« Paris peut être une vitrine de la transition énergétique »
Anne Girault, directrice de l’Agence Parisienne du Climat, agit pour aider les Parisiens à accompagner, dans leur quotidien, la transition énergétique nécessaire à la lutte contre le réchauffement climatique. Interview.
Pour commencer, dites-nous ce qu’est l’Agence parisienne du climat ? Quel est votre rôle ?
Nous sommes une agence partenariale créée à l’initiative de la ville de Paris en 2010 pour aider à la mise en œuvre du Plan climat énergie de Paris sur le territoire parisien. L’agence, qui a une mission de conseils neutres et gratuits, rassemble 90 adhérents participant à ce projet en nous aidant à la mise en œuvre opérationnelle. Nous sommes là pour répondre aux questions multiples des Parisiens sur la transition énergétique, la rénovation des logements, la consommation… Nous travaillons également avec les professionnels du bâtiment et du grand tertiaire pour les aider à devenir pleinement acteurs de la transition énergétique.
Comment les Parisiens et les Franciliens peuvent-ils concrètement participer à la lutte contre le réchauffement climatique ?
De différentes manières. La première chose est de s’informer pour mieux comprendre la réalité du réchauffement climatique, et de se projeter aussi dans un avenir plutôt optimiste d’engagement sur la lutte contre le réchauffement climatique. Nous avons, de ce fait, des outils d’informations, des documents et des dispositifs qui permettent aux Parisiens de savoir ce qu’est le changement climatique dans la capitale, comme les bulletins climat météo publiés chaque fin de saison, les rencontres et ateliers spécifiques organisés par exemple avec les copropriétaires, ou tout simplement grâce au téléphone et aux mails échangés avec celles et ceux qui ont besoin de conseils et d’informations. Nous avons plus de 6 000 contacts par an, et nous organisons plus d’une centaine d’événements chaque année.
Nous avons par ailleurs le dispositif « Famille à énergie positive » qui permet aux familles de suivre des recommandations à travers le guide des écogestes. Résultat : nous constatons que, sans rien faire et sans investir, on arrive à économiser entre 8 et 10% sur la facture. En étant encore plus efficace dans le quotidien, certaines familles économisent entre 15 et 20% sur leur facture d’énergie et d’eau. Ce sont des choses simples, comme chauffer un peu moins son logement, éteindre les veilles des appareils…
Le plan climat énergie de Paris a fixé des objectifs pour 2020 (réduction de 25% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2004, réduction de 25% des consommations d’énergie, disposer de 25% d’énergies renouvelables et de récupération dans sa consommation…) Seront-ils tenus ?
Les objectifs fixés par le premier plan climat sont très ambitieux. Actuellement, sur les chiffres de 2014, nous sommes à 10% des émissions de gaz à effet de serre, 15% de réduction sur la consommation et à 15% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. Il faut noter que ces chiffres sont à mettre en relation avec l’augmentation de la population et la construction constante de logements. Depuis 2004, après l’annonce de toute une série de dispositifs, je pense à l’accord de Paris et la COP 21 et à la loi de transition énergétique, nous arrivons en 2017 sur une phase d’accélération. Par conséquent, les objectifs de départ pourraient être pratiquement tenus.
Je précise qu’à Paris, comme nous savons que l’essentiel des consommations d’énergie concernent le bâtiment, la ville, avec l’Agence parisienne du climat, a un dispositif assez extraordinaire : Ecorénovons Paris. Ce dispositif, unique en Europe par rapport aux moyens mis sur la table, accompagne les Parisiens avec des aides afin de rénover les copropriétés. On considère qu’il contribue à l’accélération.
Une chose est sûre : tous les ingrédients sont là pour passer à la phase suivante, à savoir 2020-2030.
Comment arriver à l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre du territoire parisien de 75% en 2050 par rapport à 2004 ?
Selon le cabinet de conseils missionné par la ville de Paris, la neutralité carbone à l’horizon 2050 est possible. La première chose à travailler est la sobriété énergétique. La phase 2020-2030 est essentielle pour pouvoir passer à cette accélération. Tous les secteurs vont devoir être impactés. Aujourd’hui, 4 500 logements sociaux et 12 000 logements privés sont rénovés par an. D’ici 2030, il va falloir doubler le nombre de logements privés rénovés thermiquement. Le rythme n’est pas inatteignable d’autant que le solaire et la géothermie, par exemple, se développent et que nous aurons plus d’efficacité avec les smart grids. Il faudra également que la partie transport des marchandises évolue beaucoup. La ville de Paris travaille par exemple à de nouvelles formes de livraison. Sans oublier l’alimentation qui est également un enjeu, avec l’impact des déchets.
Respire-t-on mieux à Paris depuis les mesures prises par Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo ?
Selon Airparif, expert sur le sujet, même s’il y a une tendance à la baisse depuis quelques années – grâce notamment aux nouvelles motorisations et aux restrictions de circulation pour les véhicules diesel – la pollution reste à des niveaux impactant, lors des jours de pics, la santé publique.
D’après vous, si Paris obtient les Jeux olympiques de 2024, est-ce un argument de plus pour accélérer la transition énergétique ?
Certainement ! Le dossier de candidature de Paris a fait de la lutte contre le réchauffement climatique un élément majeur. Cela peut être une vitrine du Paris engagé sur la transition énergétique.
Les climato sceptiques sont certainement revigorés avec les prises de position et de parole de Donald Trump. La position de l’administration Trump, notamment sur l’accord de Paris, vous inquiète-t-elle ?
Même si cela m’attriste et me met en colère, je relativise cette position car elle n’est pas du tout représentative de ce qu’il se passe dans certains États et villes américaines. Je pense qu’il faut en profiter pour affûter nos arguments et rappeler que la question du changement climatique est avérée scientifiquement. La position de Trump est un soubresaut d’irresponsabilité.