégées les données relatives à la santé des infrastructures éoliennes et solaires ?
PF : Les opérations d’inspection ont souvent lieu au printemps ou à l’automne. La règlementation impose une inspection tous les six mois. Ces inspections obligatoires sont complétées par d’autres inspections préventives, que nous pouvons d’autant plus multiplier que l’inspection est à faible coût pour l’exploitant.
Les données sont collectées par le drone puis stockées chez SkyVisor. Nous proposons un modèle de SaaS (Software as a Service) avec un abonnement logiciel. Nos clients ont alors accès aux outils d’acquisition et d’agrégation des données via ce logiciel.
Une plateforme web permet ensuite à l’exploitant de traiter ces données, tout en étant aidé par nos méthodes de machine learning pour détecter plus rapidement les défauts sur les images.
Quels sont les principaux cas d’usage traités par SkyVisor ?
PF : Concernant l’inspection des éoliennes, le drone suit le même parcours que pour les inspections précédemment réalisées afin de prendre des photos selon les mêmes angles. Cela permet une comparaison plus aisée entre les photos pour qualifier l’évolution des structures et, s’il y a lieu, des défauts. Le drone effectue dans un premier temps une inspection des pales, qui sont numérotées, puis dans un second temps une inspection de la tour. Pour l’analyse des images, nous avons entraîné des algorithmes à détecter différents types de défauts sur les structures comme l’érosion du bord d’attaque, les traces d’impacts de foudre ou les défauts de structure composite.
Photos de défauts ou d’impacts de foudre sur les pales d’éoliennes ; Source : SkyVisor
Côté panneaux solaires, le drone est équipé d’une caméra à vision infrarouge afin de détecter les éventuels points chauds sur les panneaux, signe qu’une cellule solaire est défectueuse. On peut ainsi rapidement identifier le panneau solaire responsable d’une baisse de production électrique. Nous pouvons également détecter les obstructions sur les panneaux solaires, causées par les déjections d’oiseaux ou par les débris végétaux projetés sur les cellules lors de l’entretien du terrain.
Photo aérienne de panneaux solaires : rien n’indique un dysfonctionnement ; Source : SkyVisor
Photo des mêmes panneaux solaires en caméra thermique : présence d’un point chaud sur un des panneaux ; Source : SkyVisor
Quelles sont vos perspectives de développement ?
PF : Concernant le développement international de notre activité, nous cherchons à nous ouvrir aux marchés extérieurs européens.
Actuellement, nous travaillons avec des exploitants de parcs éoliens en Allemagne et en Belgique notamment. Nous commençons également à intervenir au Portugal pour les parcs solaires, et nous prévoyons de nous étendre prochainement en Italie et en Espagne. La forte densité en éoliennes des pays nordiques nous pousse également à prospecter dans ces pays.
Enfin, sur l’offre que nous proposons à nos clients, nous souhaitons développer et compléter la boîte à outils du chargé d’exploitation pour enrichir l’inspection à plus de composants.
Aussi, nous travaillons étroitement avec des constructeurs français de drones pour augmenter leur robustesse et leur autonomie dans l’optique de toujours simplifier leur usage par des chargés d’exploitation.