Nucléaire de troisième génération : où en sommes-nous ?
Plus puissant et offrant de meilleures performances environnementales, le nucléaire de 3ème génération (EPR) prend forme en France. Dans un contexte de profonde mutation de la filière nucléaire française, l’avenir du secteur repose en grande partie sur sa réussite. Dans la lignée de l’EPR, l’EPR2 reprend le meilleur de cette technologie tout en intégrant des optimisations issues du retour d’expérience des projets en cours et des centrales françaises en fonctionnement.
Malgré la fermeture annoncée de 14 réacteurs d’ici 2035, l’énergie nucléaire reste une énergie d’avenir. Certes, la feuille de route énergétique de la France, la fameuse PPE, ambitionne d’avoir réduit à 50 % la part de l’atome dans le mix électrique national en 2035. Mais pour atteindre ces objectifs en matière de neutralité carbone à l’horizon 2050, il apparaît nécessaire de conserver l’option nucléaire dans la trajectoire énergétique long terme. Cela suppose la modernisation d’une partie du parc existant, déjà engagée dans le grand carénage, mais aussi la construction de nouvelles centrales pour renouveler certains des réacteurs que le gouvernement s’est engagé à fermer. Dans un contexte de transition énergétique favorable aux énergies décarbonées telles que le nucléaire, la loi climat ouvre ainsi la porte à une filière nucléaire française en pleine mutation, mobilisée autour de sa technologie de référence : l’EPR.
Les deux premiers exemplaires fonctionnent dans le sud de la Chine. A Taishan, l’unité n°1, mise en service en décembre 2018, produit déjà plus d’1 TWh par mois. L’unité n°2 est d’ores et déjà connectée au réseau et entrera en service dans les prochaines semaines. Avec leurs 1 650 MW de capacité installée, ces réacteurs de nouvelle génération ne sont pas seulement les plus puissants au monde. Ils permettent aussi une diminution de 17 % de la consommation de combustible par rapport à leurs prédécesseurs de 1 450 MW, tout en produisant 30 % de déchets radioactifs en moins.
En France, toute la filière est mobilisée pour faire aboutir deux projets essentiels pour son avenir
À Flamanville, dans la Manche, le démarrage a une nouvelle fois été repoussé afin de permettre la réparation de 8 soudures situées dans le béton de l’enceinte du bâtiment réacteur présentant des anomalies. Lors d’une séance de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques le 17 juillet, l’énergéticien français a annoncé trois scénarios envisagés pour apporter une solution technique au problème. « Pour chacun de ces scénarios, nous sommes en train de travailler le plus rapidement possible une description technique et précise de l’intervention, à un planning détaillé et à une analyse complète des risques », a déclaré Xavier Ursat, directeur exécutif en charge de l’ingénierie et du nouveau nucléaire chez EDF. En attendant que la meilleure option soit choisie en concertation avec l’ASN, il est difficile de connaître précisément les implications du scénario retenu en termes de coût et de planning. A date cependant, la mise en service ne pourra être envisagée avant fin 2022.
L’EPR 2, un modèle plus facile à construire, moins cher mais toujours aussi sûr pour préserver l’avenir du nucléaire français
Dès 2011, EDF et Framatome ont engagé plusieurs démarches, indépendantes ou communes, visant à optimiser l’EPR. C’est ainsi qu’est né le projet EPR2. « L’EPR 2 est un réacteur pour une utilisation française, proche de l’EPR pour en utiliser tout le retour d’expérience, mais optimisé en termes de coût et de délais de fabrication », décrit Xavier Ursat.
L’ASN a remis le 18 juillet 2019, un avis satisfaisant sur le niveau de sûreté des principaux choix de conception retenus par EDF pour son EPR2. Elle considère que « les objectifs généraux de sûreté, le référentiel de sûreté et les principales options de conception sont globalement satisfaisants ». Dans un précédent rapport émis en février 2018, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et le groupe permanent réacteur de l’ASN avaient déjà jugé les options proposées par l’EPR2 comme étant « de nature à assurer un niveau de sûreté au moins équivalent à celui du réacteur EPR Flamanville 3 », lui-même considéré comme l’un des plus sûrs au monde.
Pour EDF, l’objectif est à présent de répondre aux questions de l’ASN en 2020, en vue d’une éventuelle demande d’autorisation de création d’un réacteur d’ici 2021. Pour rappel, le design de l’EPR 2 est basé sur une volonté d’optimisation par rapport à l’EPR de Flamanville. En d’autres mots, le modèle se veut plus simple à construire et moins cher que la version actuelle, avec un niveau de sûreté au moins aussi élevé. Pour y arriver, EDF compte notamment sur le retour d’expérience que lui apportent les chantiers EPR dans le monde et l’exploitation de ses centrales en France.
En Grande-Bretagne, la fin de la construction, dans les temps, de la dalle béton du réacteur d’Hinkley Point C en juin dernier montre que la prise en compte du retour d’expérience au fur et à mesure des chantiers est efficace. De quoi donner confiance dans la capacité de la filière française à, progressivement, reconstituer ses compétences et envisager le lancement de nouveaux projets, que ce soit en France ou dans le monde, notamment en Inde, où un projet de construction de six EPR est en actuellement en cours de négociation.