Poutine et Merkel défendent leur projet de gazoduc face aux menaces américaines
Vladimir Poutine et Angela Merkel ont défendu vendredi leur projet de gazoduc sous-marin Nord Stream 2 menacé par les sanctions américaines, motif supplémentaire de rapprochement face à Washington en plus de la volonté de maintenir l’accord sur le nucléaire iranien.
Le président russe, tout juste investi pour un quatrième mandat, recevait la chancelière allemande dans la station balnéaire de Sotchi, au bord de la mer Noire. Ce premier tête-à-tête depuis un an, période pendant laquelle les tensions entre Moscou et les Occidentaux se sont encore dégradées, leur donnait également l’occasion d’évoquer le conflit syrien et la crise ukrainienne.
Semblant vouloir donner des gages pour ce chantier d’une importance stratégique pour les deux pays, M. Poutine a promis de poursuivre le transit de gaz russe via l’Ukraine à condition qu’il soit rentable, après le lancement de ce projet qui doit relier directement la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique, et donc sans passer par l’Ukraine.
Plusieurs pays européens, Pologne en tête, s’opposent à ce projet en dénonçant sa portée politique. Les Etats-Unis vont pour leur part jusqu’à menacer de manière à peine voilée les entreprises participant au chantier de sanctions.
« Nous considérons ce projet rentable pour nous et nous nous battrons pour qu’il soit réalisé », a lancé M. Poutine, liant les menaces américaines à la volonté de Donald Trump de « défendre les intérêts de son business » en poussant à un approvisionnement en gaz américain de l’Europe, à la place du gaz russe, qui assure actuellement une grande partie des besoins européens.
Mme Merkel a pour sa part demandé des « garanties » pour que Kiev ne soit pas exclu du transit une fois le lancement de ce gazoduc, qui vise à doubler d’ici fin 2019 les capacités de son grand frère Nord Stream 1.
– « Se tenir » à l’accord iranien –
Les deux dirigeants ont également évoqué l’accord nucléaire iranien, que Russes, Chinois et Européens tentent de sauver après la décision de Donald Trump de se retirer du texte et de rétablir prochainement les sanctions contre l’Iran.
« L’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et tous nos collègues de l’UE soutiennent cet accord et nous continuerons à nous y tenir », a affirmé Mme Merkel. « Cet accord n’est pas parfait, mais il est mieux qu’une absence d’accord », a-t-elle ajouté.
« Cet accord garantit un plus grand contrôle, une plus grande sécurité. Et l’Iran remplit ses obligations ».
Dans le cadre de l’accord signé en 2015, l’Iran a accepté de brider son programme nucléaire en s’engageant à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales.
Les Européens veulent désormais éviter à tout prix que Téhéran abandonne l’accord et relance son programme visant à se doter d’une arme nucléaire. Soucieux de protéger leurs investissements, ils ont lancé la procédure officielle visant à contrecarrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran.
« Il ne faut pas se bercer d’illusions », a prévenu la chancelière, estimant que ce mécanisme ne serait pas suffisant à convaincre les entreprises dans leurs décisions d’investir.
– Syrie et Ukraine –
Ce dossier constitue un rare sujet de rapprochement entre les Européens et Moscou, dont les relations ont été rendues calamiteuses par des années de désaccords concernant le conflit syrien, l’annexion de la Crimée et la guerre dans l’Est de l’Ukraine.
Ces tensions n’ont fait que s’aggraver ces derniers mois depuis l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal en Angleterre, à l’origine d’une vague historique d’expulsions de diplomates.
M. Poutine a souhaité vendredi « bonne santé » à Sergueï Skripal, sorti d’un hôpital britannique où il était soigné depuis des mois, tout en continuant de démentir toute implication dans son empoisonnement.
Les deux dirigeants ont également plaidé en faveur de la relance du processus politique en Syrie, où la Russie s’est imposée comme maître du jeu depuis son intervention aux côtés du régime de Bachar al-Assad en 2015.
Avant de recevoir la chancelière allemande, puis la semaine prochaine le président français Emmanuel Macron, M. Poutine a accueilli jeudi dans sa résidence Bachar al-Assad, évoquant l’après-conflit avec un président syrien renforcé par les succès militaires permis par l’intervention militaire russe: règlement politique, reconstruction et retour des réfugiés.
Vladimir Poutine et Angela Merkel ont également évoqué l’Ukraine, où le conflit opposant depuis quatre ans gouvernement pro-occidental et rebelles prorusses connaît un regain de tensions ces derniers jours malgré les accords de paix de Minsk signés en 2015.