OPEP : l’accord suffira-t-il à faire remonter durablement les cours du pétrole?
Après des mois de dissension, les membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) se sont finalement entendu sur une baisse de la production d’or noir. Objectif du compromis passé entre les 14 membres du cartel : retrouver un équilibre économiquement favorable entre l’offre et la demande sur un marché où le prix du baril de brut est trois fois inférieur à celui d’il y a deux ans. Une stratégie de la dernière chance qui a été accueillie plus que favorablement sur les places boursières, le cours du pétrole s’inscrivant instantanément à la hausse au New York Mercantile Exchange.
Enjeux de l’accord
Face à une crise sans précédent dans l’histoire du marché pétrolier, les membres de l’OPEP avait annoncé en septembre dernier leur volonté de réduire leur production d’or noir. L’objectif étant de faire passer la production de pétrole entre 32,5 et 33 millions de barils par jour pour réduire la surabondance des stocks et relancer les cours du brut. Mais les antagonismes minant toute entente possible entre les membres de l’organisation, les analystes s’accordaient à dire que toute perspective d’accord semblait improbable.
C’est donc à la surprise générale que les pays de l’OPEP ont annoncé, le 30 novembre dernier, la signature d’un accord historique de réduction de la production de pétrole. Mohammed Saleh Al-Sada, ministre de l’énergie qatari et président de la conférence de l’OPEP, a expliqué qu’à compter du 1er janvier 2017, les volumes de brut produits par l’OPEP seraient ramenés à 1,2 millions de barils par jour. Soit un plafond de 32,5 millions barils quotidiens.
« L’intérêt commun de tous les pays producteurs, au-delà de leurs divergences, en termes de population, de richesses, de réserves pétrolières, de situation politique, d’intérêts stratégiques, c’est le fait que tous ces pays ont besoin que les prix du pétrole ne soient pas trop bas pour leur balance commerciale, pour leur balance des paiements, pour leurs recettes budgétaires, pour leur croissance économique, pour le bien-être de leur population », a estimé Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Énergétiques.
La réaction des marchés ne s’est pas faite attendre. Les cours du pétrole se sont envolés dans la journée. Le baril de référence est repassé au-dessus de la barre symbolique des 50 dollars. Peu après, le baril de brent s’échangeait à 50,23 dollars (soit une hausse de 8,30%) et de son côté, le brut léger américain reprenait 9% pour se stabiliser à 49,28 dollars.
Modalités de l’accord
Concernant les modalités de l’accord, c’est l’Arabie Saoudite qui va devoir fournir le plus gros effort. A partir de janvier 2017, le Royaume devra réduire ses pompages de près de 500.000 barils par jour afin de ramener son volume de production global à 10,06 millions de barils. Autres gros producteurs, les pays du Golfe (Koweït, Émirats arabes unis et Quatar) vont devoir couper leurs pompages de 300.000 barils par jours. Malgré une vive opposition de sa délégation, l’Irak a quant à lui accepté de réduire sa production de près de 210.000 barils par jours pour figer sa production totale à 4,351 millions quotidiens.
Trois pays ont en revanche obtenu un traitement de faveur et sont exemptés d’efforts. La Libye et le Nigéria d’une part: la Lybie dont l’économie est depuis cinq ans perturbée par la guerre civile, et le Nigéria dont les installations pétrolières du delta du Niger sont régulièrement sabotées par les rebelles. L’Iran, d’autre part, a été autorisé à augmenter sa production de 90.000 barils par jours pour la porter à 3,979 millions de barils par jours. Il s’agit d’une véritable victoire pour Téhéran qui réclamait un régime spécial afin de ramener sa part de marché à son niveau d’avant sanctions internationales et ainsi de relancer son économie. Certains experts estiment que ce traitement particulier réservé à l’Iran constitue la clef de la réussite de l’accord. Les tensions entre Saoudiens et Iraniens ayant jusqu’à présent été à l’origine des échecs des précédentes tentatives de consensus.
« Cet accord est lié à une réduction de 600 000 barils par jour par les producteurs non-membres de l’OPEP. La fédération de Russie s’est engagée à réduire sa production de 300 000 barils », a également précisé le Président de l’OPEP Mohammed bin Saleh al-Sada. Face à son refus de se soumettre à l’effort de réduction qui lui était demandé, l’Indonésie a été exclue de l’OPEP. La réduction qu’elle devait supporter a donc été répartie entre les autres pays.
Finalement, la baisse totale de la production des membres et non membres de l’OPEP est estimée à 1,8 million de barils par jour, soit 2% de la production mondiale.
Un accord fragile
Historique et fruit de nombreux compromis, cet accord n’en demeure pas moins fragile. C’est en effet dans un véritable jeu d’équilibriste que se sont engagés les membres de l’OPEP le 30 novembre dernier. En attendant de parvenir à un rééquilibrage total du marché, ces derniers sont condamnés à s’entendre à échéances régulières sur un niveau de production leur permettant à la fois d’écouler leurs excédents pétroliers et de rester compétitifs face au pétrole issu de sources non conventionnelles du territoire nord-américain. Les cours du brut étant en effet intimement liés aux cours de ces sources non conventionnelles. En effet, comme l’explique Francis Perrin, une remontée brutale des prix du pétrole pourrait les rendre à nouveau rentables et donc pénaliser l’OPEP. « [Les membres de l’OPEP] veulent bien entendu faire remonter les prix du pétrole qui sont trop bas, comme le veulent d’ailleurs la plupart des pays non-OPEP, mais il ne faut pas que les prix remontent trop haut et trop rapidement, sinon cela rendra de nouveau rentable l’exploitation du pétrole de schiste aux États-Unis, dans certains États, bassins pétroliers, champs, où on avait réduit la production faute de non-compétitivité, de non-rentabilité ».
Au dépend de toute autre considération, c’est donc une fois de plus l’intérêt économique des géants de l’hydrocarbure qui est au centre des préoccupations. Car malgré le déploiement de sources d’énergie plus respectueuses de l’environnement (comme le solaire et l’éolien) et l’engagement d’un certain nombre d’États lors de la COP21 pour endiguer le réchauffement climatique, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que les énergies fossiles représentent encore 75% de la consommation primaire d’énergie dans 25 ans. Le gaz, le pétrole et le charbon ont encore de beaux jours devant eux.