« Nous amenons cette physique du futur vers des applications clés pour décarboner »
Le gouvernement a récemment précisé la stratégie et les moyens de France 2030 pour faire émerger et industrialiser en France des technologies de rupture dans le domaine des énergies renouvelables, du nucléaire et des réseaux électriques de demain. Suite à cette annonce, l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » a été ouvert. Le financement global de ce programme devrait atteindre 500 millions d’euros.
L’occasion de rencontrer Antoine Guyot, fondateur de Jimmy, une start-up française du nucléaire créée en 2020 qui vient d’annoncer une levée de fonds de 2,2 millions d’euros. Concrètement, la start-up conçoit et exploite des mini-réacteurs nucléaires capables de fournir de la chaleur aux sites industriels.
Votre start-up conçoit et exploite des mini-réacteurs nucléaires capables de fournir de la chaleur aux sites industriels, sans émission de gaz à effet de serre. Concrètement comment cela fonctionne-t-il ?
En effet, nous concevons des générateurs thermiques basés sur la fission nucléaire afin de remplacer les brûleurs à gaz industriels. La source de chaleur de nos générateurs est la réaction de fission elle-même, car quand vous scindez un atome en deux, l’énergie dégagée est de la chaleur (pas de l’électricité !).
Le rôle du microréacteur nucléaire est alors d’héberger cette réaction de fission et de laisser passer de l’hélium pour que celui-ci transporte la chaleur jusqu’à un premier échangeur dans notre petit bâtiment.
De cet échangeur, un second circuit au CO2 prend le pas et transporte la chaleur jusqu’à la ligne de production industrielle. En fonction du métier de l’industriel, la chaleur peut être alors utilisée en air chaud, vapeur, …
Vous proposez donc de remplacer le gaz pour décarboner les émissions des industries. Combien de générateurs pourriez-vous équiper en France ?
Nous estimons que la France a un potentiel de 500 à 1000 générateurs pour notre premier produit. La chaleur est à la base de nos procédés industriels, en particulier pour le papier, la chimie et l’agro-alimentaire qui sont nos premiers marchés car ils utilisent des températures en dessous de 600°C.
On croyait, il y a peu encore, le nucléaire comme une filière industrielle du passé. Votre start-up semble démontrer le contraire…
Il faut dissocier la physique et son application. La physique nucléaire est la physique du futur, que ce soit pour la fusion ou la fission, car les rendements énergétiques sont tels qu’ils peuvent nous sortir rapidement de notre monde basé sur la combustion.
Du côté de son application, les centrales nucléaires gardent un attrait fort même si l’équation économique doit parfois se réaffirmer. C’est par exemple la mission que se donne Nuward. Pour les start-up comme Jimmy, nous amenons cette physique du futur vers de nouvelles applications clefs pour décarboner l’activité humaine.
La question de la sûreté se pose…
En effet, c’est pour cela que nous avons choisi de prendre un réacteur très chaud et extrêmement sûr afin qu’elle ne se pose plus. Le réacteur que nous adoptons fait partie des « réacteurs à haute température ».
Ceux-là disposent d’une sûreté dite passive, c’est-à-dire que quoiqu’on fasse, leur température ne peut pas dépasser un certain seuil et donc ils ne peuvent pas produire de rejets massifs dans l’environnement. Tout notre système est par ailleurs mis dans une enceinte en béton épaisse pour doubler la sûreté.
Avez-vous l’aval de l’ASN pour produire vos réacteurs ?
L’ASN fait évidemment partie de nos interlocuteurs. Comme pour tous les systèmes à base de fission, cette autorité applique des règles strictes de sûreté auxquelles nous nous soumettons.
Même si nous sommes tous certains sur la sûreté intrinsèque de notre système, l’ASN ne peut donner une approbation qu’après instruction du dossier. Cependant, on sent une réelle volonté de leur part de participer au futur du nucléaire français.
COMMENTAIRES
Faut-il vraiment sortir l’artillerie lourde pour fournir de la chaleur (encore si il y’avait production d’électricité au passage…) ? Une utilisation plus intelligente de l’énergie ne serait-elle pas plus souhaitable ?
Pour faire de la chaleur il y a quelque chose de pas mal et d’assez facile à exploiter ça s’appelle le solaire à concentration non ? Des miroirs et du jus de cerveau… ?
Après je n’ai aucune expertise sur le sujet. Si vous avez des ordres de grandeur (avec les sources) à me fournir je suis preneur.
Rien de révolutionnaire, il s’agit d’un Nième projet de mini réacteur, qui ici semble vraiment microscopique.
Le fondateur de cette start-up doute de l’équation économique des grands réacteurs tels que l’EPR, mais ne donne aucune information sur celle de son « mini réacteur », précisant seulement qu’il s’agit d’une technologie HTR avec caloporteur He et un échangeur secondaire utilisant du CO2. Un peu complexe cependant. Quand on sait que plus un réacteur est petit plus il faut enrichir l’uranium, et plus le rendement de fission décroît, il reste à ce fondateur à évaluer l’intérêt économique de sa solution, surtout en métropole où elle sera en concurrence avec des EPR voire avec le Nuward (petit réacteur à sûreté passive, mais de taille qui semble un peu plus importante).