Perspectives électriques nationales au temps du coronavirus
Sur les rails où circule le train fou de la décarbonation d’un système électrique déjà décarboné, l’obstacle viral, omniprésent, se profile.
Saura t-on-le voir pour ce qu’il est, c’est-à-dire matière à ré-interrogation fondamentale sur nos choix nationaux, bien au-delà de l’hôpital ?
Dans l’alternative, hélas probable, on activera un aiguillage déviant le convoi et lui permettant de poursuivre sa course, au lourd détriment d’autres priorités, pourtant plus lisibles que jamais.
Toutes les crises se valent-elles ?
Certes, personne n’aurait souhaité que l’entrave prenne la forme d’un hideux virus qui pousse à devoir reconsidérer bien des dimensions dans bien des domaines. En effet, hors la guerre généralisée, il était difficile d’imaginer pire conjonction qu’avoir à faire face, simultanément, à un péril sanitaire majeur et à la crise économique profonde qu’il engendre.
Lorsque nous sortirons de ce double piège, une perspective encore bien lointaine et selon des modalités qui peineront à éviter les rechutes, nous resterons effarés par le bilan humain et nous serons économiquement exsangues.
Chaque Euro sera précieux et on devra le dépenser ou l’investir à bon escient dans une logique de consolidation puis de reconstruction. Alors, la pesée « essentiel versus accessoire » sera discriminante et les choix qu’il faudra opérer en conséquence, seront décisifs.
Mais, d’aucuns déjà nous rappellent (1), dans une logique gigogne, que la crise actuelle, pour sévère qu’elle soit, ne doit pas faire oublier qu’elle est surplombée par une autre crise, climatique celle-là, la première vue comme passagère, la seconde étant considérée pérenne.
Grand merci à eux de prendre du recul et de gagner en hauteur pour nous avertir, comme sur les passages à niveau coupant une double voie, qu’un train peut en cacher un autre !
De l’analogie ferroviaire à l’analogie maritime, on doit cependant s’interroger sur l’exigence rappelée de devoir d’abord garder le cap, sur un bateau qui lutte contre les effets d’une voie d’eau massive.
Toutes les priorités se valent-elles ?
Mais accepter ce rappel, même s’il est un peu difficile à entendre dans le présent contexte, impose que les mesures que l’on décidera de prendre ou de maintenir à dessein, soient pesées à l’aune de leur efficacité réelle, c’est bien le moins.
Avec un tel arbitre, mais comment imaginer qu’il ne siège pas en permanence, les yeux grands ouverts et le marteau de justice à la main, il est clair que le gigantesque effort éolien et solaire, qui n’apporte rien en matière de réduction des émissions de GES, car se substituant au nucléaire, encore moins émetteur, devra être largement reconsidéré.
Il est dispendieux pour les finances publiques, puisque 6 Mds d’euros environ sont consacrés chaque année à son soutien (c’est une somme énorme et 121 sont déjà gagés !).
Avant cette période de crise aigüe dans laquelle nous nous engageons, la question se posait déjà, la Cour des Comptes (2)…avait fait les comptes et la Commission Aubert(3), même entravée, avait dit clairement ce qu’on devait dire et c’était sans appel.
Souhaitons aussi que la « Convention Citoyenne » (4) qui selon toute vraisemblance s’apprêtait à reconduire, voire à accentuer, toutes les mesures, dites écologiques, en faveur du solaire et de l’éolien et qui se trouve bloquée par la crise dans ses derniers exercices de convergence, en profite pour remettre, salutairement, un peu d’ordre dans ses priorités, un vœu pieu, on peut le craindre.
Tous les besoins se valent-ils ?
Qu’aurait-on pu faire pour l’hôpital, ses soignants, ses équipements, ses structures et ses consommables avec de telles sommes ? Beaucoup évidemment. Mais hors ce parallèle qui ne peut que venir immédiatement, sans même rappeler que les personnels des hôpitaux étaient déjà dans la rue depuis un an et qu’ils n’ont obtenu que quelques bribes étalées sur plusieurs années, d’autres comparaisons sont possibles.
Ainsi, pour poursuivre dans la dimension ferroviaire, un Rapport (5) vient de chiffrer à 7 Mds d’euros la somme qu’il faudrait consacrer (sur dix ans !)…à la sauvegarde des petites lignes présentant un vrai potentiel, un effort considéré hors d’atteinte !
Mais lorsqu’il s’agit d’étaler des panneaux ou de dresser des moulins, alors, miraculeusement, tous les obstacles s’aplanissent. Quand on élabore le budget de la Nation la procédure est telle qu’on constate ce qu’il faut verser en application des mécanismes de soutien prévus par la LTECV… et on le paie sans barguigner, le reste des dépenses doit s’en accommoder.
Toutes les autonomies se valent-elles ?
Par ailleurs et alors qu’il faudra s’interroger sur ce que signifie l’autonomie stratégique de la Nation et que l’inventaire dépassera forcément la seule dimension médicale, certes vitale au sens premier du mot, on redécouvrira, entre autres plaies béantes, que tous les matériels éoliens ou solaire PV sont importés et ce au détriment de notre industrie nucléaire qui, sans plus de perspectives, n’arrive plus à survivre.
Qui s’en préoccupait jusque là, surtout pas une opinion prise dans un vertige vert et qui ne voyait que des avantages à tailler des croupières à l’électronucléaire qu’on lui a appris à honnir. Augurer une telle prise de conscience reste, hélas, bien hasardeux.
Toutes les bonnes intentions se valent-elles ?
Il est clair que la pose relative dans les émissions mondiale de GES, due à la crise, ne devrait donner qu’un mini répit au front du climat (en fait, conduire à un léger ralentissement de la hausse des températures, qui continueront à croître, compte tenu de l’effet inertiel de ce qui a déjà été émis) et que la question du réchauffement de la planète demeure évidemment pendante.
Si sonne vraiment l’heure des remises en cause, rien n’empêche, évidemment, de considérer, mieux que par le passé, ce qui est bon pour le climat et ce qui lui est nuisible.
Mais alors, l’efficacité réelle des mesures, c’est-à-dire leur contribution mesurée en diminution effective des émissions de GES, devra être qualifiante, le rapport coût / bénéfice permettant un choix in fine. Si on considère honnêtement l’électricité nucléaire, on constatera alors qu’elle se situe du bon côté de chacun de ces déterminants.
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(1) Dépêche AFP 04 2020 : Coronavirus :l’Etat prend des mesures de soutien à l’électricité renouvelable
(2) Rapport de la Cour des Comptes : 03 2018 Le soutien aux énergies renouvelables, Communication à la Commission des finances du Senat
(3) Commission parlementaire réunie à l’initiative du Député Aubert « sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’accessibilité sociale des politiques de transition énergétique »
(4) Convention citoyenne pour le climat : une réponse au mouvement des « gilets jaunes », 150 français tirés au sort.
(5) Rapport du Préfet Philizot réalisé en 2018, mais publié en 03 2020 (lignes de desserte fine du territoire, diagnostic et solutions).
COMMENTAIRES
L’avenir du réseau, selon un grand spécialiste de la question. Pas aussi simple que ne veulent le faire croire les anti-nucléaires et fanatiques des énergies intermittentes : https://www.connaissancedesenergies.org/la-maitrise-des-grands-systemes-electriques-interview-dandre-merlin-200403